Publié le 29 Novembre 2009
Le 2 décembre 2009, dans le quatorzième arrondissement de Paris, à 11h30, à l'angle de l'avenue Paul Appell et de la rue Ponticelli, sera inaugurée une place Ambroise Croizat.
Qui est Ambroise Croizat ?
C'est le ministre communiste de l'époque de la libération auteur de la plupart des grandes lois sociales issues du conseil national de la résistance. C'est un syndicaliste, il fut ministre de la France tout en étant secrétaire général de la plus grande fédération de la CGT : la Métallurgie.
Aujourd'hui, triste réalité, ce sont des PDG et des banquiers et des avocats d'affaires qui sont ministres.
Dans cette contribution, je ne reviendrai pas sur le parcours de ce je considère comme celui d'un grand homme d'état. Son éviction en 1947 conduisit les pouvoirs en place à l'ignorer, à le supprimer de l'histoire de la sécurité sociale par anticégétisme et anticommunisme.
La haine de classe.
Il faut savoir qu'en deux ans de temps: de 1945 à 1947 il produisit avec une équipe de syndicalistes à ses cotés une quantité de lois sociales qui firent de la France le pays le plus développé sur les réalisations sociales.
La reconnaissance des travailleurs était telle que ceux-ci l'avaient baptisé:" le ministre des travailleurs" au lieu de ministre du travail. Une appellation que jamais plus en France on ne retrouvera depuis.
Sa principale réussite fut la sécurité sociale.
Il appliqua à la lettre la décision du conseil national de la résistance de mettre en place une telle réalisation. En ce sens il dépassa les créations datant de Bismarck en Allemagne au 19eme siècle et de Beveridge en Angleterre.
Il mit en place, concomitamment, l'assurance maladie, la retraite et modifia profondément les allocations familiales. Il sut s'entourer d'un haut fonctionnaire, Pierre Laroque, qui mit toutes ses connaissances en pratique pour réaliser le programme du conseil national de la résistance sous la direction d'Ambroise Croizat qui mena une bataille de fond pour que cette sécurité sociale soit l'affaire des travailleurs et non des patrons et des assurances privées.
L'un est inséparable de l'autre.
Croizat modifia profondément les règles des accidents du travail, de la médecine du travail et dota les comités d'entreprises d'un droit d'intervention sur ces questions.
Il fut un homme de dialogue avec ce qui subsistait des anciennes structures sociales qui avaient fait faillite: c'est lui qui aida le corps médical à dépasser ses inquiétudes par rapport à la crainte de devenir une médecine administrative.
De même pour les mutuelles de continuer à exister pour la prévention.
Il unifia toutes les organisations d'assurances sociales et regroupa les personnels dans la sécurité sociale sans aucun ostracisme.
C'est lui qui mettra en œuvre la création des caisses sur le terrain, dans les pires conditions, celles d'un pays totalement détruit par la guerre, et avec des militants de la CGT dans les unions locales, ensembles, ils bâtirent les lieux pour recevoir les assurés: de nombreuses inaugurations de bureaux de la sécurité sociale eurent lieu en sa présence.
Le succès le plus important fut pour lui et pour tous les travailleurs l'obligation pour le patronat de prendre sur les richesses créées et de payer une cotisation sociale basée sur l'assiette des salaires. Une telle décision suscita un débat à l'assemblée nationale et certains députés voulaient mettre en place un autre système de cotisations, celui existant alors en Grande Bretagne basé sur la fiscalité des ménages. Ce salaire socialisé et non différé est resté comme un déchirure pour le patronat qui depuis n'a de cesse de le fustiger comme charge sociale alors que c'est un salaire socialisé qui va directement dans l'économie réelle immédiatement.
Autre succès de l'époque, la démocratisation de l'institution sociale: la sécurité sociale était placée sous la direction des travailleurs par le vote démocratique et non pas ce paritarisme qui fut imposé par la suite et qui entrainât cette grande réalisation sociale dans des remises en cause décidée par la patronat et les gouvernements à sa solde.
Croizat aura enfin une place de Paris qui portera son nom, ce n'est que justice.
Il faudra aller plus loin avec le comité d'honneur pour la reconnaissance de l'œuvre sociale de Croizat comme ministre, il mérite la reconnaissance de la nation. C'est pourquoi après cette inauguration nous poursuivrons ce travail de mémoire pour le faire reconnaitre comme homme d'état, que la Sécurité sociale unit ensemble les deux hommes artisans de sa création: Ambroise Croizat le ministre et Pierre Laroque l'architecte .
Au moment où des voix se font entendre pour en finir avec cette grande conquête sociale la sécurité sociale, n'est t'il pas temps d' honorer le député et ministre du travail que fut Ambroise Croizat à l'assemblée nationale.
Cet homme a fait du bien à des millions de nos concitoyens à une époque où ils n'y avaient que peu de droits pour se soigner et prendre sa retraite. Et aujourd'hui son œuvre est encore là pour sauver des hommes et des femmes dans les conditions de la crise: ne dit-on pas que la sécurité sociale est un amortisseur de cette crise qui exclue du travail de nombreuses personnes.
L'œuvre de Croizat et de Laroque est d'actualité en ce moment et nous interpelle face à ceux qui veulent détruire cette solidarité entre les hommes, entre les travailleurs pour y substituer des misérables calculs vénéneux comme cette idée de comptes notionnels, ou de points, ou encore toutes ces franchises et forfaits qui ne visent qu'à mettre un terme à ce que les dirigeants du conseil national de la résistance avaient décidé pendant l'occupation: le bien-être à la portée de tous et pas de quelques-uns.
Alors soyons tous présents le 2 décembre: en honorant Ambroise Croizat nous défendons notre sécurité sociale solidaire et par répartition.
Bernard LAMIRAND Président de l'Institut CGT d'histoire sociale
de la métallurgie.