DENAIN 1979 30 ANS DEJA...

Publié le 27 Mars 2009

 

 

 

CONFERENCE SUR LES EVENEMENTS DE DENAIN EN 1978/1979 TENUE LE  21 MARS 2009 A DOUCHY LES MINES PAR Bernard LAMIRAND Ancien responsable CGT de la sidérurgie.

 

Dans cette introduction, je n’évoquerai que la période des années 1978 /1980 qui marque historiquement la casse de la sidérurgie à Denain.

Mais quelques mots sur cette implantation à Denain de la sidérurgie.

Les Forges de Denain, créées en 1834 ont fusionnées en 1849 avec les Forges d'Anzin. Après les la guerre 14/18, la reconstruction se fait sur le seul lieu de Denain avec, entre 1926 et 1931, la mise en marche de quatre hauts-fourneaux, une aciérie Thomas, deux fours Martin de 50 tonnes, un laminoir pour tôles, en font une des unités de production les plus complète et moderne de la sidérurgie française.

Denain est alors un haut lieu de production de l’acier.

Puis, après, nous savons qu’en 1947 le site de Denain comporte une usine à fonte équipée de 4 hauts-fourneaux de 5,50m, une aciérie Thomas équipée de 5 convertisseurs de 30 tonnes et une aciérie Martin de 5 fours de 50 tonnes et 1 de 80. Les aciéries alimentent un blooming, un train pour billettes et largets, 2 trains marchands pour aciers spéciaux à ressorts, 1 train à tôles fortes, un train trio, un train à tubes... Deux autre trains à aciers marchands (carrés, plats, cornières, ronds à béton) existent à Anzin. La masse des équipements atteint le seuil critique pour faire de cette usine le cœur d'Usinor. C'est ici que sera bâti le train à bandes de première génération (700 KT/an).

Usinor Denain devenait ainsi, pour les produits plats, l’usine sidérurgique la plus importante de France et même d’Europe : elle allait conquérir au redressement du pays et elle faisait la richesse de toute cette région du Hainaut Cambrésis.

Qui pouvait donc penser que ce fleuron de la sidérurgie allait être victime d’une telle destruction ?

Pourtant des indices pouvaient l’indiquer avec la construction d’Usinor Dunkerque, une usine en mesure de produire plus de 8 millions de tonnes d’acier avec des hauts fourneaux de forte capacité et des aciéries à l’oxygène remplaçant les aciéries Thomas et Martin dépassées.

A noter que ces nouvelles installations ont été testées en particulier à l’Usine de Denain.

Denain dans les 60/70 va poursuivre son existence : la demande d’acier est telle qu’Usinor utilise à fonds les capacités de toutes ses installations du nord et de la Lorraine. Cette situation ne va pas durer car dans cette période commencent à se faire sentir les premières directives européennes pour une politique sélective de la production afin de rendre l’acier plus rare et plus cher.

C’est le Plan du célèbre Davignon, commissaire Européen, qui déclenchera l’état de crise manifeste prévu à l’article 58 de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Des premières mesures ne touchent pas Denain mais d’autres sites comme Usinor Louvroil et Usinor Thionville en 1977.

Pour les magnats des forges et pour les autorités européennes, la saignée est insuffisante, il faut frapper plus fort et démontrer que certaines installations sont dépassées et non rentables.

Le procès de Denain et de Longwy commence alors.

Pendant les vacances d’été de 1978, un petit communiqué dans la presse nous apprend que le PDG d’Usinor, Monsieur Hué de la Colombe ne part pas en vacances et restera à Paris pour préparer sa rencontre avec le premier ministre Raymond Barre à la rentrée.

Cette annonce éveille  l’attention et les soupçons dans la moiteur de l’été. Dans les derniers jours des congés, une rumeur commence à circuler à Denain, on parle de plus de 3000 suppressions d’emplois.

A la fédération de Métaux CGT, tout de suite, on réagit : Guy Valli le responsable de la sidérurgie met en place un dispositif pour informer les sidérurgistes de l’imminence d’une nouvelle casse de l’industrie sidérurgique nationale avec des menaces sérieuses sur Denain et Longwy.

