Publié le 3 Février 2023
LE RETOUR A L’INDIGENCE
Hier soir sur la deuxième chaine, droite sans ses bottes, Madame la baronne de Matignon, s'est évertuée à défendre mordicus l'indéfendable : une retraite pour des « démolis » de la surexploitation à retardements programmés et révisables selon les critères du profit.
Cela n’est pas venu comme un long fleuve tranquille, un beau matin : il y a là la patte du patronat et du grisbi.
Quand on observe les différentes réformes des retraites depuis plusieurs les années 1990, le démembrement d'un système solidaire et par répartition, celui établi et mis en place par Ambroise Croizat, était prémédité.
J'entends ces jeunes hommes et femmes qui criaient leur colère le 31 janvier à la manifestation de Beauvais, où ils étaient venus nombreux et mécontents ; leurs calculs les amenaient à discerner qu’ils devront travailler plusieurs années de plus pour atteindre un âge problématique leur permettant de partir en retraite.
Leurs raisonnements sont évidents : la réforme de 1993 est le point de départ conduisant à atteindre les paramètres essentiels d’une retraite solidaire et garantie, telle que la concevaient le Conseil national de la Résistance et Ambroise Croizat ministre de la Sécurité sociale. Balladur, le premier ministre à cette époque et Simone VEI, ( qui n’a pas fait que des choses heureuses) ont, dès leur arrivée au pouvoir, modifié les règles tant sur l’âge que sur le niveau des pensions ; une retraite calculée sur les 25 meilleures années au lieu des dix meilleures - donc avec des trous dans la raquette plus nombreux - , avec davantage de périodes d’inactivité et de chômage et sur la base 40 années de cotisations au lieu des 37 années et demi pour l’acquérir à taux plein (1) .
L'attaque était grave, elle déclenchait en fait l'offensive paramétrique visant à remettre en cause les principales dispositions en matière de pensions et des âges de la retraite avec la volonté de faire sauter « les contraintes » - comme disait le patronat - de 60 ans et du taux plein des 37 ans et demi de cotisations, obtenus en 1982 sous un gouvernement de gauche (ordonnance du 26 mars 1982).
Ensuite l’attaque se dirigea vers les régimes dits spéciaux et des services publics en plaçant l’âge légal de la retraite à 62 ans en 2003.
Ainsi, par plusieurs touches successives, les gouvernements se sont occupés à cette œuvre de dévastation, d’un système qui avait tous ses équilibres tenus selon les règles de la répartition et de la solidarité.
Les salariés-es du privé comme du public ont vu leurs acquis remis en cause dés cette date.
En plusieurs décennies, 4 années de retraites ont été perdus pour ceux et celles ayant eu leurs carrière complète dans le privé et bien plus pour les agents des entreprises nationales et des services publics . Avec cela viendra se greffer le nombre de trimestres cotisés au long d’une carrière qui fait en sorte que l’on est passé de 37ans et demi à 43 ans sous la réforme de la loi Touraine en 2013 et plus encore si l’on tient compte de ceux et celles qui n’ayant pas le nombre de trimestres requis verront leur parcours remplis d’obstacles qui se poursuivront jusqu’à l’âge de 67 ans pour se voir décerner le taux plein pour bons et loyaux services au capital.
Des jeunes qui entrent dans la vie active et qui vont travailler dans les conditions de la précarité de l'emploi et du chômage se disent qu'à ce compte là, il ne leur restera pas grand chose de vie en bonne santé en retraite et se posent la question de cette rupture du contrat passé de générations en générations – un actif cotise pour les retraités et ainsi de suite -.
Ainsi cette jeunesse actuelle sera prise aux deux bouts : la précarité de l'emploi pendant les années de jeunesse pour ensuite la retrouver dans la cinquantaine quand les entreprises se débarrasseront de travailleurs usés et fatigués. L’attente sera alors de vivre d’expédients et de périodes de travail et de chômage indemnisées ou non jusqu’à une retraite dont dans certains pays européens elle se détermine à 70 ans et plus.
Tout cela donc dans une perspective d'une vieillesse où les bonnes années de la retraite et d’une vie nouvelle s’éteignent pour faire place à quelques années de répit avec toutes les indisponibilités de la vie et les conséquences de maladies en rapports avec leur vie antérieure professionnelle.
Cette réforme scélérate doit être combattue avec vigueur et nous devons interpeller les députés et sénateurs en les sommant de ne pas voter ce texte indigne qui va nous faire retourner aux âges de nos grands parents qui devaient quémander à leurs enfants – eux-mêmes dans la misère- pour finir leurs vieux jours dans la pauvreté.
- Loi du 22 juillet 1993 modifiant les conditions d’accès à la retraite des assurés du régime général de Sécurité sociale et assimilés et création du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), appelée loi Balladur. Le mode de calcul des pensions est basé sur les 25 meilleures années et la durée d’assurance requise est portée à 40 ans
Bernard Lamirand