RETRAITE A 60 ANS

Publié le 27 Octobre 2009

Retraite à 60 ans : archaïsme ou modernité?

Par Claude Pondemer responsable collectif retraités PCF

 

 

 

 

 

Sondage après sondage, les Français manifestent majoritairement leur refus de voir remettre en cause le droit de prendre leur retraite à taux plein à 60ans. Et plus encore, ils ne veulent pas non plus qu’on allonge à nouveau leur durée de cotisation, tout juste acceptent-ils qu’on examine l’éventualité de son augmentation  ….ce dont, évidemment, le patronat ne veut pas entendre parler.

 

Cet « entêtement » devrait faire réfléchir tous ceux qui disent- ou qui pensent sans le dire !- que le maintient de cet acquis social  est devenu un « archaïsme ». Ils  devraient d’abord s’interroger sur la question de savoir comment une mesure de cet ordre ouvrant sur la liberté, le bien être, la santé de chacun, en prolongement attendu et bien gagné d’une vie consacrée au travail et à la production de richesses pour tous, peut devenir incompatible avec l’espoir, bien naturel de vivre plus longtemps. Le « vivre mieux » serait-il devenu une aspiration obsolète ?

Contrairement à ce qu’ânonnent les médias, ce n’est pas un « tabou » que Fillon veut briser, c’est tout simplement une des plus belles conquêtes sociales de la Libération. Comme les congés payés, comme la diminution de la durée du travail, comme la Sécurité Sociale, la retraite dont l’ouverture des droits a été avancée à 60 ans en 1982, était et demeure bien dans le sens de l’amélioration de la condition humaine. Et ces avancées sociales ont joué leur rôle dans la prolongation de l’espérance de vie. Opposer les unes à l’autre est au mieux un contre -sens, au pire une imposture conduisant à une régression de civilisation. Rien d’étonnant à ce que la droite et le Medef s’acharnent à remonter le temps mais les salariés savent qu’ils ont pour eux le droit au progrès et à l’épanouissement humain. Ce sont eux les modernes et les réformes sarkoziennes sont au sens propre conservatrices et réactionnaires.

 

« Pas d’autre solution pour assurer les financements ! » nous dit Fillon qui prend les gens pour des imbéciles.

 

Le mécanisme dit «  par répartition » a été mis au point à la sortie de la dernière guerre mondiale à un moment ou l’économie Française était en ruine. Le défi alors consistait à miser sur l’intelligence et le courage des salariés qui n’ont pas « remonté les manches » sans réfléchir, sur le dynamisme des entrepreneurs (à l’exception de ceux qu’ils a fallu punir de leurs compromissions avec les nazis) et la solidarité intergénérationnelle. L’objectif était une croissance soutenue et une création de richesses suffisante pour la satisfaction des besoins essentiels et le financement de la protection sociale- dont la retraite- sur un principe « génial » dirait-on aujourd’hui : la solidarité entre les actifs et les retraités, les « bien portant » et les malades.

 

Ce système, mis au point sous la responsabilité d’un ministre communiste Ambroise Croizat dans un gouvernement présidé par le Général de Gaulle a fonctionné à merveille, non pas seulement dans la période qu’ils appellent les « trente glorieuses » mais pendant un demi siècle. C’est en 1993 que Balladur, répondant à l’archaïque rengaine patronale sur le poids des « charges », s’attaque à la Retraite.

Que s’est- il donc passé ? Que sont devenues les richesses qui ont grandi de manière exponentielles depuis la guerre ? Il n’est pas question à l’époque –et pour cause- du « baby- boom » car les enfants d’après guerre sont en pleine activité….. Sauf les chômeurs ! Et là réside une partie du  problème !

 

En effet depuis le milieu des années 70 le chômage s’étend pour atteindre 3 millions à l’aube du 21 ème siècle. Mais de 93à 2003, la droite ne nous dit pas « attention braves gens, notre politique provoque du chômage et çà va mettre en cause le financement de la protection sociale ! ». Il faut bien dire que les mesures imposées par Balladur en 93 sont d’une redoutable efficacité dont pour l’essentiel les conséquences réelles ont échappé aux syndicats et aux partis de gauche dont le nôtre. La seule indexation des pensions sur les prix au lieu des salaires est responsable de la perte du pouvoir d’achat des retraites d’environ 1% par an soit aujourd’hui 15%.