Les réactions ne tardent pas, et à Denain les premiers politiques à s’élever contre les menaces de suppressions d’emplois seront le Maire de Denain communiste Henri Fievez et le député Gustave Ansart.

Je me souviens d’une de ces rencontres avec Gustave Ansart qui avait pris tout de suite la mesure de la gravité de la situation pour Denain. A cette époque, l’idée de la fermeture de Denain était considérée comme imaginaire même si on avait des craintes : peut-être des licenciements et un plan social comme il en avait déjà existé, mais la destruction de Denain, l‘usine mère ?

Des camarades CGT de Denain - Lucien Laurette et Belmire Rodriguez- auparavant, ne manquaient pas de souligner les investissements insuffisants pour le devenir de l’entreprise et de nombreuses interventions de leur part seront faites pour réclamer la construction d’un train à froid qui se fera à Mardyck.

Tout cela éveillait des soupçons.

Mais qui pouvait penser à une telle décision : celle de la fermeture totale de l’entreprise et la liquidation de plus de 5000 emplois ?

Devant ces rumeurs, un premier tract sera distribué dans l’usine le 30 Aout 1978 : un tract commun CGT-CFDT.

Gustave Ansart fait une déclaration pour dénoncer le gâchis de tant d’hommes, de cerveaux, de matériels.

Le 6 septembre 1978, c’est l’appel à la mobilisation de tous les sidérurgistes de Denain par toutes les organisations syndicales qui déclarent « qu’elles se rencontreront régulièrement pour définir ensemble les modalités d’action ».

Quelques jours plus tard, le conseil des ministres prend une première mesure, il prévoit la prise de participation de l’état dans le capital des groupes sidérurgiques. Ce n’est pas pour accepter ce que la CGT et le parti communiste demandent depuis longtemps  - la nationalisation démocratique de la sidérurgie -  mais c’est pour prendre des décisions en fonction des désidératas de la commission Européenne de réduction des capacités de production.

Après cette décision en conseil des ministres, les choses vont aller vite, l’assemblée nationale et sa majorité de droite vont voter un plan dit de sauvetage qui vise à la restructuration de la sidérurgie française et un nouveau PDG, Monsieur Etchégaray est nommé.

Rapidement ce PDG se met au travail pour arrêter son plan de restructuration.

La commission  nationale de la sidérurgie CGT réunit à Paris dénonce ce qui se prépare et notamment la fermeture d’unité de production comme celle de Denain et de Longwy.

J’y participe, et même dans notre commission, on a du mal à croire que le but de l’opération est la casse totale de ces usines qui ont fait le redressement de la France de la libération jusqu’aux années 1970.

Mais le capital et la droite n’ont aucun sentiment pour ces populations ouvrières. L’enjeu pour eux est de mettre en place des unités de productions qui font des profits maximum. Les populations et la réponse aux besoins ne les effleurent pas.

Denain va réagir : après l’annonce d’une mise en chômage de l’usine du 16 au 31 décembre, les salariés pénètrent dans les bureaux de la direction et demandent l’arrêt du chômage prévu en fin d’année et des précisions sur les bruits qui court concernant le licenciement de 3000 personnes à Denain.

La direction renvoie à la tenue d’un comité central d’entreprises à Paris. Celui-ci se tient le 12 décembre et le nouveau PDG annonce officiellement son plan avec la suppression de 5000 emplois à Denain et 550 à Trith Saint-Léger.

Plus d’un millier de Denaisiens et de Valenciennois sont là,  ils n’en croient pas leurs yeux, une colère immense parcoure l’assistance,  l’usine de Denain est mise à mort et  ils ne peuvent l’accepter. Je suis avec eux comme responsable de la métallurgie et je vois ces hommes et ces femmes bouleversées de ce qu’ils viennent d’entendre.

Nous allons ensemble manifester notre désaccord dans ce quartier huppé où la direction d’Usinor a son siège.

