PENSION DE REVERSION LES RETRAITES-ES GRUGES-ES PAR MACRON DELEVOYE
Un méchant tour de passe-passe se prépare pour les retraites de réversion.
D’abord quelles sont les règles des principaux régimes en vigueur actuellement pour y avoir droit :
Retraite de base des salariés : les revenus du conjoint survivant ne doivent pas dépasser annuellement 2080 fois le SMIC horaire, soit 20.862,40 euros pour une personne seule ou 32.379,84 euros si le conjoint vit en couple.
Réversion de la pension des fonctionnaires : aucun plafond de ressources.
La réversion des retraites complémentaires n'est soumise à aucune condition de ressources.
Il faudrait faire des calculs très compliqués pour déterminer la pension de réversion du dernier vivant et particulièrement des femmes dont on sait les carrière en dents de scie qu’elles ont eu et parfois parce qu’elles n’ont pu bénéficier que du minimum contributif calculé au prorata de leurs d’années de cotisations à la Sécurité sociale.
Delevoye a décidé d’en faire un tout et de la calculer sur la base de 70 % du cumul des pensions du du couple de retraités.
Nous pourrions croire que c’est un plus par rapport aux taux pratiqués actuellement dans les diverses caisses du public et du privé ainsi que des complémentaires et des conventions qui les régissent ; des taux qui se situent pour la plupart des régimes de retraites entre 50 et 60 % pour chaque veuf ou veuve ; mais cette modification n’apporterait en moyenne que des évolutions relatives en pensions de réversion pour le dernier vivant.
A noter cependant la disparition des plafonds puisque les pensions de réversion seraient calculées sur le montant des retraites des époux.
Des modifications aussi sur le droit à une veuve ou à un veuf d’obtenir la réversion en cas de divorce limitée au couple marié ; les droits des ex-conjoints à une pension de réversion seront fermés pour les divorces qui interviendront après l’entrée en vigueur du système universel
et il appartiendrait aux juges des affaires familiales d’intégrer la question des droits à retraite dans
les divorces, en particulier dans le cadre des prestations familiales compensatoires.
A noter que le problème de ceux et celles qui vivent en couple ou sont pacsés n'est pas retenu.
La grande duperie est celle de l’âge de l’obtention de cette réversion qui serait fixé à 62 ans alors que dans la plupart des régimes de retraites, actuellement, l’âge donnant droit à la réversion commencent à partir de 55 ans : donc une perte qui pourrait aller jusqu'à 7ans de réversion pour la personne perdant son mari ou sa femme.
Ces changements en réversion et en date d’application entreraient en service après le 31 Décembre 2024 et ceux et celles ayant des reversions à cette date garderaient l’ancien système.
Conclusion, un tour de passe qui rapporterait gros en piquant aux retraités-es veufs ou veuves des sommes importantes de réversion.
LE RAPPORT DELEVOYE ET LES DISPOSITIFS DE SOLIDARITE
Quelles sont d’abord les règles existantes dans le régime général de retraites de la Sécurité sociale.
La retraite du régime général comporte toute une série de mesures complétant les conditions des ayants droits en plus des trimestres cotisés ouvrant droit au calcul de la retraite.
Ce sont des protections permettant d’acquérir des trimestres en fonction de situations particulières de l’ayant-droit.
D’abord un rappel le régime général attribue des trimestres en fonction des cotisations des salarié-s-es (voir bulletin de paie) que l’on appelle les trimestres cotisés. Actuellement un salarié peut prendre sa retraite à 62 ans et partir à 41,5 années de cotisations en règle général ( il existe des particularités pour les carrières longues loi Touraine).
IL y a plusieurs formes d’acquisition de trimestres hors travail salariés-es par rapport à des situations particulières :
-Les trimestres assimilés
Ce sont des trimestres obtenus en cas maladie, accident du travail, maladie professionnelle, maternité, de chômage indemnisé, d’invalidité ou de stage en formation professionnelle.
-Les trimestres de majoration
Il s’agit des situations suivantes indemnisées :
Avoir élevé des enfants ou eu à charge un adulte handicapé, congé parental etc.
Toutes ces mesures permettent de gagner des trimestres pour obtenir dans certaines conditions le taux plein * pour partir en retraite. Cela concerne particulièrement des personnes ayant eu des carrières heurtées et précaires au travail, notamment des femmes, mais pas seulement.
