A COR ET A CRI
Je viens de parcourir le rapport présenté par le COR (Conseil d'orientation des retraites), organisme
mis en place par Lionel Jospin pour étudier l'évolution et le devenir de nos systèmes de retraites.
Cet organisme pond régulièrement des rapports et des statistiques indubitables mais dont la traduction
peut être autant pour conforter que pour détruire selon les objectifs du pouvoir en place.
Inutile de dire, que depuis 2002, la droite se sert de ces rapports pour enfoncer nos systèmes de
retraites solidaires et par répartition.
Le rapport est commandé par le pouvoir sur l'évolution
de nos systèmes de retraite pour étudier de nouveaux artifices tels que les comptes notionnels; c' est révélateur de cette volonté du pouvoir et du patronat de se défaire de la sécurité sociale
de 1945.
Rappelons une seule chose: Croizat a imposé la cotisation salariale et entreprise: un compte
notionnel, demain, pourrait très bien reposer sur la fiscalisation et donc sur l'exonération totale des cotisations dites patronales en matière de retraite.
Que dit ce rapport?
Je vais en extraire quelques éléments significatifs.
1° L'Etat des lieux, il est dit : " Le système actuel apparaît complexe, du fait de la multiplicité des régimes de base et complémentaires et de la diversité des règles selon les régimes, même si une
certaine convergence a déjà eu lieu.
Il assure un niveau de vie aux
retraités qui est aujourd’hui globalement proche de celui des
actifs, mais des disparités
importantes existent au sein des retraités.
Il comporte en outre une dimension de
solidarité importante, au travers des droits
familiaux, des périodes validées au
titre du chômage, de la maladie ou encore de l’invalidité,
et du minimum contributif ou garanti,
qui représentent au total environ 20 % des retraites
versées par l’ensemble des
régime.
Quelques remarques: d'entrée de jeu, le système actuel est considéré comme complexe, c'est vrai, mais
chacun s'y retrouve, est-ce- vraiment cela le fond ?
L'idée de regrouper apparait donc et qui dit regroupement dit alignement et l'expérience nous laisse
croire que les pratiques précédentes auront cours: l'alignement par le bas. Une autre thèse apparait, l'idée que le niveau de vie des retraités est globalement proche de celui des actifs; faux!
les pratiques, depuis une vingtaine d'années, abaissent le niveau des retraites qui n'est plus juxtaposé à celui des salaires et il faut aussi observer que les salaires d'aujourd'hui sont
abaissés par rapport à ceux d'il y a une vingtaine d'années notamment à cause de la smicardisation et de la précarisation du travail.
Je demande aussi de porter attention à travers la dimension solidarité qui représente 20% des
retraites versées par l'ensemble des régimes et l'on sait, que le gouvernement veut s'attaquer et s'attaque déjà à certains droits comme ceux de la famille.
2°Les cinq grands objectifs. "Dégager cinq grands objectifs assignés au
pilotage d’un
système de retraite : pérennité financière, lisibilité et transparence, équité entre
les générations,
solidarité entre les individus d’une même génération, et enfin articulation
avec les autres
objectifs de politique économique".
Ces objectifs en soit ne sont pas à rejeter; établir une pérennité financière s'impose comme la
principale nécessité, par contre il faut se méfier de ce mot équité, que veut dire équitable, sinon une notion qui permet toute sorte d'interprétation et d'acceptation d'inégalités des uns par
rapport aux autres et que dire de ce concept enfermant "de la solidarité d'une même génération " sinon que les droits à la retraite ne reposeraient plus sur cette chaine de solidarité mais sur
d'autres valeurs: les comptes notionnels et la course d'une génération pour avoir le maximum de points en continuant l'activité salariée le plus longtemps possible pour acquérir des rentes à la
prise de la retraite. Mais la notion la plus interprétative est celle de l'articulation avec les objectifs de la politique économique. En effet, cette articulation dépendra de la situation
économique et donc de vecteurs où les travailleurs n'auront aucune prise telle la crise actuelle. Avec notre système actuel,c'est le contraire qui vient de se produire:notre système de retraite a
été amortisseur des conséquences de la crise et a permis de contenir ses effets.