Le lendemain, toute la presse régionale titre sur le coup de grâce,  le sinistre, la catastrophe de Denain et le midi, toute l’usine est devant la direction pour manifester son refus d’une telle décision assassine.

Belmire Rodriguez, pour la CGT, prendra la parole et dira : « Monsieur Etchégaray vous bradez les hommes, les enfants, la France. Vous devez démissionner. Pour vous, il n’y a que le profit : il n’est pourtant pas loin le temps où Usinor Denain battait avec 2 millions de tonnes d’acier le record d’Europe de production, tonne t’il.

Alors va commencer une formidable mobilisation des ces travailleurs qui n’acceptent pas le verdict de l’Europe du Capital et de ce gouvernement Giscardien dont la hargne est totale avec un premier ministre qui indique que les pancartes et les slogans ne le feront pas changé d’avis.

Il aura plus que les pancartes et les slogans : il aura une population du valenciennois et du Denaisis qui va s’unir autour de d’Usinor Denain et de Trith Saint-Léger et des services centraux.

Le 20 Décembre une manifestation importante défile dans les rues de Valenciennes et le 22 décembre, à Denain c’est une manifestation énorme qui parcoure la ville avec des banderoles contre Bruxelles et le plan Davignon.

Noel se passe tristement dans les foyers denaisiens et des villes avoisinantes, villes où la population vit de la sidérurgie. L’archevêque de Cambrai fait une déclaration pour soutenir les sidérurgistes.

Dés le début janvier, tout le monde s’affaire pour préparer une riposte à la hauteur de l’attaque.

La fédération CGT de la métallurgie fait une déclaration invoquant la nécessité d’une riposte nationale de grande envergure. Son secrétaire général André Sainjon vient à Denain apporter tout son soutien à cette lutte.

Gustave Ansart se met totalement à la disposition de la lutte et ses interventions sont nombreuses et notamment sur les bancs de l’assemblée nationale. Gustave est outré de cette décision inhumaine dit-il et l’on saisit l’humanisme de cet ancien dirigeant syndical métallo proche de ses frères de combat de Denain.

J’ai vécu avec lui, avec René Carpentier maire de Trith, avec Alain Bocquet, ces moments difficiles et je puis dire qu’ils ont été les plus proches alliés de cette lutte du David de Denain contre le Goliath Européen.

Pierre Mauroy, président de la région Nord Pas de Calais est reçu par le président de la république et il essuie une fin de non recevoir.

Le même jour, à Lille, les métallurgistes CGT et l’UD CGT du Nord tiennent une conférence de presse et déclarent : « la restructuration a été décidée par l’Europe. Elle est inacceptable. Elle vise à long terme à réduire les capacités de la sidérurgie française. François Dumez Secrétaire Général de l’UD CGT, Bernard Lamirand, Raymond Leroy et Jean Paul Cadeddu de la FTM CGT seront en permanence avec les militants et les travailleurs de Denain.

A la lueur d’aujourd’hui, ce pressentiment d’atteinte à l’industrie nationale s’est malheureusement confirmée quand on regarde l’état de la sidérurgie française qui n’a plus rien de nationale depuis qu’un nouveau maitre de forges hindou en a pris le contrôle de ce qu’il en restait après leur remise au privé par Chirac en 1986.

Les pertes avaient été épongées  et les nouveaux maitres des forges pouvaient refaire des profits mirifiques.

C’est  dans les premiers jours de 1979 que le gouvernement fait part d’un plan de reconversion du Nord et Gustave Ansart déclare : «  ce sont des mesures dérisoires ».

Cette annonce provoque la colère des sidérurgistes de Denain et de Valenciennes. A Denain les grands bureaux seront occupés et des papiers déchirés. Belmire Rodriguez secrétaire général du syndicat indique : «  quel est le sort des sidérurgistes de Denain. N’est ce pas une opération pour désamorcer la lutte unitaire ? ».

