Publié le 19 Août 2010

VICHY ET L’ASSASSINAT DE LA RÉPUBLIQUE

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France culture – Dimanche 9 mai 2010

 

Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris VII,

 

Paru dans La Raison, n° 553, sous le titre « Vichy et l'assassinat de la république », p. 17-20

 

On présente volontiers la Défaite de 1940 comme une sorte de malédiction technique, la France ayant été gouvernée par des hommes politiques recevant trop d’informations ou pas assez, et d'ailleurs inaptes à les interpréter correctement ; par des militaires gâteux, incapables de s’adapter aux conditions nouvelles d’une guerre de mouvement et attachés à la défensive s’en s’être rendu compte que l’Allemagne préparait l’offensive. Cette thèse a aujourd'hui seule droit de cité, par exemple dans un récent numéro spécial de la revue L’histoire d’avril 2010, dont les articles et interviews de « spécialistes » réels ou présumés ne tiennent aucun compte de l’apport des sources originales, françaises et étrangères, aujourd’hui disponibles.

 

Or, ces archives confirment l’analyse de nombreux contemporains des années de guerre et d’Occupation, et en particulier l’un des plus prestigieux, historien médiéviste et grand observateur de son époque, Marc Bloch. En avril 1944, à quelques semaines de son assassinat par la Milice, il présenta dans une revue clandestine comme la signature de la trahison de Pétain, au sens juridique d’intelligence avec l'ennemi, sa longue préface approbatrice au livre de 1938 du général de réserve Louis Chauvineau, ancien professeur à l’École de Guerre (1908-1910), Une invasion est-elle possible?, qui prônait la défensive et ridiculisait la guerre offensive (avec avions et blindés) et les alliance de revers de la France [1]. Le jugement général qu’en tira Bloch a fourni le cadre d’une longue recherche puis de deux ouvrages récents : Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930 et De Munich à Vichy, l’assassinat de la Troisième République, 1938-1940[2] : « Le jour viendra », affirmait Bloch, « et peut-être bientôt où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos alliances et de nos amitiés. Les responsabilités des militaires français ne peuvent se séparer sur ce point de celles des politiciens comme Laval, des journalistes comme Brinon, des hommes d'affaires comme ceux du Creusot, des hommes de main comme les agitateurs du 6 février, mais si elles ne sont pas les seules elles n’en apparaissent que comme plus dangereuses et plus coupables pour s’être laissé entraîner dans ce vaste ensemble ».

 

La hiérarchie de Marc Bloch des cinq principaux groupes coupables de la Défaite était ainsi établie : les militaires, les hommes politiques, la presse, les hommes d’affaires (firme Schneider, dont le président Eugène, roi de la Tchécoslovaquie, la tua en septembre 1938, avant de la vendre, concrètement, avec Skoda, à Krupp, en décembre), et les agitateurs du 6 février 1934, ce mouvement dans lequel nombre d’historiens voient une simple révolte de la droite « républicaine » et de l’extrême droite contre les tares de la république parlementaire. Depuis 1999, de nombreux fonds français ont été ouverts aux chercheurs après avoir été fermés pendant soixante ans. Leur dépouillement permet à la fois d’avérer l’analyse de Bloch et de modifier sa hiérarchie des responsables, que des années de recherches m’ont conduite à établir ainsi :

 

Les « hommes d’affaires », que je nomme les hommes du grand capital, de la fraction la plus concentrée des milieux économiques, dominent toutes les autres catégories. Ils jouent un rôle déterminant parce qu’ils sont maîtres de la politique économique, malgré le rôle grandissant de l’Etat, et de la vie politique au sens très large : ce contrôle hégémonique inclut la possession, donc la maîtrise permanente des moyens d’information.

 

Les politiciens. Il ne s’agit pas uniquement de Laval ou des hommes de droite et d’extrême droite, mais d’un ensemble de responsables, comprenant la gauche dite « de gouvernement », radicale et socialiste, d'autant plus que, dans l’entre-deux-guerres, depuis 1924, et plus encore pendant la crise des années 1930, une majorité de Français vota à gauche. Ne se distinguant pas sur l’essentiel – et surtout pas sur la gestion de l’économie – des élites de droite qui dirigeaient l’économie et la société, cette « gauche de gouvernement », Léon Blum inclus et les radicaux plus encore (Herriot, Chautemps, Daladier, etc.), confrontée à la crise (du profit) adhéra aux solutions requises par les responsables de l’économie. Or, les plans économiques et politiques mis au point depuis les années 1920 et surtout 1930 supposaient tous « réforme de l’État », c'est à dire réduction sensible, voire liquidation des pouvoirs du Parlement. Ils permettraient, pour régler la crise (rétablir le taux de profit) d’éliminer des institutions gênantes pour le grand patronat désireux de réduire les salaires directs et indirects. Pour les raboter de manière drastique, celui-ci disposait de modèles étrangers efficaces : il apprécia d’abord l’exemple donné par l’Italie fasciste depuis novembre 1922, puis et surtout par l’Allemagne pré-hitlérienne (de Brüning) et hitlérienne, car aucun pays n’avait sabré les salaires directs et indirects de manière aussi drastique que l’Allemagne depuis 1930 et surtout depuis février 1933.

 

De sorte que, pas seulement pour la droite et l’extrême droite, mais aussi pour une fraction grandissante de la gauche de gouvernement, la renonciation aux « acquis sociaux » par la masse de la population apparut comme la meilleure voie de sortie de crise – sur la base exclusive de la formule maintien ou augmentation des profits-casse des salaires. Dans les projets du grand capital fut établi un lien automatique entre ladite casse et la formule « très autoritaire » mise en œuvre dans les pays voisins.

 

Nulle part ne pouvait être obtenue l’acceptation spontanée des énormes « sacrifices » de la crise que devrait consentir le peuple seul. Il fallait donc se passer du consentement populaire par une réduction ou une disparition premièrement du Parlement toujours trop sensible aux desiderata des électeurs appelés à renouveler les sièges des députés, et deuxièmement des partis (de gauche) au service de la population, qui seraient tentés, poussés par leur base sociale ou spontanément, de faire obstacle aux mesures contre les salaires. Tout cela supposait nouvelle organisation politique où ne se retrouva pas seulement l’ensemble droite-extrême droite tenté de fusionner au cours de la crise : la gauche de gouvernement fut aussi séduite par les solutions jugées modernes et pertinentes développées dans les milieux les plus concentrés de l’économie. L’adhésion fut au moins partielle (Blum compris, immergé dans un milieu « moderniste » directement lié au grand capital), parfois totale (chez Daladier dès 1933 et comme chef du gouvernement d’avril 1938 à mars 1940, après un virage à gauche purement pré-électoral en 1935-1936).