3° L'étude des comptes notionnels ou par points. Il est dit : "L’examen des modalités de remplacement du calcul actuel des pensions personnelles les régimes de retraite de base par un
régime en points ou par un régime en comptes notionnels montre qu’un tel changement est techniquement possible et permet notamment d’intégrer des dispositifs de solidarité. Il soulèverait
cependant des problèmes de gestion évidents et nécessiterait en conséquence d’être soigneusement préparé, ce qui implique à la fois des délais pour l’élaboration puis pour la mise en application
d’une telle réforme".
Je passe sur les délais pour m'attarder sur le diagnostic du COR qui donne son feu vert à la mise en
place de ce système. C'est techniquement possible est-il dit, c'est vrai; avec les moyens informatiques d'aujourd'hui toutes les carrières et toutes les situations peuvent être prises en
compte.
Le problème n'est donc pas l'impossibilité ou la difficulté de le mettre en place.
La question qui est posée et qui les inquiète, c'est le temps, c'est la transition, c'est la
globalisation de tous les systèmes dans un seul avec intégration des régimes spéciaux et publics où simplement de se contenter d'assembler le régime général de la sécurité sociale avec les
complémentaires dans le privé.
Le danger est là. Je l'ai dit dans un précédent article, le système par points où sa variante de
comptes notionnels offre la possibilité de jouer sur la valeur des points à acquérir ou du compte notionnel calculé sur le salaire annuel.
L'exemple des retraites complémentaires nous le démontre: chaque année le prix d'achat du point augmente de façon à attribuer moins de points aux salariés et à l'arrivée, à la retraite, c'est le prix calculant la
retraite qui est minoré. En vingt ans les salariés qui ont accédé à la retraite complémentaire ont perdu énormément (20%).
J'ai appelé cela, la théorie du curseur, mais d'un curseur qui glisse toujours du même
coté pour en donner le moins possible et qui se base la situation économique et la volonté du patronat de participer au minimum.
L'autre danger, c'est qu'avec des points ou un compte notionnel, les points étant le reflet immédiat
de la situation du salarié (chômage, précarité, bas salaire) le nombre de points sera affecté d'autant plus. A noter aussi que pour s'en sortir il faudra alors continuer à travailler plus longtemps d'où la volonté du pouvoir et du patronat de ne plus être limité par l'âge légal de la retraite à 60 ans.
C'est d'une limpidité extraordinaire.
4°Simplification ou arnaque ?
Il est dit: "Deux schémas de simplification sont esquissés : d’une part, des régimes de base ayant les mêmes règles complétés par des
régimes complémentaires spécifiques aux différentes catégories professionnelles ; d’autre part, un seul régime dans le secteur privé, résultant de la fusion du régime de base et des régimes
complémentaires. Dans un régime en points ou en comptes notionnels, la solidarité passe par l’affectation au compte du bénéficiaire de points ou de capital virtuel supplémentaires, ce qui rend
explicite la contrepartie en termes de cotisation de tous les droits accordés et peut contribuer à en clarifier le financement. Un changement de système pourrait être l’occasion de remettre à
plat les différents dispositifs de solidarité du système actuel".
Je m'arrêterais à la remise à plat des systèmes de solidarité, il est clair, qu'à travers la mise en
place d'un tel système qu'il soit pout toutes les professions ou uniquement pour celles du privé par exemple, l'objectif que ne manquera pas le pouvoir, dans sa remise en cause de la répartition
issu de 1945, c'est la solidarité et les dispositifs qui l'accompagnent et j'ai cité les événements familiaux, on peut aussi citer ceux concernant les périodes de chômage indemnisées etc.
C'est le compte qui va pour ainsi dire compter, il sera l'objet de manipulations comme par exemple
pour les comptes notionnels de tenir compte de la période de retraite selon des calculs actuaires liés à l'espérance de vie qui diminueraient d'autant plus la rente.
Bref, un système qui parait transparent, mais c'est une apparence, tout les coups seront permis en
sourdine pour réduire le niveau de la retraite ou de la rente.
Ce système nous sort en définitive de la retraite par répartition, il oblige le salarié à continuer le
plus longtemps possible pour avoir une retraite acceptable; on pourra dire qu'il va courir après sa retraite comme l'âne après une carotte qui s'éloigne d'autant pour le faire avancer vers les 70
ans (âge où désormais on peut travailler).