La lutte va prendre une dimension nationale. Henri Krasucki secrétaire de la CGT intervient et déclare : «  que des initiatives de grandes envergures et unitaires se préparent pour les semaines à venir ». (Il fait une première allusion à l’idée d’une manifestation nationale à Paris)

Dans cette période de fin janvier 1979, l’effervescence est à son comble à Denain et les ouvriers sortent de l’usine, occupent plusieurs fois les voies ferrées, les axes de circulation, la perception et les CRS font alors leur apparition à Denain.

Le pouvoir montre ses dents.

Le 1er février leur colère atteint la fureur quand ils apprennent le transfert sur le littoral de la centrale de 30MW mis en service début 1978 et un millier de sidérurgistes entrent dans les bureaux de l’usine et brûle des dossiers.

Les actions, nombreuses à Denain – Valenciennes- Longwy, sont reçus positivement dans la population. Le gouvernement est obligé de rencontrer les organisations syndicales le 6 févirer1979 et le ministre du travail Boulin annonce qu’il est prêt à discuter de préretraites à 55 ans.

Ces mesures ne correspondent pas aux exigences des travailleurs qui veulent le maintien de leur outil de production et de leur emploi. Bien sûr ils ne sont pas contre les départs en retraites à 55 ans qui sont une vieille revendication des sidérurgistes à cause des conditions de travail et du travail postés.

C’est alors que le Président de la république  se répand dans le journal « le monde » dans un article où il s’épanche : «  Longwy n’est pas la Lorraine, Denain et Valenciennes ne sont pas le Nord Pas de Calais, et ces deux régions ne sont pas la France... » ; Ce message sera perçu comme une provocation et le lendemain 46 autocars quittent Denain pour se rendre à Paris avec un slogan : « Denain Vivra » : les accès à Charles De Gaulle seront bloqués, le périphérique aussi et au retour des heurts avec les gardes mobiles feront plus de 40 blessés.

Le pouvoir a choisi la répression qui se manifestera avec violence dés lors à chaque manifestation de sidérurgistes que ce soit dans le Nord ou en Lorraine.

Le 16 février sera une date qui comptera dans la mobilisation : plus d’une centaine de milliers de grévistes dans le Nord Pas de Calais et une manifestation qui déferle sur Valenciennes, une véritable marée humaine de plusieurs kilomètres de long, certainement une des plus grandes manifestations qu’ait connue la ville de Valenciennes.

Dans cette effervescence, tous les politiques sont interpellés ; même Michel Debré le gaulliste se présentera avec des accents anti-européen et François Mitterrand se déplacera à Denain, il dénoncera le plan sidérurgique avec son ami Mauroy, ils firent des propositions qu’ils ne mirent d’ailleurs pas en application une fois au pouvoir. Au contraire Mauroy fit fermer le dernier vestige d’Usinor Denain, le train à bandes.

D’autres manifestation vont poursuivre ce combat pour le maintien de la fonte et de l’acier à Denain et je vois toujours cette immense manifestation de tout le personnel de l’usine jusqu’ici à Douchy avec un engin de transport d’acier : celui-ci restera dehors, à l’entrée de l’usine pendant des jours comme un symbole de  leur volonté de produire de l’acier.

Je revois ces camarades de Denain et de Trith comme Belmire Rodriguez, Sarrazin, Bernard Ethuin, Lemaire secrétaire du CE, Robert Chatelain, GeorgesCacheux,  Stanis Soloch, Elie Salengro et  d’autres qui m’excusent de ne pas tous les nommer, se dépenser sans compter pour cette grande lutte.

Au niveau national monte très fort l’idée d’une manifestation à Paris, la CGT le porte énergiquement et les autres organisations syndicales manifestent déjà quelques réticences à la lutte.

C’est vrai que la pression est rude pour que soit accepté un accompagnement social de la fermeture des installations tant à Denain qu’à Longwy. Certaines organisations syndicales chercheront des prétextes pour se sortir du mouvement en invoquant la politisation de l’action. Qui pouvait exclure ces hommes et ces femmes, travailleurs d’Usinor, conseiller municipaux, militants syndicalistes et politiques qui se battaient aux cotés de leurs camarades ouvriers, employés, techniciens ?