 

Dès les années 1920 se constituèrent des groupes de réflexion et d’action à l’intérieur du grand patronat, dont le principal, créé en 1922 (l’année du triomphe du fascisme en Italie), s’appela synarchie. La synarchie, nous assure-t-on, n’existe pas [3]. Avérée par les sources, elle fut fondée par douze décideursXXX issus de la grande banque (dont les banques Worms et d’Indochine) et de l’industrie lourde – et en compta une cinquantaine dans les années 1930. Ces milieux, quintessence de ce que la propagande du Front populaire appelait « les 200 familles » (les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France), détenaient assez de pouvoirs pour convaincre les hommes politiques, les journalistes (mais aussi les publicistes et les syndicalistes compréhensifs), les hommes de main et les militaires de haut rang (auxquels il assuraient une retraite (précoce) dorée, comme Weygand, administrateur de la Compagnie internationale du canal de Suez pour six cent mille francs par an depuis sa retraite de 1935. Aux décideurs de la poignée dirigeante des synarques revint la décision, à toutes ses étapes ; aux féaux des quatre autres niveaux, la propagande et l’exécution.

 

Les hommes politiques, parlementaires compris, furent associés à des plans de liquidation de la République ou en furent précisément informés sans juger bon d’en aviser leurs électeurs ou les membres mineurs de leurs partis. Cette réalité, attestée par des sources françaises et étrangères, abondantes (malgré de considérables destructions d’archives), est aujourd'hui repoussée par les porteurs de l’idéologie dominante, en premier lieu les journalistes ou publicistes fabriquant l’opinion en la « dindonnant »[4] : ceux-ci arguent qu’étudier un complot, une conjuration, une stratégie, relèverait d’une « histoire du complot », concept inacceptable en soi. La question, en quelque sorte, « e sera pas posée ».

 

Pourtant, comme je le dis souvent à mes étudiants, personne ne se demande si Allende est « tombé » tout seul : les archives américaines sont déclassifiées rapidement et l’on peut, sur la seule base des fonds publiés, vérifier que Washington a assuré, en s’appuyant sur les élites chiliennes que gênaient les réformes sociales en cours, d'abord la chute d’Allende puis sa succession par le régime de Pinochet, caractérisé d'une part, par la terreur et la baisse drastique du niveau de vie pour la masse de la population, et, d'autre part, par une liberté économique et politique sans limites pour le grand capital (chilien et américain).

 

Les archives française et les archives étrangères que j’ai consultées permettent d’établir aussi formellement que les projets politiques évoqués plus haut étaient déjà fort avancés dans les années 1920 (projet de putsch Lyautey de 1926-1928, auquel l’obscur clerc Emmanuel Suhard fut étroitement associé : sa promotion consécutive lui permit de participer, comme archevêque de Paris, à l’ultime étape de la trahison, celle de 1940). La solution prit forme définitive en 1933-1934 : c’est à la faveur de la première tentative d’étranglement de la République, le 6 février 1934, et surtout de ses suites (le gouvernement de Doumergue, autre entretenu, aux mêmes conditions que Weygand, par « le » Suez) que fut trouvée la formule politique finalement venue au jour à la faveur de la Défaite consciencieusement préparée : le duo formé par Laval et celui que ce dernier qualifiait de « dessus de cheminée », c'est-à-dire Pétain. En 1935, François de Wendel, déjà présenté, « sout[enait] Monsieur Laval de toute son influence » et préparait la chute du régime en préférant au le colonel de la Rocque, son ancien chouchou, et à ses Croix de Feu (qu’il finançait largement) « un homme disposant d’un grand prestige dans le pays et ayant eu également la faveur de l’Armée »[5].

 

La synarchie s’appuyait sur des hommes politiques et sur des hommes de main, trouvés, sauf exception notable (quelques renégats de gauche ou d’extrême gauche), dans la droite et l’extrême droite, c'est-à-dire dans les ligues fascistes qui, financées par le grand capital en général et la synarchie en particulier, s’étaient développées en France suivant deux étapes, dans les années 1920, puis dans la décennie de crise. Ces ligues, sans disparaître individuellement, fusionnèrent en « Cagoule » en 1935-1936. A « la Cagoule » qu’on nous présente volontiers, avec une arrogance égale à l’ignorance, comme un petit mouvement risible, fugace et inoffensif [6], la synarchie fournit des moyens considérables. Car elle lui servit de bras armé ou d’“aile marchante”, selon le meilleur spécialiste de « La Cagoule » et des ligues, le juge d’instruction Pierre Béteille, dans son rapport de 1945 pour le procureur général du procès Pétain, Mornet[7] : elle groupait en 1939 environ « cent vingt mille hommes pour toute la France, répartis en quarante légions » au service d’une stratégie de la tension - mise en œuvre quand le Front populaire se tint debout (en 1936-1937), abandonnée ensuite au profit des grands projets de la phase finale dont vingt mille dans l’armée, car il y avait une « Cagoule » civile et une « Cagoule » militaire.

 

Au sommet de la « Cagoule » militaire, dont la direction comptait les étoiles de l’Etat-major (Gamelin, chef d'état-major général, ne fut pas de la dernière étape, mais fut informé de tout et ne s’y opposa jamais), on trouvait rien moins que Pétain et Weygand : le duo fut, le 18 mai 1940, mis en place par l’homme de la droite classique Paul Reynaud. Les liens étroits de ce dernier avec la synarchie avaient fait toute sa carrière ministérielle, mais l’historiographie dominante continue à le dresser en homme fatigué, hésitant ou en mystère[8]. Pour connaître les autres éminences (Darlan compris), il suffit de disposer de la liste des officiers peuplant les cabinets de Vichy. Les civils dirigeant la Cagoule se confondaient le plus souvent avec ceux de la Synarchie : trônèrent à Vichy tous les hommes qui avaient forgé et fait exécuter les plans de liquidation de la République, et qui s’auto-attribuèrent les deux premières promotions des médailles de la francisque.