 

Alors que nous disent nos gouvernants ? Rien ! Sinon la publication périodique de quelques rapports d’experts qui projètent les déséquilibres à venir mais dont les tenants du pouvoir ne veulent pas assumer les conséquences. Et pas plus Jospin que les autres, ce qui contribuera en 2002 à une défaite dont la gauche ne s’est toujours pas remise.….

 

Jusqu’à ce qu’enfin, dos au mur, Fillon en 2003 nous sorte le « baby- boom ». Ce qui est sans aucun doute la seule conséquence heureuse de la 2ème guerre mondiale devient, pour la droite et le patronat une catastrophe. Ce surcroît de naissances est déclaré « non compatible » avec la société capitaliste. C’est tout un symbole.

 

Alors oui, il faut une réforme.

 

Soyons bref : la question du financement de la protection sociale est d’abord celle de la diminution des recettes. Les mesures que nous proposons pour les augmenter identifient les causes de leur insuffisance.

 

Une nouvelle politique de l’emploi.

 

C’est une question clé qui n’est évidemment pas « technique » et nécessite un rapport des forces qui soit favorable à ceux qui veulent changer de politique.

Pour autant, dynamiser la croissance en l’appuyant sur la consommation populaire par une augmentation des rémunérations, des pensions, ressources et de la protection sociale……ce n’est pas non plus « l’économie planifiée » des années 1925 en Union Soviétique !

Cela implique certes de remettre en cause les exonérations de « charges » (30 Milliards d’€ en pure perte aux patrons), de donner aux salariés et à leurs organisations les moyens de limiter l’utilisation patronale des « plans sociaux » comme variable d’ajustement des marges et dividendes, mais 100 000 chômeurs de moins c’est 1,3 milliards d’€ de gagnés pour le budget de la sécu.

Entre les profits « explosant » les marchés financiers et une relance saine de l’emploi et de la formation, il faut choisir. Voilà un repère fort et « identitaire » pour « la gauche »

 

2) Un « rétablissement » à son niveau de la part des salaires dans la valeur ajoutée.

 

Les chiffres sont variables selon les sources mais une chose est sûre : progrès techniques et exploitation renforcée du travail conduisent à une baisse relative de la masse salariale. Cette évolution des forces productives, dans le cadre du capitalisme, a, au moins, deux conséquences « incompatibles » pour le financement de la protection sociale.

D’abord, les cotisations- patronales et salariales- alimentant les caisses perdent « mécaniquement » du terrain par rapport au volume des richesses créées Et ces recettes manquantes ne sont jamais récupérées car les superprofits qui en découlent ne subissent pas de prélèvement de solidarité sociale. Ensuite, ces richesses « non taxées » contribuent à pousser les marchés financiers à des exigences de rentabilité qui entrent en conflits avec l’insuffisance de moyens pour soutenir à un haut niveau la  consommation populaire.

Il est nécessaire et tout a fait possible de réaffecter une part de cet argent au financement de la protection sociale. C’est le sens de la taxation des profits financiers que nous proposons qui complèterait de manière cohérente une modulation des cotisations patronales en fonction des choix des entreprises entre la création d’emplois ou les placements financiers.

 

 

 3) Une nouvelle répartition des richesses

 

Plus généralement, la question d’une réévaluation des richesses affectées à la satisfaction des besoins humains se pose. Qu’il s’agisse des rémunérations, des pensions et retraites, des besoins de santé incluant l’évolution de la dépendance, du logement social prenant en compte les adaptations nécessaires pour le maintien à domicile pour les personnes âgées qui le souhaitent… Il est un ensemble de domaines – formations, conditions de travail, culture, vie associative et citoyenne – pour lesquels les besoins des hommes et des femmes ne sont plus satisfaits à la hauteur d’une société développée comme la nôtre. L’augmentation de l’espérance de vie et la durée de la vie à la retraite qui en découle est particulièrement révélatrice de ce «  trou d’air »de civilisation.