La lutte se poursuivait et on l’on sentait bien que le pouvoir devenait de plus en plus agressif dans son soi-disant maintien de l’ordre. Le 6 Mars leur brutalité s’exprime, Georges Bustin député communiste est molesté par les CRS et à Mortagne du Nord les manifestants bloquent les péniches. C’est au retour, après des affrontements violents à Saint-Amand, que les CRS à Hasnon, avec une rare férocité, brisent les vitres de cars, jettent des grenades lacrymogènes dedans et frappent les grévistes.

Dés le lendemain, devant la gravité de ces événements, tout Denain et la population des alentours va manifester sa colère et sa réprobation.

5000 sidérurgistes se rassemblent à l’entrée de l’usine, les CRS sont dans la ville, l’affrontement est inévitable et va durer toute la journée avec de nombreux blessés. C’est une ville en émeute dira la presse et les journaux télévisés ; la population du Nord prend fait et cause pour Denain, contre la répression et des dizaines de milliers de personnes vont venir prêter main forte aux ouvriers en lutte.

A Paris les négociations se poursuivent à la Direction, apprenant l’agression de Denain, la délégation CGT quitte la réunion en signe de protestation. Avec François Dumez secrétaire Général de l’UDCGT je suis au coté des militants et de ses ouvriers en lutte et je peux témoigner qu’ils n’étaient pas des emportés, les multiples provocations accentuaient leur colère et de la façon dont le pouvoir avait traité leurs camarades, la veille à Hasnon..

L’émeute se poursuivit tard dans la nuit et le lendemain ; et je vois toujours Gustave Ansart agissant à la mairie, se rendant à  l’Union locale téléphonant au niveau du gouvernement pour le retrait des forces de police.

Cet homme s’est dépensé sans compter pour le maintien d’Usinor Denain et dans ses yeux perçait cette volonté farouche d’empêcher cette catastrophe humaine qu’il pressentait. C’était celui qui avait écrit auparavant ce superbe livre « de l’ouvrier d’usine jusqu’à l’assemblée nationale » : il accomplissait simplement son mandat de député de par le peuple et pour le peuple.

Je profite de ce trentième anniversaire  pour rendre hommage à ce grand dirigeant du mouvement ouvrier.

Dans ces événements graves de Denain,  des coups de fusil blessèrent des CRS,  jamais nous ne sûmes vraiment qui avait tiré. Quelques jours plus tard, d’autres provocations, celles des autonomes que la police laissait circuler librement dans les abords de la manifestation de Paris, nous mirent la puce à l’oreille sur des provocations que nous estimèrent téléguidées.

Comme je veux être bref, la suite des événements sera plus vite rappelée, mais je ne peux mettre de coté l’immense manifestation des sidérurgistes à Paris le 23 mars 1979.

Celle-ci va se préparer avec la venue le 9 mars à Denain de Georges Séguy où 6000 personnes entrent dans l’usine et le secrétaire général de la CGT déclare dans le train à bandes : «  faute d’avoir pu réduire la résistance des sidérurgistes… le gouvernement et le patronat imaginèrent porter un coup décisif à Denain, … eh bien c’est raté … c’est un succès dont la portée dépasse largement le cadre de Denain et du Valenciennois ». C’est ce même jour, chez un habitant de Denain, que fut mis en marche Radio Quinquin, radio CGT de lutte et c’est Georges Séguy qui l’inaugurera.

Dans ces moments là, pour la lutte, l’imagination ne manque pas et l’on réalise des journées portes ouvertes qui se dérouleront avec des dizaines de milliers de visiteurs. Dans la sidérurgie les grèves se multiplient à Dunkerque, à Fos Sur Mer, en Lorraine et dans la Loire ;  tous nous nous affairons à porter largement l’action.

Le 23 Mars, c’est la grande manifestation à Paris, seul la CGT appelle, les autres organisations ont trouvé un fallacieux prétexte pour ne pas y participer : celui de la politisation du mouvement, mais de nombreux militants d’autres organisations syndicales qui luttent aux cotés de leurs camarades CGT feront le déplacement dans les cars affrétés par la CGT.