 

Dans ce dispositif les journalistes jouèrent un rôle, hauts salariés qu’ils étaient d’organes de presse détenus par le grand capital : symbole d’une situation générale, Le Temps, prédécesseur direct du Monde, appartenait pour plus de 80% au Comité des Forges en 1934 (après avoir été partagé jusque là entre Comités des forges, des houillères et des assurances).

 

Ce qui détermina la Défaite ne fut pas seulement la perte de « la bataille de 1940 » par les généraux, par ailleurs affectés à une mission directe : Huntziger ouvrit d'emblée la percée de Sedan à la Wehrmacht, qui s’y engouffra ; Pétain et Weygand allèrent discuter autour du 20 mai avec des délégués du Reich. Ce fut la décision du Grand Capital, qui généra l’exécution de tous ses obligés, armée comprise. Il voulait des salariés dociles à la casse de leurs salaires. Il refusait de se battre contre le Reich, si précieux partenaire commercial et financier. Il convenait de lui vendre les produits dont n’avait pas besoin la France puisqu’elle ne préparait pas la guerre, au premier chef le fer des canons et la bauxite (pour l’aluminium) des avions. Il ne pouvait être question de contrarier cet énorme débiteur dont la mise en défaut avait failli détruire le système capitaliste dans la crise systémique, bancaire et monétaire, du printemps et de l’été 1931. Pour ne pas déplaire à l’Allemagne, le Grand Capital, clé de « l’Apaisement », orienta la politique de la France vers le compromis à tout prix. Entre autres, le futur gouverneur de la Banque de France et chef de la délégation française d’armistice de Wiesbaden, le synarque Yves de Boisanger, alla en traiter avec le directeur général de l’IRI (Instituto di ricostruzione industriale italiano), Giovanni Malvezzi, en juillet 1939. L’Allemagne, ayant, elle, envie de faire la guerre indispensable à la conquête, se trouva, face à ses partenaires complaisants, en mesure d’agir sans trouver résistance organisée. La France fut donc vaincue dans les cinq jours (à peine) qui suivirent l’assaut du 10 mai 1940, pas à cause du « pacifisme » présumé d’un peuple qui avait supporté plus de quatre ans de guerre à peine plus de vingt ans auparavant.

http://www.fischer02003.over-blog.com/article-vichy-et-l-assassinat-de-la-republique-55452795.html

 

http://www.convergencedesluttes.fr/index.php?post/2010/08/15/VICHY-ET-L-ASSASSINAT-DE-LA-REPUBLIQUE

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Rédigé par aragon 43

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Publié le 19 Août 2010

 

Hopital_Creil.jpgL'histoire de la mutualité est faite de haut et de bas tout au long de son existence.

Elle est à l'origine de la solidarité entre travailleurs, elle est le maillon qui a permis la création de syndicats de salariés dans notre pays, elle a permis de réelles avancées sociales et surtout de mener une lutte acharnée contre l'emprise des assurances privées.

Elle a aussi ses périodes noires, son passé pendant l'occupation n'a pas été des plus exemplaires en signant et en défendant "La charte du travail du régime de Vichy";  et à la libération de la France, elle a combattu la création de la sécurité sociale avant d'accepter d'être complémentaire.

Depuis des années, la mutualité qui s'est réunifiée entre la FNMF et la FMF, faisait plus ou moins face au désengagement de la sécurité sociale sous les coup de boutoirs du gouvernement et du MEDEF, et elle a pris en compte ce que l'assurance maladie remboursait moins à travers des charrettes de médicaments considérés comme moins ou pas efficaces. Elle a dû suppléer la sécu face aux déremboursements en payant la différence et en augmentant par conséquent les cotisations des mutualistes.

Mais à ce jeu, le cercle vicieux imprimé par la gouvernement, conduit à toujours augmenter les cotisations:  le coût pour les salariés devient de plus en plus difficile à supporter et du même coup la mutualité, comme la sécurité sociale, trouvent des artifices pour réduire les coûts. C'est le cercle infernal.

Et les choses prennent maintenant une autre dimension:  la mutualité expertise de nouvelles méthodes concernant les remboursements de médicaments. Elle met au banc d'essai de nouvelles pratiques consistant à rembourser selon l'efficacité d'un médicament pour situer le niveau du paiement. Bref nous avions déjà une mutualité à plusieurs vitesses:  "vous êtes jeune et vous consommez moins de médicaments, vous êtes âgé et vous consommez plus;  votre tarif est donc différent",  viendra s'ajouter les déremboursements selon des critères d'efficacité.  Tout compte fait, cela s'apparentera, d'ici quelques années, de plus en plus aux assurances privées qui pratique à des tarifs à la carte de préférence à une mutualisation solidaire.

Il est vrai, que la mutualité, sous la forme collective et solidaire qui est la sienne, unique en Europe, est de plus en plus menacée par les assurances privées et les règles de l'Europe libérale l'oblige à faire face à des opérateurs européens privés, notamment ces grosses société d'assurances.

Mais en puisant dans les  méthodes assurancielles privées, la mutualité française n'est-elle pas entrain, doucement, de se convertir en assurance privée:  il y a danger.

Il importe que les mutualistes réagissent et ne tombent pas dans le fait accompli.

Je suis mutualiste et je m'interroge sur le devenir de la mutualité.

Aujourd'hui le ver est dans le fruit concernant notre protection sociale solidaire et en particulier concernant la santé.

La Mutualité française, n'est-elle pas aussi  engagée dans les sphères de recomposition de la santé et notamment à travers les Agences régionale de santé (ARS), mises en place pour mettre en œuvre la loi Bachelot, "Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST) dont tout le monde sait qu'elle vise à réduire à la portion congrue l'hôpital public et la sécurité sociale au profit de l'offre de soins privées qui veut pour lui le gâteau de la santé ( voir Kessler).

Des ex-dirigeants de la Mutualité française occupent actuellement des responsabilités dans ce dispositif (ARS) au coté de membres provenant de  la Générale de Santé, un groupe capitaliste hospitalier, pour restructurer l'hôpital public et le mettre en concurrence avec les hôpitaux privés à travers ces agences régionales.

