LA REPUBLIQUE DES GIROUETTES

Publié le 22 Décembre 2012

 

 

 

VOILA UNE PRESENTATION D'UN LIVRE A MEDITER AUJOURD'HUI AVEC CE NOUVEAU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, QUI, UNE FOIS INSTALLE, SE TRANSFORME EN PARFAIT CONTINUATEUR DES POLITIQUES PRECEDENTES QU'IL AVAIT POURTANT VOUEES AUX GEMONIES A L'EXEMPLE DE "L'ENNEMI EST LA FINANCE".

UN LIVRE A LIRE   BERNARD LAMIRAND

La république des girouettes
1795-1815 et au delà
une anomalie française: la république de l’extrême-centre

La vie politique fourmille de personnages changeant au gré des majorités qui se font et se défont. Mais comment la girouette est-elle née dans la culture politique française? De quelle façon réapparaît-elle lors de chaque crise et de quelle manière désorganise-t-elle la vie parlementaire?
La littérature pourrait donner un début de réponse. Un personnage de fiction surgit au xixe siècle: le transfuge, qui, sous le visage de l’arriviste cynique, contribue au façonnement de l’archétype du «Judas politique» moderne. Pourtant tout n’est pas sorti de l’imagination des romanciers. Le transformisme idéologique provient de l’expérience traumatisante que les Français ont connue entre 1814 et 1816, lorsque se succèdent à une cadence soutenue Napoléon et Louis XVIII, lorsque les serments de fidélité ne durent que quelques semaines… Ce n’est pas la première fois que la France voit ses élites renoncer à leurs paroles. La monarchie puis la Révolution ont déjà été confrontées, de façon conflictuelle parfois, à la question de la fidélité religieuse d’abord, politique ensuite. Ce ne sera pas non plus la dernière fois, comme les événements de 1940 le montreront.
La girouette en soi vaut surtout par ce qu’elle révèle: la construction d’un pouvoir exécutif qui ne peut plus s’appuyer sur un pouvoir d’origine divine. Le personnage-caméléon incarne alors un technicien de la politique ou un professionnel de l’administration dont la vocation consiste à faire marcher la chose publique au-delà des opinions ou des contingences idéologiques. Pour cela, mieux vaut se trouver en un centre politique, mieux vaut être capable de s’adapter et de saisir rapidement les leviers du pouvoir en toutes occasions, afin de rejeter à la périphérie les radicaux et les perturbateurs de l’ordre public. L’authentique anomalie de la vie politique française ne serait pas cette lutte entre «blancs» et «rouges» depuis deux siècles, mais l’émergence d’un centre invisible et pourtant omniprésent.
Qui mieux que le général accomplissant le coup d’Etat du 19 brumaire a perçu cet «extrême centre» lorsqu’il résumait ainsi son programme politique: «Ni talons rouge, ni bonnet rouge»? Ce livre interroge finalement, de façon dérangeante mais nécessaire, la place de Bonaparte, éminent politique, au cœur de la construction républicaine française depuis deux cents ans.

Pierre Serna est maître de conférences à l’Université Paris-I. Il a publié Antonelle, aristocrate révolutionnaire (1747-1817) (Félin, 1997) et avec Pascal Brioist et Hervé Drévillon, Croiser le fer. Violence et culture de l’épée dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle) (Champ Vallon, 2002).

Rédigé par aragon 43

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