COMMUNISME
Lettre ouverte à Jean Paul.
"Le drame se joue" nous dit Jean Paul Legrand, dans une contribution.
Jean Paul commence son exposé par une violente critique des partis en place y compris ceux chargés de changer
cette société et sans faire "des ronds dans l'eau", je dirai qu'il s'adresse de manière véhémente
uniquement au parti communiste français qu'il met dans le même sac que les autres partis.
Je ne peux que regretter cette appréciation excessive.
Si, comme le dit Jean Paul Legrand, le PCF n'est plus l'outil indispensable, je pense que les raisons sont
autant celles d'un PCF qui n'a pas su voir les développements du capitalisme dans sa phase libérale que celle trop dépendant du socialisme étatifié
des pays de l'Est, arrivé en bout de course, et de ce fait acculé dans une certaine léthargie politique ne nous permettant pas de voir les nouveaux
enjeux de classe. Nous y avons tous contribué; Jean Paul Legrand compris.
Avons-nous à lui jeter des pierres à ce parti au moment où nous en avons plus que jamais besoin face à ce
capitalisme en crise durable?
Dans la bataille de classe, actuellement engagée avec des moyens lourds de la part du capital comme l'expose
d'ailleurs très bien Jean Paul, la mise au ban de ce parti a suffisamment d'adeptes pour que des communistes cartés ou non en viennent a y prêter
leur concours.
Egalement cette critique des partis fait parti d'un vaste mouvement qui va des communistes en
rupture jusqu'aux "tous pourris" qui nous amène jusqu'à l'extrême droite et à des formes de populisme
qui peuvent se terminer en drame pour le prolétariat.
Je ne ferai pas un procès dans ce sens à Jean Paul, surtout pas, mais prenons garde à ne pas crier avec les
loups et avec cette tendance très française, boulangiste, maurassienne, de rejeter la faute aux partis
de gauche quand la situation est en voie de déliquescence, et qu'un certain populisme peut l'emporter en raflant la mise.
Je le dis d'autant plus que je me dresse contre une autre forme de démolissement du PCF, celui des 200
signatures dans lesquelles on retrouve Lucien Sève et Patrick Braouzec, qui, pour l'avoir entendu dans une fête de l'humanité, il y a quelques années, milite pour la disparition des partis de
gauche et en l'occurrence celui qui le gêne le plus dans ses desseins, le PCF: parce qu'il est le dernier obstacle à une forme associative et de réseau où la clarté marxiste ferait alors place à un mollusque invertébré entre communistes en
déshérence et toute une faune d'incompris sociaux démocrates.
Jean Paul aborde l'analyse de la société actuelle, je le cite : "Les maîtres du monde sont capables de toutes les barbaries
pour conserver leur pouvoir et les peuples savent jusqu'où leur férocité et leurs crimes peuvent aller. Cependant un système ne peut perdurer à l'infini dès lors qu'il ne tient que
par la violence, la guerre, la menace permanente, l'emploi de la peur et de la sujétion. Nous vivons une période prérévolutionnaire inédite dans l'histoire car jamais l'humanité n'
a possédé autant de moyens pour s'émanciper et jamais elle n'a du subir une telle force qui la domine avec la sophistication des Etats modernes et des armes dont ils
disposent"…
Je
partagerai bien volontiers cette analyse mais je ne suis pas persuadé que les conditions les meilleures soient réunies à ce stade pour passer directement à une autre société par une révolution
violente du type des précédentes.
Je
pense même que cette façon de faire a vécu et qu'il faut révolutionner chaque jour en prenant les contradictions qui émergent du système.
Je
citerai particulièrement un passage provenant de François Chatelet dans l'édition 1973 "livre de poche" du "Manifeste communiste": je cite sa présentation:" La contribution montre déjà qu'il ne suffit pas de faire apparaitre l'Etat comme une "superstructure" - thème qui sera repris par diverses révisions ultérieures du
marxisme-, mais comme le lieu même de la lutte. C'est pourquoi, poursuit Marx, il importe de constituer une classe radicale qui, subissant l'exploitation absolue, le dommage universel, ne pourra
se libérer quand brisant les chaînes de la société toute entière. Bref, la lutte est politique. Il n'y a rien à attendre d'une transformation lente et souterraine de l'économie qui introduirait
on ne sait quelle amélioration " comme Tocqueville attendait des " progrès sociaux" une amélioration progressive des conditions individuelles; comme Berstein à la fin du 19eme siècle, attendra du
développement de la production industrielle un passage pacifique au socialisme". Il n'y a pas non plus, dans l'optique d'une apocalypse positive à croire qu'une prise de conscience de
l'exploitation pourrait provoquer, par la réunion magique de volonté individuelle, le déclenchement d'une action décisive" ...