Je pense que les mutualistes ont des combats à mener contre ce poison libéral qui consiste à saper l'ensemble de la sécurité sociale et la structure public hospitalière de ce pays et à miner aussi le terrain de la solidarité mutualiste.

La mutualité ne peut prêter le flan à cette stratégie. Evidemment ce combat doit être celui de tous les travailleurs et le besoin se fait sentir d'une unité de luttes entre le mouvement syndical et le mouvement mutualiste.

L'accompagnement des politiques de remises en cause de la sécurité sociale  la condamnerait inéluctablement à sa propre destruction.

Bernard LAMIRAND

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Rédigé par aragon 43

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Publié le 15 Août 2010

headerUN NOUVEAU ROLE POUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ? 

Depuis 1958, la France est gouvernée par une sorte de roi élu par les français et qui "monarchise" la vie politique  et surtout les décisions qui n'ont plus que l'apparence démocratique.

Je propose que l'on revienne à l'élection des députés au suffrage universel par liste et à la proportionnelle et que l'assemblée nationale élise un conseil des ministres pour  exercer la vie politique, la démocratie et les décisions à prendre. Celui-ci rendrait compte à l'assemblée nationale qui voterait les lois et exercerait en permanence le contrôle de l'exécutif.

Donc plus besoin d'un monarque pour nous diriger.

Alors vous allez me dire : que faire du poste de Président ?

La solution est toute trouvée.

Sarkozy est entrain de l'étrenner, de l'essayer, et ça marche !

Il pourrait s'occuper de soutenir les sportifs, d'aller aux grands rendez-vous tels les JO, les championnats d'Europe et du monde. On pourrait lui demander de téléphoner aux athlètes avant les compétitions pour les encourager et après pour les féliciter avec obligation pour les journalistes d'en informer le lecteur ou le téléspectateur.

Dorénavant un rôle plus cool lui conviendrait: Il visiterai les banlieues apportant le réconfort à ceux qui vivent mal dans les cités.

Il pourrait faire de la prévention  et au lieu d'y aller avec un taser on lui donnerait le rameau d'olivier.

Je le vois aussi suiveur du tour de France à temps complet pour aller encourager les coureurs sur la ligne de départ ou d'arrivée. On pourrait aussi lui confier le soin d'apporter la solidarité à tous les victimes des catastrophes dans le monde. Le capital les multipliant actuellement, il est assuré d'avoir du travail et de ne pas être sur la paille.

J'ai pensé à tout cela en voyant avec quel zèle, les perroquets de la télé ne manquaient pas de signaler la présence du vénérable chef d'état actuel, de ses communications téléphoniques à tel ou tel vainqueurs.

Je me suis mis à rêver que notre cher Président actuel, devant  son impopularité, était entrain de préparer sa reconversion et devenir un Président de médailles, de breloques, de badges, mais surtout plus un président qui nous met dans le pétrin comme nous le sommes depuis 2007.

J'ai rêvé alors d'un référendum pour faire du poste de président, un poste pépère, pour un brave bougre qui se contente d'inaugurer les chrysanthèmes.

Mais je me suis réveillé et j'ai vu une milice à l'œuvre poursuivant des malheureux à Montreuil sous Bois, séparant les femmes et les enfants des hommes, comme au bon vieux temps de l'occupation.

Ce n'était pas un cauchemar au réveil mais la réalité de la France de 2010.

 

Bernard LAMIRAND

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Rédigé par aragon 43

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Publié le 15 Août 2010

COURTIAL LE POURFENDEUR DES PRIMES

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A nouveau, Courtial, le député de l'Oise UMP de ma circonscription, revient sur sa marotte annuelle: remettre en cause la prime de rentrée scolaire et la remplacer par des bons d'achats pour du matériel scolaire.

L'an dernier, j'avais répondu à ce sire que les parents ne dépensaient pas la prime dans des écrans plats comme il avait la prétention de le dire.

Il peut y avoir  quelques dévoiements : est-ce que parce qu'il y a des brebis égarées dans n'importe quel domaine que l'on doit mettre tout le monde dans le même sac ?

Est-ce par exemple que les excentricités de quelques personnages de l'UMP au gouvernement doivent nous entraîner à considérer qu'ils sont tous pourris selon l'expression populiste ?

Non, bien sûr…

Moi, je suis pour que la prime de rentrée scolaire soit pour les fournitures scolaires et que les parents en soient les responsables, sans avoir le "martinet de Monsieur Courtial" pour les obliger.

Et puis Monsieur Courtial, l'écran plat que certains n'ont pas: croyez vous qu'il n'y a pas matière à réflexion ?

Si des familles n'ont pas les moyens de s'acheter un téléviseur, tous sont maintenant à écran plat, c'est certainement parce que leur pouvoir d'achat, que vous avez réduit avec vos petits copains des gouvernements successifs de la droite, ne leur permet pas d'acheter ces appareils que vous et votre classe ont  en leur possession depuis longtemps déjà.

Vous avez l'objectif de vous occuper de ces malheureux qui utilisent mal la prime de rentrée scolaire, vous auriez mieux à faire de vous occuper d'autres générosités accordées à  des privilégiés de la finance qui, soit disant, pour améliorer l'emploi telles les exonérations de cotisations sociales  reçoivent les libéralités de votre gouvernement ou encore le bouclier fiscal ou des primes à la casse des voitures accordées aux groupes de l'automobile  qui délocalisent leurs productions.

Croyez-moi, les ravaudages des petits n'ont rien à voir avec les frasques des gros.

Occupez-vous des patrons voyous et pondez-nous des lois "à tout va" contre ces gros contrevenants. Tenez, faites un projet de loi pour faire en sorte que toutes les affaires et contentieux, prises d'intérêts illégales, soient  confiés automatiquement à un juge d'instruction.

Autre chose Monsieur Courtial, vous avez un très grand empressement sur des problèmes qui concernent les petites gens sans le sous, en auriez vous autant concernant ce qui ferment actuellement nos usines dans l'Oise pour expatrier les productions à l'étranger pour se faire de bons dividendes. Il me semble que vous avez été très discret concernant l'usine à Pneumatique de Continental, on ne vous a guère entendu pour défendre l'emploi menacé dans cette région et en particulier dans le bassin creillois.