*Notons qu’il faut actuellement 62 ans pour partir à taux plein à la retraite à la retraite, 67 ans est l’âge de départ à la retraite à taux plein même si l’intéressé n’y est pas parvenu. A savoir que la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein augmentera progressivement d’un trimestre tous les trois ans, entre 2020 et 2035, pour atteindre 43 ans (172 trimestres) pour les personnes nées en 1973 ou après.
En résumé le nombre de trimestres acquis en cas de chômage indemnisé, de maladie, d’invalidité, de maternité compte pour obtenir le taux plein. Notons aussi que la période de 55 ans et plus est celle où l’on trouve de nombreux travailleurs mis en chômage avec l’impossibilité de trouver un travail et peuvent là aussi perdre des trimestres et devoir attendre 67 ans pour le taux plein.
Cette situation provient des remises en cause successives de l’âge de la retraite et du taux plein par les gouvernements Chirac, Sarkozy et Hollande.
Avec la retraite dite universelle de Delevoye et la mise en place d’un système ne donnant que des points seulement si on travaille les choses changent totalement. Les trimestres assimilés et les trimestres de majoration disparaissent pour faire place à des points de retraites selon les règles établies dans le cadre du régime universel et à points de Delevoye.
Ce sont donc l’attribution de points « gratuits » qui prendront le relais. Ces points auraient la même valeur que les points d’achat au titre de l’activité et serait « équitable », or cela ne prend pas en compte d’autres inégalités sociales telles l’espérance de vie et en plus ne représente pas le dédommagement des périodes non indemnisées.
La différence avec l’accumulation de trimestres d’activité, c’est que ces points d’achat sur les périodes indemnisées seront calculés sur des bases inférieures puisque par exemple les indemnités chômage représentent 40,4% du salaire journalier de référence + 12€ ou 57 % du salaire journalier de référence. Notons aussi que les travailleurs en chômage de longue durée ne percevraient aucun point.
En conclusion, l’abandon des trimestres assimilés ou majorés retarderait l’accès au taux plein et reculerait l’âge de départ si l’on prend comme référence l’âge pivot ou la durée de cotisations pour avoir le taux plein .Enfin la compensation en points d’achat se ferait sur des indemnités amoindries et donc moins de points.
RAPPORT DELEVOYE : COTISATIONS SOCIALES ET REPARTITION
Jean Paul Delevoye , haut commissaire à la réforme des retraites, se réclame adepte du système par répartition et du financement par la cotisation sociale.
Nous allons voir de quoi il en est.
D’abord un rappel : avec le système par répartition la cotisation sociale a été approuvée massivement par l’Assemblée constituante en 1946 et le financement par l’impôt rejeté.
.Ambroise Croizat, ministre du travail et de la Sécurité sociale avait à juste titre considéré qu'avec la répartition et la cotisation ce sont les assurés-es qui maîtrise leur système de retraite et non l’État.
Rappelons que la répartition redistribue ce que les salariés-es cotisent et la cotisation est immédiatement reversée aux retraités-es. Le montant global est tout de suite réparti aux retraité-es et les actifs cotisants recevront à leur tour, plus tard, au moment de la retraite, les prestations venant des générations au travail qui leur ont succédées.
Ambroise Croizat avait indiqué que ces cotisations faisaient partie du salaire y compris la cotisation de l’employeur qui n’est la cotisation prélevée sur la richesse créée par les salariés-es. La cotisation est donc un salaire socialisé.
Ce système fonctionne pour le Régime général de la Sécurité sociale depuis 1946. D'autres régimes pratiquent la cotisation ( voir secteur public et régime spéciaux)
La cotisation sociale calculée sur l'assiette salariale va à l’inverse d’un système par capitalisation qui encaisse de l’épargne et reverse des prestations individuelles sujettes à des situations conjoncturelles ou structurelles : par exemple si la bourse baisse, ou si l'économie s'effondre (crise, guerre, faillites, ) le capital accumulé qui devait payer la retraite disparaît, et la pension aussi.
La capitalisation - envisagée par Delevoye- est également sous l’influence de l'inflation qui peut réduire la valeur réelle des capitaux accumulés, lorsque le rendement réel des placements devient négatif.
Le rapport Delevoye ouvre une brèche en permettant l’ouverture de fonds de pension et donc la mise en place d’un système de capitalisation qui avait fait faillite avant guerre.
D'autre part Delevoye bloque lesdites cotisations sociales du projet de retraite à point à un taux de 25,6% définitivement.
Cela s’appelle mettre fin à ce qui était le cœur du système par répartition : l’abandon du système à prestations définies pour choisir celui de cotisations définies.