Qu’à cela ne tienne, plus de 100 000 participants partent des gares et des portes de  Paris se rendent Place de la république et défileront dans le bon ordre jusqu’à la provocation des forces de polices et des autonomes qui brisent les vitrines place de l’Opéra.

Les grèves et les actions unitaires à Denain et à Longwy se poursuivent vaille que vaille et les 6 avril la direction générale d’Usinor confirme son plan de casse.

-fermeture de Chiers Anzin

-Arrêt de la production de Denain repoussé d’un an

-Maintien du TAB

- 3500 suppressions d’emplois

-1900 préretraites 

-750 personnes en formation

Pendant la même période les grèves s’étendent notamment à Usinor Dunkerque et à la Solmer à Fos. C’est le résultat d’une période sans acier décidé au niveau national. A Denain, chaque jour, des actions particulières s’organisent notamment vers Cambrai ou vers l’autoroute ainsi que la gare de Valenciennes. Dans ces actions, la chambre patronale de Valenciennes n’est pas oubliée et elle brûle. Les métallurgistes de Renault Douai viennent apporter leur soutien et expliquer les conditions de mutations sur Renault et ce qu’elles révèlent comme piège.

Les quatre jours se Dunkerque sont neutralisés au passage de Denain.

Mais ce qui est attendu par les travailleurs ce sont les négociations : elles se sont engagées au niveau national à Paris au siège de l’Union patronale des industries métallurgiques et minières.

Dans ces instants, les débats sur le devenir de la sidérurgie française sont de première importance, la question de l’avenir de cette filière acier est posée et un rapport déposé par la  FTM-CGT métallurgie au conseil économique et social fait grand bruit, il s’agit d’un mémorandum qui montre le caractère mensonger de ce plan acier décidé sur la base d’une surproduction, il montre que des propositions de modernisation peuvent permettre de poursuivre la production tant à Denain qu’à Longwy.

Mais l’irréparable va arriver : le lâchage des organisations syndicales réformistes va se vérifier dans les négociations pour une convention sociale à Paris. Celles-ci, hormis la CGT, vont accepter les conditions de la direction : fermeture des installations prévues et préretraites à partir de 50 et 55 ans et des dizaines de milliers de mutations qui se poursuivre jusqu’aux années 90.

Dans la nuit du 24 juillet au 25 juillet, j’y suis, les autres syndicats signent et la délégation CGT refuse. Nous avions alors décidé d’une vaste consultation des sidérurgistes pour rejeter la partie mutations tout en acceptant les départs en préretraites : prés de 80 % de ceux-ci rejetèrent l’accord.

La chambre syndicale de la sidérurgie et le gouvernement ainsi que les signataires ne tinrent pas compte de ce vote.

La lutte reprendra à la rentrée de septembre 1979 mais le cœur n’y est plus, la signature de la mise à mort de Denain fait des ravages, le découragement s’installe chez ceux qui avaient été les plus combatifs ;  les militants CGT  continuent à se battre mais ce paraphe rompt ce qu’il restait d’une unité devenue embarrassante  pour les organisations réformistes.

Coté politique, les maires des communes de la 20eme circonscription se réunissent et exigent le maintien de la production de fonte et d’acier.

Le 26 novembre 1979, 1644 travailleurs de Denain reçoivent une lettre de la direction les informant de la suppression de leur emploi. Les ouvriers ayant reçu la lettre se précipitent aux grands bureaux et jettent des documents par la fenêtre. La CGT propose d’occuper l’usine.

Des consultations laisseront apparaître des positions différentes selon que le vote est organisé par le front uni des signataires ou la CGT.

Le 25 décembre des sidérurgistes dépose une banderole sur le parvis de Notre Dame de Paris. La production d’acier bloquée reprend progressivement.