Occupez-vous un peu plus de ceux qui trichent dans les sphères du capital, il y a plein de travail parlementaire pour vous concernant ces patrons voyous et tricheurs.

Salutations.

 

Bernard LAMIRAND

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Publié le 14 Août 2010

4 SEPTEMBRE POUR EMPECHER QUE NAISSE UNE NOUVELLE BETE IMMONDE

J'avais l'intention de faire un article de rentrée autour du Pouvoir d'achat à partir des annonces qui tombent actuellement de hausses des tarifs du Gaz et de l'électricité, des assurances, des impôts, du prix de l'essence et de bien d'autres choses encore.

J'ai remis à plus tard dans la semaine cet article.

Ce n'est que partie remise.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que la destinée de la France est entrain de glisser vers l'extrême droite et les discours de Le Pen trouvent de plus en plus  d'interprètes dans les rangs de la majorité.

Ce pouvoir n'a plus rien à présenter de positif au peuple français. L'économie ne s'est jamais aussi mal portée, le social qui a fait la grandeur de ce pays est en pleine décomposition, le chômage n'a jamais été aussi élevé et cette droite au pouvoir nage dans l'affairisme, le maraudage, les privilèges aux amis, les coups bas à la démocratie.

Jamais un Président de la République depuis  Thiers n'a été aussi impopulaire.

Il a mis la France à genoux devant le dollar, devant le capital. Il est en pleine déconfiture concernant sa politique sécuritaire répressive.

L'Afghanistan est une catastrophe, des jeunes meurent là-bas pour le bon plaisir de la guerre américaine et de l'OTAN, dont nous sommes devenus les domestiques zélés ( Le Général doit se retourner dans sa tombe).

Mais le pire n'est pas là. Nous entrons dans une spirale qui tourne à un état, pas tout à fait autoritaire, mais un état limite comme le disait Serge Portelli, juge d'instruction dernièrement. Mais on est en droit de s'interroger sur cet état limite et à la renaissance d'un état d'esprit  vichyssois que l'on voit poindre.

Des hommes liges entourent ce président et le conseillent dans une sorte de cabinet ténébreux auquelle la représentation nationale n'a plus qu'à entériner les prescriptions cassantes et autoritaires.

Le pire est donc arrivé cet été.

 Ce pouvoir vacillant, avec "l'affaire Woerth, Bettancourt", n'a rien trouvé de mieux que de choisir le vil combat. Celui de la mise en scène d'un ennemi de l'intérieur. Cet ennemi, c'est l'immigré, le français à consonance étrangère, la cité qu'il faut terroriser, le pauvre qui fraude, le rom qu'il faut chasser de la France éternelle et fille ainée de l'église, le fonctionnaire déconsidéré et inutile etc.

La  haine est recherchée, la provocation fait le reste avec le secret espoir que des bas fonds où s'abime tant de jeunes exclus, ceux-ci aient l'outrecuidance de se révolter et sont alors projetés par la télévision à la vindicte populiste et cloués au pilori (se rappeler des émeutes à la gare du Nord en 2007) une sorte d'incendie du Reichstag pour dresser la population contre des prétendus coupables.

Et l'on voit ce qui devait arriver avec des médias télévisuels entièrement contrôlé par la pouvoir  :  le scénario de l'insécurité distillé chaque jour aux heures de grandes écoutes avec un chef d'orchestre désigné par l'Elysée pour jouer le matamore dans les banlieues, accompagné d'une milice investissant les cités avec des chiens, des hélicoptères, des cerbères armés jusqu'aux dents, pour frapper la canaille.

Et puis, il y a pour faire l'exemple, ces "Roms" fuyant la misère de Roumanie ou le capital a fait pire que Ceausescu. On détruit leurs pauvres campements . De voir ces hommes et ces femmes, ces enfants n'ayant plus d'endroits pour dormir et vivre dans la rue est ignoble.

Les "Saint-Vincent de Paul des beaux quartiers huppés" peuvent ensuite aller faire leur ablutions et laver leurs péchés après ces cruautés contre ces malheureux.

Des hommes et des femmes traités comme des êtres nuisibles.

Après la destruction des campement à Calais, les voilà maintenant à détruire ce qui existent depuis des temps immémorables, ces gitans et tziganes ou encore roms, que l'on découvre comme nouvelle racaille, utilisable à merci pour monter le peuple et le retourner.

Et puis il y a une autre idée : éliminer cet ennemi de l'intérieur, déchoir de l'identité  française les récalcitrants, en montrant du doigt des catégories, notamment celles visées par le "Karcher".

Le petit matin blême, celui on l'on défonce les portes est donc revenu:  des gens sont trainés de force, menottés comme coupables sous dénonciation. C'est un retour de la bête immonde, ne nous trompons pas.

Et alors cette citation d'un pasteur protestant Martin Niemöller du camp de Dachau me revient:

"Quand ils sont venus chercher les communistes, je n'ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste. Quand ils sont venus chercher les juifs, je n'ai pas protesté parce que je ne suis pas juif. Quand ils sont devenus chercher les syndicalistes, je n'ai pas protesté car je ne suis pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n'ai pas protesté car je ne suis pas catholique. Et quand ils sont venus me chercher, il n'y avait plus personne pour protester."

On pourrait dire aujourd'hui: "quand ils sont venus chercher le petit jeune sans boulot dans mon quartier je n'ai pas bougé, quand ils sont venus chercher les gitans, je n'ai pas bougé, quand ils sont venus chercher…"

Alors levons-nous, ne banalisons pas ce qui se passe en ce moment, de cette droite de la haine qui va de plus en plus s'allier avec la famille Le Pen.

Le 4 septembre, tous manifestons notre dégoût de cette politique qui pue LA HAINE.

N'oublions pas que la haine précède souvent des atteintes plus graves: celles aux libertés fondamentales.

Depuis quelques jours circule l'idée de porter  un bandeau violet.

Je le ferai et j'invite tous mes lecteurs à en faire autant et à manifester le 4 septembre.

