MALI DECLARATION DU REDACTEUR EN CHEF DE l'HUMA

Publié le 17 Janvier 2013

Paix.jpgMali: Le tonnerre d'un monde éteint...

par Patrick Apel-Muller, jeudi 17 janvier 2013, 17:30 · 

Qui dira plus que cette prise d’otages l’irréfutable faillite des politiques occidentales durant les dernières années? La brutalité de la mondialisation libérale a conduit le Mali à la faillite, à la déréliction de son jeune État, et sa population, réduite à la misère, à douter de l’avenir de ce pays. L’OMC, le FMI, et la Banque mondiale se sont comportés en huissiers saisissant les maigres ressources. Au Nord-Ouest, l’intervention française a ouvert les arsenaux de Kadhafi, a permis au Quatar d’armer des katibas de fous de dieu et réalisé la jonction entre fanatiques islamistes. Le sinistre fantôme de la FrançAfrique a freiné la mobilisation du continent, inquiet de voir resurgir l’ancienne puissance coloniale. A ce tableau désolé, il faut ajouter les menées américaines qui ont favorisé, avec le relais de leurs alliés du Golfe, les entreprises salafistes, préférant la terreur verte au péril rouge. Aujourd’hui, on déplore l’oppression qui s’est abattue sur les habitants de Tombouctou ou de Gao, on s’inquiète pour les otages, on suit avec peine les opérations algériennes et les combats au Mali... Nous avons raison, mais quel gâchis!

Ces soubresauts sanglants sont à ajouter à l’acte d’accusation de l’ordre du monde. Ils commandent aussi de ne pas en rester à la bonne conscience militaire face aux djihadistes ou au consensus apparent à l’ONU. Les risques d’enlisement sont sérieux; le Nord-Mali et la zone sahélienne peuvent constituer un abcès de plus menaçant la paix mondiale, un alliage toxique de grands inquisiteurs et de maffieux. L’Algérie peut à nouveau être ensanglantées par les égorgeurs terroristes. Dans les pays occidentaux, de nouveaux croisés ne manqueront pas de brandir la perspective d’une nouvelle guerre des civilisation, également chère à Al Quaida. Alors, ne nous enfermons pas dans les postures guerrières. L’action des troupes françaises et des armées africaines qui doivent les rejoindre, n’aura de sens que si elle est transcendée par l’investissement puissant dans un nouveau partage des richesses avec l’Afrique, par la fin des pillages et leur règlement par une aide massive au développement, par le choix d’une Afrique libérée des boulets qui entravent son essor et freinent sa jeunesse.

C’est à cette seule condition qu’on pourra bientôt considérer le drame du complexe gazier de Tigantourine comme «le tonnerre d’un monde éteint», selon la formule du poète Jean Tardieu.

 (Publié vendredi 18 janvier 2013 dans l'Humanité)

Rédigé par aragon 43

Publié dans #Actualités

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