A cet égard nous sommes à la croisée des chemins. Si nous continuons de considérer que le temps de vie des retraités constitue une nouvelle « charge sociale » insupportable par notre économie, alors toutes les « réformes » pour financer la retraite échoueront les unes après les autres entraînant une terrible régression sociale pour les générations à venir. N’est-il pas dérisoire d’entendre des dirigeants de notre pays nous expliquer qu’ils ne voient pas de solution pour trouver 20 Milliard d’€ qui manquent à la sécu quand il ne leur a fallu que trois semaines pour en trouver 360 pour les banques ?

Et pourtant, ils ont raison ! Leurs dogmes économiques et les intérêts qu’ils défendent ne leur offrent pas d’autre choix. Mais leur visée est aussi politique.

 

C’est dans ce contexte que se joue la question du maintien ou pas de l’ouverture du droit  à la retraite à 60 ans.

 

Il serait d’autant plus absurde de reculer la possibilité légale d’ouverture des droits qu’aujourd’hui les seniors sont éjectés des entreprises entre 57 et 58 ans. Dans ces conditions, porter la retraite à 62 ans aurait deux conséquences immédiates : augmenter le nombre des chômeurs ou préretraités et diminuer les pensions de tous ceux et surtout de toutes celles qui ne rempliront plus les conditions du taux plein.

 

La pression idéologique est à la hauteur des enjeux et s’agissant de la protection sociale à commencer par la retraite, la bataille a été, est et sera sans merci. Jusqu’à présent, le monde du travail a résisté et préservé l’essentiel mais il a subi des reculs et la droite- nationale et européenne- et le patronat ne font aucun mystère de leur volonté d’ouvrir aussi en France cet énorme marché à la bourse et par conséquent de casser notre système de répartition. Eux aussi, cependant, mesurent l’obstacle que constitue la résistance populaire persistante à leur projet.

 

D’où l’intérêt de bien porter nos propositions d’ordre économique et financier pour en nourrir les rassemblements qui s’opèrent sur cette question, et de les « étayer » fortement par une argumentation politique prenant bien en compte la situation nouvelle en train de se créer.

 

Désormais la valorisation sociale, économique, culturelle et citoyenne de cette nouvelle « force de vie » disponible pour une participation sociétale devient une exigence de civilisation. Les retraité(e)s n’ont que faire de compassion et encore moins de charité. Ils aspirent à une nouvelle tranche de vie, la plus longue possible, en bonne santé, avec des conditions d’existence y compris financières, qui leur garantissent la sérénité dans le choix de l’occupation de leur temps. Et les salariés plus que tous les autres ont le sentiment d’avoir mérité ce statut…. d’où les sondages. Ils ont mille fois raison.

 

Loin de l’« archaïsme » supposé la « retraite à 60 ans » dont les progressistes et les salariés français- seuls en Europe- peuvent s’enorgueillir de l’avoir imposée et préservée est une étape et un point d’appui pour promouvoir une autre conception de la retraite.

 

Sauf à considérer que les rapports sociaux sont immuables pourquoi allonger le temps d’exploitation du travail salarié (et donc la durée de cotisations) si çà n’est pas nécessaire ?  .

 

Est-ce à dire que les retraités deviennent ipso facto inaptes à toute capacité de travail, que leur apport à la société sera désormais nul ? Tout le monde reconnaît le rôle qu’ils jouent de plus en plus massivement dans les domaines, économique à la hauteur de leurs moyens, et surtout social, associatif, citoyen.

Qu’au delà de 60 ans, les hommes et les femmes d’aujourd’hui soient capables de s’épanouir, de s’enrichir culturellement, de créer, de construire, d’inventer, d’écrire, de diriger des formations, d’animer des équipes est un atout qui n’a pas de prix dans cette société en crise, malade de la domination de l’argent, parfois violente. Permettre à chacun et chacune, a 60 ans, d’accéder à une retraite à taux plein suppose déjà de réduire les inégalités criantes dont sont victimes les femmes, les ouvriers, les victimes du chômage et de la précarité. Pour des millions de gens l’aspiration n’est pas à reculer l’âge de leur retraite, il est d’y parvenir dans des conditions de vie correctes. L’argent existe pour cela.

Par conséquent les conservateurs, les « archaïques » ce sont ceux qui le leur refusent en prétextant de dogmes obsolètes et de « valeurs » détournées par un système économique qui ne fonctionne plus qu’en essayant de mettre en « médias » la régression sociale.

 

 La retraite à 60 ans aussi, est une idée neuve en Europe !

Rédigé par aragon 43

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