En clair les ayants-droits devront se partager un gâteau qui va rester le même en encaissements alors que le nombre de retraités-es va augmenter considérablement d’ici 2050.On peut considérer que les futurs retraités-es seront ponctionnés-es de plus de 20 % de leur retraite à cette époque .
Autre attaque à la cotisation celle de l’exonération. Ce n’est certes pas nouveau , mais le fait que les gouvernements successifs ont exonérés de cotisations sociales des entreprises jusqu’à 1,6 SMIC contribue au déficit des caisses et à l’endettement pour payer les retraites actuelles. L’état compense en partie sur son budget par l'impôt et les taxes mais pas en totalité. Cette situation montre que le rapport Delevoye cherche avec les exonérations patronales à étatiser les ressources par l’impôt, tout ce que Ambroise Croizat avait empêché en 1946.
Derrière se profile l’idée d’un régime de retraite par répartition minimale dont Macron et Delevoye annonce la mise en place par une retraite minimale à 1000 euros et de faire en sorte que le complément soit assuré par des versements individuelles des intéressés-es dans des fonds de pensions. Cette voie là est inspirée par le Medef et la Commission Européenne.
L'abandon des prestations définies est donc une véritable entourloupe.
EQUITE ET UNIFICATION DES REGIMES DE RETRAITES RAPPORT DELEVOYE
D’abord quel sens donné à ce mot « équité » employé fréquemment par Delevoye dans son rapport et qui voudrait faire apparaitre comme quelque chose de juste des modifications au système actuel par répartition ; de même le lien avec l’unification de tous les régimes de retraites existants dans notre pays (42) brandis comme archaïques et compliqués alors que ce sont des régimes proches des réalités des conditions professionnelles et notamment des contraintes particulières auxquelles ont à faire face les salarié-e-s .
La CGT a avancé depuis quelques années déjà, une maison commune des systèmes de retraites et notamment pour rendre encore plus solidaires nos systèmes de retraites par répartition.
La démarche d’équité – maitre-mot employé par Delevoye- ne remet pas en cause les fondements de l’inégalité, au contraire dans l’esprit des économistes libéraux, elle est synonyme d’accepter des différences et même de les rendre légales : par exemple l’exploitation capitaliste et le fait que l’exploiteur tire tous les avantages de l’exploitation des salariés-es et notamment du prix de la force de travail, qu’il veut équitable, c'est-à-dire reflétant la division du travail, les inégalités sociales sont considérés comme justifiée : cela s’appelle la subordination à un maitre, à une domination financière, à une hiérarchisation des pouvoirs (classe dominante).
L’équité serait donc d’accepter la situation actuelle et de comprendre par exemple qu’un système de retraite soit équitablement réparti et notamment de se partager le peu qui reste de la création de richesse quand l’actionnaire a subtilisé la plus grande partie de la plus-value.
Pour les retraites, Delevoye nous indique qu’il est équitable qu’entre le patronat et les salariés les cotisations retraites se limitent à 28,12 % et avec une règle d’or de ne pas dépasser en dépenses de prestations retraites 14 % du produit intérieur brut. L’équité consiste donc à ce que l’on ne puisse améliorer les pensions et retraites au-delà de ces chiffres et permettre ainsi au capital de s’octroyer sans aucun verrouillage le maximum de la plus value de plus en plus accaparée par le patronat.
Pour ce qui concerne l’unification des régimes de retraites, cette idée qui, de prime abord apparait séduisante, réunir les régimes particuliers ; apparait en fait comme un coup du Medef : non plus rogner ces régimes plus avantageux que celui de la Sécurité sociale mais les faire disparaitre carrément en remettant en cause ce que ces régimes ont obtenus par des luttes ; ce que l’on appelle des conquis.
Pourquoi ne pas procéder par l’inverse ? C'est-à-dire prendre tout ce qu’il y a de bon dans ces régimes particuliers pour améliorer les conditions de la retraite du régime général de la Sécurité sociale en y intégrant tout ce qui est le plus avantageux de ces régimes spéciaux et du secteur public.
Bref, ne vaut-il pas mieux, de laisser les régimes spéciaux exister au lieu des dispositions contenues dans le rapport Delevoye d’unification et d’alignement par le bas et engager une évolution de notre système de Sécurité sociale de retraite par le haut en consolidant son caractère de répartition, de solidarité, d’égalité hommes femmes et envers la jeunesse.
La CGT fait des propositions qui vont dans ce sens et qui respectent l’existant fruit des luttes des travailleurs avec une maison commune de la retraite.