C’est le Noel le plus pire que j’ai vécu ; Denain c’est la tristesse qui règne, aux aciéries de Paris Outreau à Boulogne Sur Mer la direction annonce la liquidation de plus d’un millier d’emplois.

En Lorraine et dans la Loire des plans de suppressions d’emploi commencent à s’exécuter.

Gustave Ansart déclare : «  fallait-il laisser la CGT seule à se battre ? Mes amis et moi avons choisi de rester fidèle aux promesses que nous avions faites de défendre cette région et ses travailleurs et restons à la disposition de tous ceux qui cherchent une solution à ce conflit.

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La bataille de l’acier se poursuivra en 1980.

Les installations de production de fonte et d’acier seront arrêtées dans l’année.

 

L’arrivée de Miterrand en 1981 comme président de la république et de Pierre Mauroy comme premier ministre suscitera un grand espoir.

 

Cet espoir fut rapidement déçu par les décisions du gouvernement de fermer le reste des installations sidérurgiques de Denain.

 

Un Nouveau plan acier en 1984, décidé par Mauroy et Fabius suscitera à nouveau de grandes luttes

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De nouvelles installations furent fermées à Valenciennes, en Lorraine et dans la Loire.

 

Le parti communiste français s’opposera à ce plan et quittera le gouvernement en juillet 1984.

Ce plan social fit ensuite des émules dans d’autres professions.

 

L’acier français coulait des jours mauvais, en 1986, sous le gouvernement Chirac, une nouvelle restructuration eut lieu, les 2 groupes furent réunis en un seul, des capacités de production furent abandonnées dans le domaine des produits longs notamment à Gandrange, Longwy.

L’acier français ne coulait plus alors qu’à Dunkerque, Fos et Florange et Hayange et dans des aciéries électriques.

Des aciéries électriques étaient supprimées notamment dans la Loire.

Le site de Mondeville  était abandonné.

Creusot Loire au Creusot démantibulé.

 

Le patronat n’avait plus qu’à récupérer une sidérurgie très rentable, ce qu’il fit, pour ensuite le confier à Mittal, un aventurier hindou qui n’avait plus qu’à ramasser des bénéfices considérables.

Les dernières décisions prises par Mittal à Gandrange confirment que le plan Davignon a été respecté à la lettre par les directions qui se sont succédé.

Mais là je m’éloigne un peu, laissons le soin aux camarades qui militent actuellement dans la sidérurgie de faire le procès de ces nouveaux maitres des forges.

 

Finalement, cette mise à mort de Denain, préludait toute une démarche libérale faite des casses et de restructurations conduisant notre pays à des abandons industriels en cascades et à une fragilisation de notre potentiel industriel comme nous l’avions supputé à cette époque.

 

La crise que traverse le capitalisme en ce moment est la conséquence de cette économie ou ne prime que le marché libre et non faussé et l’appât du gain aux dépens de la création de richesses et de sa répartition en faveur des travailleurs.

 

Bernard LAMIRAND

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par aragon 43

Publié dans #syndicalisme

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C
Bonjour et merci pour la retranscription de cette conférence qui offrent beaucoup d'informations et de détails sur les faits. Je m'intéresse à l'histoire d'Usinor car mon grand-père paternel (Pierre Carrez) y travaillait. Malheureusement, il est décédé en 1985, avant ma naissance. Mon père était syndicaliste et je sais qu'il a manifesté, mais je n'en sais pas plus, il est décédé en 1994. Dans mon entreprise de reconstruction de mon histoire, je cherche à connaître ce passé qui a marqué ma famille et vous remercie pour ces informations.
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A
Content d'avoir pu vous éclairer sur cette période. Amicalement Bernard LAMIRAND
M
Nous étions ensembles je pense a plusieurs occasions il me semble ?<br /> Marcel
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A
Posssible ?
D
<br /> <br /> Bonjour<br /> <br /> <br /> Auriez vous par hasard les coordonnées du Président de l'Amicale ou de l'Association des retraités d'Usinor Denain<br /> <br /> <br /> merci<br /> <br /> <br /> Bon dimanche<br /> <br /> <br /> <br />
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