Publié le 8 Mai 2011
1981- 30 ANS …
Eh oui ! 30 ans.
Cela ne nous rajeunit pas, surtout pour ceux qui ont vécu ce moment où la gauche prenait le pouvoir à une droite exécrable: celle d'un gaullisme vacillant et celle de Giscard le casseur industriel.
Dans mon usine, c'est l'état de grâce. Je tempère et je me fais engueuler par des travailleurs qui croient que tout va leur tomber "tout cuit dans le bec", selon une vieille expression.
Le parti communiste dépasse à peine les 15 %: c'est un de ses plus mauvais score. Pourtant aujourd'hui un tel score nous réjouirait.
Nous nous sommes fait avoir par les socialistes. D'ailleurs portés par l'espoir nous n'avons même pas voulu voir que le sieur Mitterrand envisageait dés son élection à la tête du PS de nous plumer ( voir discours de Vienne à l'internationale socialiste).
Il nous donnera que quelques ministres à des postes secondaires en 1981. Mais nous sommes contents.
La signature du PCF s'affiche encore (15 % c'est pas rien) et Mitterrand sait qu'il faudra composer avec cet électorat qui croit au changement possible et à la mise en œuvre d'un programme commun qui a pourtant été dénoncé auparavant. Le sillage dans la mer d'un gros bateau laisse toujours un moment des remous et le pilote Mitterrand sait qu'il va devoir aussi franchir quelques passes plus ou moins difficiles.
Dans un premier temps il va naviguer dans ces remous et ces passes. Il va nationaliser un certain nombre de groupes industriels et bancaires, permettre la retraite à 60 ans, les 39 heures, la suppression de la peine de mort. Ce n'est pas négligeable mais l'on sent déjà que les retro pousseurs dans la salle des machines commencent à pirouetter.
Au Congrès de la CGT, tenu à Lille en 1982, la ville du premier ministre Mauroy, c'est l'annonce d'un plan de rigueur sur les salaires. Le congrès manifeste son mécontentement. D'autres remous naissent, ceux de la déception.
Pourtant, dans les entreprises, les ouvriers y croient encore, je suis dirigeant de la FTM CGT, nous n'arrêtons pas de recevoir des demandes d'audiences afin d'être reçu par tel ou tel ministre.
Au début ce sont les ministres qui reçoivent puis petit à petit ce sont des collaborateurs qui informeront le ministre. Le pli est pris et on voit réapparaitre les casqués devant les ministères.
Dans la sidérurgie où Mitterrand était aller faire de grand discours pour dire qu'il sauverait les installations de Longwy et de Denain, dés 1983, le doute n'est plus permis: Mitterrand assassine Longwy et ce qui reste de Denain le deux grands symboles de la lutte pour l'industrie.
En 1984, les ministres communistes n'existent plus. Leur mission s'achève. Le parti communiste quitte un gouvernement qui n'a plus que le social-libéralisme comme orientation et Mitterrand gère les derniers remous du "cargo programme commun" d'inspiration communiste; il peut dorénavant naviguer dans les eaux troubles du libéralisme à tout crin.
Il le fera tantôt avec la droite qui revient au pouvoir en 1986 et ensuite en 1988 avec Rocard qui nous invente la CSG et il continuera dans ce sens libéral jusqu'à son départ en 1995 avec un coup de poignard dans le dos de la classe ouvrière: Maastricht, qui redéfinit les règles établies à Rome en 1956 pour adopter celle d'une Europe prenant le cap de l'Europe libérale.
Le même scénario redevient comme une sorte de fantôme en 1998 avec Jospin et une gauche plurielle qui ira jusqu'à dire : «L'Etat ne peut pas tout» lors de licenciements boursiers de Lû.
Morale de ces histoires: vont-ils encore une fois blouser le peuple ?
Déjà se profile à l'horizon de 2012 les mêmes traine-savates du double jeu que leur a inculqué le maître-nageur Mitterrand; d'ailleurs ils ne se cachent pas pour dire qu'il fut leur mentor à tous: de Strauss-Kahn, Chevènement, Royal, Aubry et même notre cher Mélenchon, candidature propulsée par Marie George Buffet et Pierre Laurent.
Mais avec un aspect essentiel, le contexte aujourd'hui n'est plus le même, le parti socialiste sait que si la mer reste calme jusqu'en 2012, si la tempête ne se déchaine pas avant, le navire libéral mis en place dans les années Mitterrand, occupé tour à tour par des équipes cohabitantes de droite ou de gauche, pourra avec un pilote social-libéral éviter les remous populaires, les récifs communistes et quelques petites embarcations faisant du cabotage le long des côtes présidentielles.
Alors il ne tient qu'à nous, les travailleurs, pour d'une part ne pas se faire à nouveau "avoir" et surtout de faire comme le chien dans un jeu de quille: construire un vaste mouvement de lutte pour jeter bas les politiques libérales en cours et celles auxquelles nous destinent les chantres socialistes qui paradent du matin jusqu'au soir dans les étranges lucarnes télévisuelles.
C'est tout le bien que l'on peut se souhaiter en ce mois de mai où éclos toujours les révoltes.
Des peuples actuellement agissent: faisons en autant.
Bernard LAMIRAND