LE SYSTEME A POINT MACRON DELEVOYE : DES PRESTATIONS RETRAITE INCERTAINES ET PROBLEMATIQUES
Les grandes lignes
La retraite à points est l’outil parfait pour en finir avec une
retraite basée sur la répartition et la solidarité selon la formulation devenue célèbre : « Chacun contribue selon ses moyens, mais reçoit en fonction de ses besoins ! ».
Nous quitterions un calcul basé sur les meilleures années pour en venir à la récolte individuelle des points du début de carrière jusqu’au moment du départ en retraite dans les conditions d’emplois dégradés et de salaires à la baisse.
Jean Paul Delevoye a pris comme modèle le système ARRCO-AGIRC existant pour les salariés du secteur privé, qui, depuis des années, réduit les prestations retraites en jouant sur la valeur du point d’acquisition (1) et celui de service (2).
Le système ARRCO-AGIRC, ces dernières années, a montré ses vices et ses carences pour les retraités actuels, qui ont perdus du pouvoir d’achat et cela augure de grands reculs pour les retraité-e-s de demain.
En effet, depuis plus d’une décennie, les points achetés sont de plus en plus chers (donc moins de points dans la tirelire) et les points servies sont réduits par des revalorisations insuffisantes et des ponctions prévues en cas de difficultés financières des caisses.
Comment est déterminé la valeur et le nombre de points de ce système ?
Les salaires et rémunérations diverses inscrites sur le bulletin de salaire forment l’assiette salariale nécessaire pour le calcul de la cotisation et la fixation du prix pour établir le nombre de points.
Mais ce nombre de points dépend aussi du temps de travail durant toute la vie professionnelle : des horaires pratiqués, de la forme des contrats : à durée indéterminés (CDI), à durée déterminée(CDD) intermittents, temporaires ou en intérim.
Ce nombre de points acquis sera multiplié par un point dit point de service qui donne le montant de votre retraite annuel lors de la liquidation de vos droits au moment du départ en retraite.
Chacun et chacune aura son compte de points individuels.
Quelques exemples : Bernadette a 62 ans, elle a commencé à travailler à 19 ans, elle décide de partir en retraite, elle a travaillé dans plusieurs entreprises dont 25 ans en contrat à durée indéterminé, 10 ans à mi-temps en CDD et 8 ans en intérim ; elle n’aura des points qu'à partir des cotisations versées sur sa fiche de paie et qui seront le reflet de son parcours professionnel haché et morcelé.
Si Bernadette partait selon les bases actuelles du système solidaire, sa retraite serait calculée sur les 25 meilleures années ; celles où elle a travaillé à temps complet et avec les meilleures rémunérations (auparavant c'était 10).
Si Bernadette aurait été fonctionnaire, c’est la base des 6 derniers mois de salaires -les meilleurs- qui aurait été retenue.
Revenons à Bernadette, si elle s’avisait à partir à tout prix à 62 ans, elle aurait une décote de sa retraite de 10 % jusque l’âge de 64 ans selon le projet de Delevoye.
Ce sont quelques exemples : d’autres situations encore plus graves existent notamment pour des femmes ayant des salaires plus bas que les hommes et des périodes de chômage et de précarité plus importantes dans des formes de travail de plus en plus discontinues et momentanées.
Donc retenons simplement que le nombre de points est le reflet du temps de travail effectué et des cotisations versées en conséquence. C’est donc sur toute la carrière et sur les conséquences de périodes de non travail non indemnisées qui se joueront le niveau des retraites et le salarié sera incité à courir après les points pour améliorer sa retraite insuffisante jusqu’à un âge avancé avec des surcotes ou la nécessité d’attendre un taux plein avec une durée de cotisations plus longues que les 41,5 années actuelles dont on sait qu'il passera à 43 ans voir plus.
Notons aussi que nombreux sont les seniors de plus de 55 ans sans travail : ce sont des périodes indemnisées ou non où les points seront calculés que sur les indemnités minimales reçues.
Quand à la valeur du point d’acquisition (1) et du point de service(2), ils seront l’objet de toutes les farces et attrapes. Dans l’hypothèse du rapport Delevoye, le taux serait de 5,5 % pour l’achat d’un point d’acquisition fixé à 10 euros ; cela conduit à un prix de service à 5,50 euros. C’est là que l’on peut s’apercevoir des manipulations des accords Arrco- Agirc où le prix du point acheté est passé de 8, 6 % dans les années 80 à aujourd’hui 5,9 % et ce point devrait encore baisser pour atteindre 4,5 % dans les années 2030.