Tout
est dit, dans cette citation, et comment il pourrait en être autrement ; il y a des conditions à réunir et pour ma part il me semble que les révolutions germent, se développent et murissent quand
un peuple est déterminé et conscient sur des problèmes qui font société: par exemple ce que fut la sécurité sociale solidaire hier, et ce que pourraient être demain d'autres conquêtes communistes
comme l'eau, l'énergie, le transport etc. retiré des pattes du capital et devenant un besoin gratuit.
Et
aussi l'enjeu autour de la propriété des moyens de production, cela monte; c'est révélateur d'un retournement de situation, dû à la mise en concurrence exacerbée des travailleurs du monde entier
par le capital et après les abandons sociaux démocrates des gouvernements d'union de la gauche pour ce qui concerne la France.
Marx
donne une certaine conception de ce que doit être un parti révolutionnaire, mais il indique dans le débat qui l'oppose aux théories sociales démocrates lassaliennes, que la lutte est politique
pour ne pas tomber dans une fausse transformation, lente et souterraine dit-il. Il précise qu'il ne faut pas attendre non plus à une apocalypse
positive par la réunion magique de volonté individuelle, le déclenchement d'une action décisive.
Je
partage ce point de vue et cela fait l'objet de mon combat actuel pour que le PCF ne sombre ni dans l'un ni dans l'autre et qu'il construit du
communisme dans chaque acte tout en déconstruisant ce qui est l'ancienne forme dominante.
C'est
ce qui me sépare fondamentalement des théories "du grand soir".
Jean
Paul ne croit plus au PCF qu'il a adoré tout un temps. Il croit à la révolution immédiate parce qu'il pense que l'heure du dernier soupir du capitalisme est arrivée. Je lui ferai remarquer que
pour arriver à administrer les derniers "saint- sacrement" au capital, il faut que celui-ci soit déjà dans l'imminence d'un pied dans la tombe et
qu'en face un imminent communisme nouveau émerge et vient le remplacer dés aujourd'hui.
Le
monde a connu des civilisations qui ont tenu longtemps en état de stagnation et ont gardé le pouvoir parce que la conscience de classe de l'époque n'était pas au rendez-vous.
L'est-elle aujourd'hui ?
Il y
a, après ce qui s'est passé avec le dépérissement de la forme d'état d'un pseudo communisme à l'Est, un besoin de faire de la politique et de gagner
un nouveau communisme; ce n'est pas acquis et il faut y travailler.
C'est
pourquoi, je réclame vainement un nouveau manifeste, partant de ce que Marx a pu dire en son temps et ce manifeste devrait nous inspirer face à la décrépitude d'un système qui a pour lui la force
mais pas l'adhésion.
Le PCF
est cet outil, certes très affaibli, miné de l'intérieur, méprisé à l'extérieur, fragile au point que certains sociaux démocrates sont prêts à racheter les bons morceaux mais Jean Paul, ce parti,
je te le dis est notre outil pour travailler ce communisme dans chaque acte quotidien de la vie.
Et il
y a plein de militants qui donnent leur temps, et qui ne sont pas des chercheurs de place et ces hommes et ces femmes communistes agissent sur tous les terrains où l'Etat, outil de la
bourgeoisie, utilise ses rouages pour contraindre et annihiler la montée des luttes.
Ce
communisme prérévolutionnaire peut s'établir, il se fera dans la vie de tous les jours avec ces hommes et ces femmes militantes qui croient à cet avenir et qui le construisent de leur propre main
et avec leur conscience de classe telle qu'elle est aujourd'hui dans un monde complexe où les changements se feront dans une lutte acharnée entre le nouveau qui pointe son nez et l'ancien qui va
se battre à mort.
Marx
le voyait très bien cette progression quand il disait dans le manifeste les conditions de cette transformation à travers l'ancien et le nouveau.
Je le
cite encore:
"Dans une phase supérieure de la société communiste, quand
auront disparu la subordination asservissantes des individus à la division du travail et, par là, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail sera devenu,
non seulement un moyen de vivre, mais encore sera devenu lui-même le premier besoin de la vie; quand, avec le développement diversifié des individus, lorsque les forces productives auront
augmentés elles aussi, et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec force - alors seulement l'horizon étroit du droit bourgeois pourra être totalement dépassé, et la
société pourra écrire sur son drapeau : De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins !"
Oui,
nous avons besoin de tous les communistes dans ce PCF, outil fragile, mais oh combien précieux pour aller dans le sens de l'histoire, de l'histoire de ce dépassement du capitalisme, qui a besoin
de nous tous, et bien sûr dans le débat pour trouver les meilleures outils et les meilleures réponses pour y parvenir.
C'est
pourquoi, je ne baisse pas les bras devant les difficultés actuelles de notre parti, devant ceux qui ont décidé de le quitter considérant de part et d'autres que l'on a plus besoin de ce parti
communiste.
J'y
suis, j'y reste.
Prolétaires de tous les pays unissez-vous. A plus fortes
raisons les communistes…
Bernard LAMIRAND