Bernard LAMIRAND

 

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Rédigé par aragon 43

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Publié le 13 Août 2010

 

DE MON AMI ET CAMARADE MICHEL PEYRET AVEC UNE REPRISE DE TEXTES DE MARX TRES UTILES EN CETTE PERIODE : UNE SORTE DE DEVOIR DE VACANCES AVANT LA GRANDE MELEE DE SEPTEMBRE

Bernard LAMIRAND

 

 

Michel Peyret

12 août 2010

 

 

MARX OU LES TEMPS DE L'HOMME

 

 

« L'histoire ne fait rien, c'est l'homme, réel et vivant, qui fait tout. »

Ce disant, Marx aurait-il tout explicité? Que nenni! Ce serait trop simple, sinon simplet; Par exemple, il ajoute lui-même: « La production des idées, des représentations et de la conscience, est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes: elle est le langage de la vie réelle. »

La vie, c'est le mouvement, rien n'est éternel, tout naît, grandit, se développe, vieillit et meurt...

Mais la race humaine subsiste et ses acquis se cumulent, et l'homme concret est toujours un être différent de ceux qui l'ont précédé.

Ainsi va l'histoire des hommes et sans doute faut-il remercier Marx d'avoir poursuivi le chantier de l'approfondissement de la compréhension du rôle des hommes dans la construction de leur humanité.

Les extraits ci-dessous ne se veulent pas exhaustifs, l'apport de Marx est bien trop riche, mais ils peuvent certainement apporter quelque compréhension à nos questionnements sur nous-mêmes dans les relations que nous avons dans la société dans laquelle nous vivons et ses évolutions.

 

L'UNIVERSALISATION DE LA MARCHANDISE ( DESTRUCTION DE LA NATURE )

 

La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s'annonce comme une immense accumulation de marchandise.

Capital

 

Vint enfin un temps où tout ce que les hommes avaient regardé comme inaliénable devint objet d'échange, de trafic et pouvait s'aliéner. C'est le temps où les choses mêmes qui jusqu'alors étaient communiquées, mais jamais échangées ; données mais jamais vendues ; acquises, mais jamais achetées - vertu, amour, opinion, science, conscience, etc., - où tout enfin passa dans le commerce. C'est le temps de la corruption générale, de la vénalité universelle, ou, pour parler en termes d'économie politique, le temps où toute chose, morale ou physique, étant devenue valeur vénale, est portée au marché pour être appréciée à sa plus juste valeur.

Misère de la philosophie.

 

La grande influence civilisatrice du capital a haussé la société à un niveau au regard duquel toutes les époques antérieures font figure de formes infantiles, marquées par l'idolâtrie de la nature.

La nature devient enfin un pur objet pour l'homme, une simple affaire d'utilité, elle n'est plus tenue pour une puissance en soi. L'intelligence théorique de ses lois autonomes apparaît simplement comme une ruse pour la subordonner aux besoins humains soit comme objet de consommation, soit comme moyen de production. En vertu de cette tendance, le capital aspire à dépasser les barrières et les préjugés nationaux aussi bien que la divinisation de la nature et la satisfaction des besoins existants, légués par le passé et enfermés dans les limites d'un contentement borné et dans la reproduction du mode de vie traditionnel. Il est destructif à l'égard de tout cela, il est en révolution permanente.

Grundrisse

 

La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Là où elle prit le pouvoir, elle détruisit toutes les relations féodales, patriarcales, idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissaient l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser d'autre lien entre l'homme et l'homme que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange et, à la place des nombreuses libertés si chèrement acquises, elle a substitué l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, aride. La bourgeoisie a dépouillé de leurs auréoles toutes les activités qui passaient jusqu'alors pour vénérables et que l'on considérait avec un saint respect. Médecin, juriste, prêtre, poète, homme de science, de tous elle a fait des salariés à gages.La bourgeoisie a déchiré le voile de sentiment et d'émotion qui couvrait les relations familiales et les a réduites à n'être que de simples rapports d'argent.

Manifeste

 

LE PRODUCTIVISME CAPITALISTE

 

Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l'amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu'aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits reste la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine, et contraint à capituler les barbares les plus opiniâtrement hostiles aux étrangers. Elle force toutes les nations à adopter le style de production de la bourgeoisie - même si elles ne veulent pas y venir ; elle les force à introduire chez elles la prétendue civilisation - c'est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle forme un monde à son image.

La bourgeoisie a soumis la campagne à la ville. Elle a créé d'énormes cités, elle a prodigieusement augmenté la population des villes par rapport à celle des campagnes et par là, elle a arraché une importante partie de la population à l'abrutissement de la vie des champs.

Manifeste

 

La production pour la production - la production comme fin en soi - apparaît certes déjà avec la subordination formelle du travail au capital, dès que le but immédiat recherché est de créer le maximum de plus-value en grandeur et en quantité, dès qu'en général la valeur d’échange du produit devient le but décisif. Cependant, cette tendance inhérente au système capitaliste ne se réalise de manière adéquate - et n'en devient une condition nécessaire, même du point de vue technologique – qu’au moment où le mode de production spécifiquement capitaliste et, avec lui, la subordination réelle du travail au capital ont connu un certain développement.

 

Ayant déjà abordé ce point plus haut, nous serons ici très bref. Il s'agit d'une production qui n'est pas liée à des besoins préalablement limités ou qui lui imposent des limites. (Son caractère antagonique implique des limites qu'elle tend constamment à franchir; d'où crises, surproduction, etc.) C'est là un des côtés – disons : le côté positif - qui la distingue des modes de production anciens. Le côté négatif réside dans son caractère antagonique : la production opposée au producteur, indifférente à l'égard du producteur réel, qui apparaît comme simple moyen de production, tandis que, devenant une fin en soi, la richesse matérielle se développe contre l'individu et à ses dépens. Productivité du travail = maximum de produits obtenus avec le minimum de travail, partant, marchandises au prix le plus bas possible. C'est une loi du système de production capitaliste, indépendante de la volonté des capitalistes.

Elle en implique une autre : ce ne sont pas les besoins existants qui déterminent l'échelle de la production, mais, inversement, c’est la masse des produits qui est fonction de l'échelle sans cesse croissante de la production, elle-même déterminée par le système capitaliste. Le but, qui est d'obtenir des produits contenant le maximum de travail non payé, ne peut être atteint que par une production qui est sa propre fin.

Ce fait se présente, d'une part, comme une loi dans la mesure où le petit capitaliste matérialise dans le produit une quantité de travail supérieure au quantum socialement nécessaire ; c'est la manifestation adéquate de la la loi de la valeur, qui ne se développe complètement que sur la base du mode de production capitaliste.