A cela se rajoute l’exigence du projet Delevoye d’apporter régulièrement des modifications sur les valeurs de points en fonction de la situation économique et financière du pays, de la caisse de retraite et pour couronner le tout de la possibilité de modifier la valeur des points achetés et des points de retraite en fonction de l’espérance de vie.
La cause est entendue : le système à points de Macron permettra au gouvernement d’être le grand horloger de la retraite en matière de durée et de prestations et la roue dentée tournera à l'envers des aiguilles de la montre.
Concernant la règle d’or annoncée par Delevoye, les retraites chuteront inexorablement par le blocage des ressources à son niveau actuel de 14 % du PIB et l’on sait que le nombre de retrait é-e-s va augmenter de plus d’un tiers d’ici 2050 et avec le refus d’augmenter les cotisations au dessus de 28,12 % part salariale et entreprise, le niveau des retraites sera ajusté en baisse., Conclusion, plus personne ne pourra connaitre les conditions de sa retraite et à quel âge on va partir et avec quelle retraite. Bref des retraites tombola.
Bernard LAMIRAND
(1)Valeur d’acquisition du point (ou achat) : il s’agit du montant de cotisations nécessaires pour l’acquisition d’un point Delevoye fixe sa valeur à 10 euros de cotisations.
(2)Valeur de service du point : c’est la valeur du point au moment de la liquidation de la retraite. C’est la valeur permettant de convertir les points acquis durant la retraite.
Le haut commissaire à la réforme des retraites Delevoye, rapporteur du projet de retraite universel, vient d’être nommé au gouvernement pour mettre en place un système dont le but est de déconstruire celui né de la libération et du Conseil national de la résistance d’une retraite par répartition, solidaire et intergénérationnelle.
Delevoye parle d’un système universel regroupant les divers régimes existants dont le régime général des salariés et assimilés de la Sécurité sociale.
IL jure la main sur le cœur qu’il ne touche pas à la répartition mais il défait ce qui fait sa force et sa garantie : celle d’un système à prestations définies pour y mettre à la place un système à cotisations définies.
Ambroise Croizat, en 1946, généralisa la Sécurité sociale (loi du 22 mai 1946) avec l'idée de la évoluer au fur et à mesure de redressement de la France après les destructions de la deuxième guerre mondiale et l’occupation de la France.
L’idée était de faire en sorte que ce régime général monte en puissance et soit en mesure de s’aligner sur les régimes les plus avancés à cette époque au fur et à mesure du développement économique.
Le refus des professions libérales puis l’éviction des ministres communistes en 1947 défit ce projet.
Ce régime dit universel est rempli de contradictions ; il regroupe et il écarte des régimes ; il parle de solidarité intergénérationnelle mais il n'offre aucune perspective pour les jeunes et notamment ceux en étude universitaire ou en formation ; il est pour la répartition mais ressuscite des retraites particulières par capitalisation dont le législateur en 1946 s’était débarrassé au grand dam du patronat et des assurances privées.
Ce projet élimine les conquis des luttes des salariés des secteurs publics et des régimes spéciaux. C’est par le bas et non pas par le haut, comme le préconisait Ambroise Croizat, que Delevoye monte de toutes pièces un système qui déconstruit et échafaude une véritable arnaque.
Chaque ayant droit, demain, n’aurait que des points dans un compte individuel ; ce n’est plus la solidarité et le partage ; et l’âge de la retraite ne serait plus qu’un variable d’ajustement qui laisserait la porte ouverte à toutes sortes de manipulations, comme c’est déjà le cas à travers l’âge pivot et la durée de cotisation invoquée par la Président de la République.
Demain, avec le système à cotisations définies, la règle d’or empêcherait de relever les taux de cotisations et les retraites et pensions seraient sous l’emprise totale des gouvernants.
Des compléments en cas de chômage, de maladie, de maternité sont certes prévues mais fonctionneraient sous la férule de l’état qui aurait toute latitude pour les réduire. Le système ne serait plus paritaire (ce qui était déjà un recul du fait de l’annulation des élections en 1967 des administrateurs salariés) mais piloté par l’état avec le patronat et des experts ayant la majorité pour prendre les décisions avec une représentation salariés minoritaire. Nous serions loin d’un conseil d’administration où les salariés avaient la majorité des sièges jusque 1967.