5° EPILOGUE
Le COR crache le morceau: celui de la réalité du financement et il est dit ": La comparaison des techniques de calcul des retraites fait ressortir la capacité d’autorégulation du système en comptes
notionnels face aux évolutions démographiques et économiques. La technique des comptes notionnels permet en effet, en contraignant les paramètres déterminant le montant des pensions, de contenir
les éventuels déficits du régime, notamment face à l’allongement de l’espérance de vie, sans toutefois conduire nécessairement à l’équilibre instantané. En particulier, en l’absence de réserves
suffisantes pour financer le trois leviers que le COR a régulièrement mis en évidence dans son abaque : le niveau des ressources, le niveau des pensions et l’âge moyen effectif de départ à la
retraite. surcroît de dépenses lié au papy boom, il serait nécessaire dans tous les cas de préciser comment celui-ci sera financé. Les régimes en
annuités et en points peuvent être plus spontanément pilotés au fil de l’eau mais présentent voulant poursuivre d’autres objectifs. En tout état de cause, quelle que soit la le risque de
s’écarter durablement de l’équilibre en technique utilisée (annuités, points ou comptes notionnels), le retour à l’équilibre du système de retraite, face notamment au vieillissement de la
population, repose dans tous les cas sur les dans tous les cas sur les
trois leviers que le COR a régulièrement mis en évidence dans son abaque : le niveau
des
ressources, le niveau des pensions et l’âge moyen effectif de départ à la
retraite.
Tout est dit dans la conclusion; en effet, la question principale c'est comment équilibrer les
systèmes de retraites à un horizon de moyen terme: le COR renvoie aux trois possibilités, celles des ressources, du niveau des pensions, de l'âge moyen effectif de départ, à la retraite.
Je m'arrêterai au financement. La technique par points ou par comptes notionnels peut contenir les
difficultés financières actuelles est-il dit; c'est un aveu que ces techniques peuvent contraindre à des coupes sombres dans les acquis en matière de retraite solidaire; c'est avoué et c'est
accompagné de l'idée de toucher aux paramètres des pensions et de l'âge de départ.
Le COR, manière de rien, le suggère doucereusement.
Mais il admet que le financement n'est pas réglé pour autant.
En conclusion, c'est donc bien le financement qui est la pierre d'achoppement;
C'est la question centrale. Il faudra la résoudre et cela passe inévitablement par une augmentation
conséquente de la part entreprise concernant la cotisation sociale pour non seulement boucher le trou actuel creusé par les exonérations patronales, les bas salaires, le chômage, la précarité et
la part exorbitante du profit prélevé sur la valeur ajoutée et je pense que le COR, s'il est un organisme sérieux, indépendant et force de propositions, devrait calculer ce qu'il en
couterait aux entreprises et aux salariés d'une retraite à 60 ans pour tous à taux plein, avec une pension minimale du niveau du SMIC et d'un calcul prenant en compte les 10 meilleures années
pour tous, d'une réversion à 75% .
Je proposerai volontiers un ordre de grandeur de 70 % pour les entreprises et de 30 % des salariés de
ce que peut représenter ces revendications.
J'entends dèjà les hurlements patronaux et ceux aussi des enfants sages des réunions paritaires;
"c'est démagogique, c'est pas crédible, cela va mettre sous la paille toutes les PME etc.
Alors, je sors ma botte secrète: comment se fait-il que notre cher président a trouvé des centaines de
milliards pour renflouer les banques et surtout les comptes des actionnaires et qu'il ne pourrait pas en trouver pour la protection sociale et la retraite ?
Oui, ils peuvent payer.
La question des retraites est donc importante pour tous les travailleurs et en particulier pour les
jeunes générations qui seront sacrifiées "aux deux bouts" si ce système par points ou par compte notionnels se mettrait en route où si la retraite
serait portée à plus de 60 ans: ils seront les dindons de la farce en étant chômeur en début de carrière et à partir de 55 ans jusque perpète.
Ils n'auront plus qu'à espérer qu'une "retraite pour les morts" comme disait la CGT dans les années
1910.
Alors, une seule alternative, mettons en l'air tous les plans de ces messieurs-dames et n'attendons
pas pour réagir, surtout que l'on sait que le pouvoir compte prendre ses décisions pendant les vacances et des mauvaises langues disent, j'en fais partie: ce sera au moment de la coupe du monde
de Foot.
Alors vite une bonne grève pour l'avenir de nos retraites.
Bernard LAMIRAND
samedi 30 janvier 2010