Mais, d'autre part, c’est l’instinct même de chaque capitaliste qui, pour violer cette loi ou la tourner par la ruse à son profit, cherche à abaisser la valeur individuelle de sa marchandise au-dessous de sa valeur socialement déterminée.

Grundrisse

 

Ce qui est de la plus-value pour le capital est pour l'ouvrier du surtravail au-delà de ses besoins immédiats nécessaires à le faire vivre en tant qu'ouvrier. Le grand rôle historique du capital est de produire ce surtravail, travail superflu du point de vue de la simple valeur d'usage, de la simple subsistance.

Le capital a accompli sa fonction historique lorsque d'une part, les besoins sont assez développés pour que le surtravail en sus de ce qui est nécessaire soit devenu lui-même un besoin général et découle des besoins de l'individu lui-même ; et d'autre part, que le zèle au travail imposé par la sévère discipline du capital aux générations successives soit devenu le bien commun de l'humanité nouvelle ; enfin, que les forces productives du travail dont le capital accélère le progrès à coup de fouet, dans la frénésie d'enrichissement sans limites et dans les conditions qu'il pourrait seul réaliser, soient développés au point que la possession et la préservation de la richesse générale exige :

1° que la société tout entière se fixe un temps de travail moindre ;

2° que la société travailleuse affronte scientifiquement le procès de sa reproduction sans cesse croissante, dans une plénitude toujours plus grande.

 

Autrement dit : l'homme ne fera plus les travaux qui peuvent être faits à sa place. Le capital et le travail ont un rapport semblable à celui de l'argent et de la marchandise : l'un est la forme générale de la richesse, l'autre uniquement sa substance destinée à la consommation immédiate. Dans sa course éperdue à la forme générale de la richesse, le capital pousse le travail au-delà des limites de ses besoins naturels et crée de la sorte les éléments matériels pour le développement d'une individualité riche, aussi universelle dans sa production que dans sa consommation, et dont le travail n'apparaît plus comme travail, mais comme plein développement de l'activité : sous sa forme immédiate, la nécessité naturelle y a disparu, parce qu'à la place du besoin naturel a surgi le besoin produit historiquement. C'est pourquoi le capital est productif, autrement dit, il a un rapport essentiel au développement des forces productives sociales. Mais, il cesse de l'être à partir du moment où le développement de ces forces productives trouve une barrière dans le capital lui-même.

Grundisse

 

LA FIN D'UN MONDE

 

Dans les crises, on voit se répandre une épidémie sociale qui, à toute autre époque, aurait semblé absurde : l'épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; il semble qu'une famine, une guerre d'extermination, lui aient coupé ses moyens de vivre - l'industrie et le commerce semblent anéantis ; et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce.

Manifeste

 

Quand le prolétariat annonce la dissolution de l'ordre du monde existant jusqu'alors, il ne fait qu'exprimer le secret de sa propre existence, car il est la dissolution effective de cet ordre du monde.

Critique de la philosophie du droit de Hegel

 

La société ne peut plus vivre sous sa domination; c'est dire que l'existence de la bourgeoisie n'est plus compatible avec l'existence de la société. La condition essentielle de l'existence et de la domination de la classe bourgeoise est l'accumulation de la richesse entre les mains des particuliers, la formation et l'accroissement du capital ; la condition d'existence du capital, c'est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux.

Manifeste

 

Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers. Ils n'ont pas d'intérêts qui les séparent de l'ensemble du prolétariat. [..]Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui entraîne toutes les autres : théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat, l'avantage d'une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien.

Manifeste

 

LA REALISATION DE LA LIBERTE ET DE L'EQUITE: LE TEMPS LIBRE

 

Dans la société bourgeoise, le capital est indépendant et personnel, tandis que l'individu qui travaille n'a ni indépendance, ni personnalité. Et l'abolition d'un pareil état de choses, la bourgeoisie l'appelle l'abolition de l'individualité et de la liberté !

Manifeste

 

A la vérité, le règne de la liberté commence seulement à partir du moment où cesse le travail dicté par la nécessité et les fins extérieures; il se situe donc, par sa nature même, au-delà de la sphère de la production matérielle proprement dite. Tout comme l'homme primitif, l'homme civilisé est forcé de se mesurer avec la nature pour satisfaire ses besoins, conserver et reproduire sa vie; cette contrainte existe pour l'homme dans toutes les formes de la société et sous tous les types de production.

Avec son développement, cet empire de la nécessité naturelle s'élargit parce que les besoins se multiplient; mais, en même temps, se développe le processus productif pour les satisfaire.

Dans ce domaine, la liberté ne peut consister qu'en ceci : les producteurs associés - l'homme socialisé - règlent de manière rationnelle leurs échanges organiques avec la nature et les soumettent à leur contrôle commun au lieu d'être dominés par la puissance aveugle de ces échanges ; et ils les accomplissent en dépensant le moins d'énergie possible, dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine.

Mais l'empire de la nécessité n'en subsiste pas moins. C'est au-delà que commence l'épanouissement de la puissance humaine qui est sa propre fin, le véritable règne de la liberté qui, cependant, ne peut fleurir qu'en se fondant sur ce règne de la nécessité. La réduction de la journée de travail est la condition fondamentale de cette libération.

Capital

 

En dépit de ce progrès [à travail égal, salaire égal], ce droit égal reste prisonnier d'une limitation bourgeoise. Le droit des producteurs est proportionnel au travail qu'ils fournissent. L'égalité consiste en ce que le travail fait fonction de mesure commune. Toutefois, tel individu est physiquement ou intellectuellement supérieur à tel autre, et il fournit donc en un même temps plus de travail ou peut travailler plus longtemps. Le travail, pour servir de mesure, doit être calculé d'après la durée ou l'intensité, sinon il cesserait d'être un étalon de mesure.

Ce droit égal est un droit inégal pour un travail inégal. Il ne reconnaît aucune distinction de classe, puisque tout homme n'est qu'un travailleur comme tous les autres, mais il reconnaît tacitement comme un privilège de nature le talent inégal des travailleurs, et, par suite, l'inégalité de leur capacité productive.