Tout est fait pour que l’idéologie dominante maitrise cette nouvelle entité dont l’essentiel serait de se mettre en conformité avec les décisions européennes de réduire les dites "charges sociales" à leur strict minimum et de s’ouvrir vers des systèmes assurantiels individuels.
Ce premier article fait suite au rapport Delevoye. J’en donne un point de vue général le plus concis possible avant de passer à une analyse plus fouillée en une dizaine d’articles qui vont s’échelonner sur plusieurs semaines.
Un élément moteur inspire le rapport Delevoye: il s’agit d’une déclaration désormais célèbre, celle de Denis Kessler ancien vice président du Medef, qui disait dans la revue patronale « Challenges », en 2007, à l’adresse du nouveau président de la république Nicolas Sarkozy, je le cite : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s'y emploie… A y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ».
L’idée est d’en finir avec un régime de retraite de la Sécurité sociale mis en place en mai 1946 par Ambroise Croizat ministre communiste du travail et de la Sécurité sociale. Le pilonnage avait commencé avec les décrets Balladur en 1993, puis les mesures reculant l’âge de la retraite dans les gouvernements sous Chirac, Sarkozy et Hollande avec des réformes paramétriques, mais l’attaque est aujourd’hui sur les fondamentaux
Le rapport Delevoye est donc une suite de mesures structurelles pour en finir avec le système de retraite de la Sécurité sociale. Ainsi ces mesures concerneront les générations nées depuis 1963 et les personnes atteignant 62 ans en 2025.
Cette réforme dite "systémique" inquiète le pouvoir face aux risques de réaction des français et il cherche à reporter d’un an la loi comme vient de l’annoncer Monsieur Darmanin ministre du budget.
Plusieurs entourloupettes sont prévues pour faire mourir le système né à la libération et qui permet des retraites connues et garanties à tous les salariés-es, soit par la loi, par des statuts ou des conventions. Je cite parmi la submersion de textes technocratiques du rapport Delevoye trois attaques qui vont modifier de fond en comble notre système actuel de retraite.
La retraite à point : les points ne seraient comptabilisés que sur la base des heures travaillées tout au long d’une carrière de plus en plus hachée, sur la base de 1 euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé dans le cadre d’un compte individuel mettant fin au calcul sur les 25 meilleures années pour le privé ou les 6 derniers mois de salaires dans le secteur public et nationalisé. Le système deviendrait individuel, indéterminé et inégalitaire et correspondrait à une esquisse de ce que pourrait être des pensions versées par les assureurs sur des bases liées à l’espérance de vie.
Le financement : La cotisation retraite salariés -employeurs demeure mais elle serait bloquée à 28,12 % avec comme hypothèse que la part du PIB consacrée aux retraites ne devra plus dépasser 14 % et cela malgré la hausse du nombre de retraités à venir qui fait dire au Conseil d’orientation des retraites (COR) qu’à périmètre de prestations constant il faudrait y consacrer 16 % de PIB en 2050, la réforme proposée entérine sciemment une réduction du niveau des pensions par tête et l’obligation pour les retraités (présents ou futurs) de recourir à d’autres formes de revenus pour compenser le manque .Plus personne ne serait alors assurée de la pérennité de sa retraite.
L’âge de la retraite : l’âge de départ à la retraite, actuellement 62 ans, deviendrait une coquille vide. Macron avait indiqué qu’il n’y toucherait pas, or, par la proposition de Delevoye d’un l’âge pivot à 64 ans avec décote et surcote le salarié ou l’ayant droit attendrait 64 ans ou encore serait incité à poursuivre plus longtemps pour obtenir les points nécessaires pour partir dans de bonnes conditions. La déclaration de Macron revenant sur cette idée de l’âge pivot et fixant son choix sur le nombre d’années cotisées (43 ans Loi Touraine) retarderait davantage le moment du départ du fait de l’entrée au travail de plus en plus tardif des jeunes. Un jeune commençant à travailler à 26 ans partirait à taux plein qu’à 69 ans.
Voilà les trois raisons qui démontrent l’arnaque qui se prépare.
Nous quitterions alors un système à prestations définies pour s’engager dans ce que les experts appellent un système à cotisations définies et quand à l’ âge de la retraite il ne serait plus qu’une simple variable d’ajustement.
Un projet donc qui démantèlerait un système actuellement garanti et conduirait à un recul généralisé des prestations et de l’âge de la retraite.
Dans les prochains articles, je décortiquerai ces principales mesures qui remettent en cause le pacte social passé en 1945 qui régit toujours nos retraites sur la base non seulement de la répartition mais de la solidarité intergénérationnelle.