C'est donc, dans sa teneur, un droit de l'inégalité, comme tout droit. Par sa nature, le droit ne peut consister que dans l'emploi d'une mesure égale pour tous; mais les individus inégaux (et ils ne seraient pas distincts, s'ils n'étaient pas inégaux) ne peuvent être mesurés à une mesure égale qu'autant qu'on les considère d'un même point de vue, qu'on les regarde sous un aspect unique et déterminé ; par exemple, dans notre cas, uniquement comme des travailleurs, en faisant abstraction de tout le reste. En outre: tel ouvrier est marié, tel autre non ; celui-ci a plus d'enfants que celui-là, etc..

A rendement égal, et donc à participation égale au fonds social de consommation, l'un reçoit effectivement plus que l'autre, l'un sera plus riche que l'autre, etc. Pour éviter tous ces inconvénients, le droit devrait être non pas égal, mais inégal.

Or tous ces inconvénients sont inévitables dans la première phase de la société communiste, quand elle ne fait que sortir de la société capitaliste, après un long et douloureux enfantement. Le droit ne peut jamais être plus élevé que la structure économique de la société et le développement culturel qui en dépend.

Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, par suite, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail corporel; quand le travail sera devenu non seulement le moyen de vivre, mais encore le premier besoin de la vie ; quand, avec l'épanouissement universel des individus, les forces productives se sont accrues, et que toutes les sources de la richesse coopérative jailliront avec abondance - alors seulement on pourra s'évader une bonne fois de l'étroit horizon du droit bourgeois, et la société pourra écrire sur ses bannières : "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !" ...

Critique du programme de Gotha.

 

A mesure que la grande industrie se développe, la création de richesses en vient à dépendre moins du temps de travail et de la quantité de travail utilisée, que de la puissance des agents qui sont mis en mouvement pendant la durée du travail. L'énorme efficience de ces agents est, à son tour, sans rapport aucun avec le temps de travail immédiat que coûte leur production. Elle dépend bien plutôt du niveau général de la science et du progrès de la technologie ou de l'application de cette science à la production.

Grundisse

 

La production s'automatise, la force de travail du producteur n'est plus exploitée. Mais lui-même trouve place à côté du procès de production, au lieu d'en être l'agent principal. Avec ce bouleversement, ce n'est ni le temps de travail utilisé, ni le travail immédiat effectué par l'homme qui apparaissent comme le fondement principal de la production et de la richesse; c'est l'appropriation de sa force productive générale, son intelligence de la nature et sa faculté de la dominer, dès lors qu'il s'est constitué en un corps social; en un mot le développement de l'individu social représente le fondement essentiel de la production et de la richesse.

Le vol du temps de travail sur lequel repose la richesse actuelle apparaît comme une base misérable par rapport à la base nouvelle, créée et développée par la grande industrie elle-même. Dés que le travail, sous sa forme immédiate, a cessé d'être la source principale de la richesse, le temps de travail cesse et doit cesser d'être sa mesure, et la valeur d'échange cesse donc aussi d'être la mesure de la valeur d'usage

Le surtravail des grandes masses a cessé d'être la condition du développement de la richesse générale, tout comme le non-travail de quelques-uns a cessé d'être la condition du développement des forces générales du cerveau humain. La production basée sur la valeur d'échange s'effondre de ce fait et le procès de production matériel immédiat se voit lui-même dépouillé de sa forme mesquine, misérable et antagonique. C'est alors le libre développement des individualités. Il ne s'agit plus dès lors de réduire le temps de travail nécessaire en vue de développer le surtravail, mais de réduire en général le travail nécessaire de la société à un minimum. Cette réduction permet ensuite que les individus reçoivent une formation artistique et scientifique, etc., grâce au temps libéré et aux moyens créés au bénéfice de tous.

Le capital crée une contradiction en procès : d'une part il pousse à la réduction du temps de travail à un minimum et d'autre part il pose le temps de travail comme la seule source et la seule mesure de la richesse. Il diminue donc le temps de travail sous sa forme nécessaire pour l'accroître sous sa forme de travail superflu. Dans une proportion croissante, il pose donc le travail superflu comme la condition - question de vie ou de mort - du travail nécessaire.

D'une part, il éveille toutes les forces de la science et de la nature ainsi que celles de la coopération et de la circulation sociales, afin de rendre la création de la richesse indépendante (relativement) du temps de travail utilisé pour elle.

D'autre part, il prétend mesurer les gigantesques forces sociales ainsi créées d'après l'étalon du temps de travail, et les enserrer dans des limites étroites, nécessaires au maintien, en tant que valeur, de la valeur déjà produite. Les forces productives et les rapports sociaux - simples faces différentes du développement de l'individu social - apparaissent uniquement au capital seulement comme des moyens, et des moyens pour produire sur une base limitée. Mais en fait ce sont les conditions matérielles capables de faire éclater cette base.

Grundisse

 

Quoi qu'il en soit, le capital crée une grande quantité de temps disponible, en dehors du temps de travail nécessaire à la société en général et à chacun de ses membres en particulier, autrement dit, une marge d'espace pour le développement de toutes les forces productives de chaque individu, et donc aussi de la société.

Cette création de temps de non-travail apparaît, pour le capital et les systèmes antérieurs, comme un simple temps de non-travail, du temps libre pour quelques-uns. Mais en ce qui concerne le capital, celui-ci augmente le temps de surtravail de la masse par tous les moyens de la science et de l'art, parce que sa richesse est directement fonction de l'appropriation du temps de surtravail, son but étant directement la valeur, et non la valeur d'usage.

Il est ainsi, malgré lui, l'instrument qui crée les moyens du temps sociaI disponible, qui réduit sans cesse à un minimum le temps de travail pour toute la société et libère donc le temps de tous en vue du développement propre de chacun.

Cependant, il tend toujours lui-même a créer du temps disponible d'un côté, pour le transformer en surtravail de l'autre. S'il réussit trop bien à créer du temps disponible, il souffrira de surproduction, et le travail nécessaire sera interrompu, parce que le capital ne peut plus mettre valeur aucun surtravail. Plus cette contradiction se développe, plus il se révèle que la croissance des forces productives ne saurait être freinée davantage par l'appropriation du surtravail d'autrui.

Les masses ouvrières doivent donc s'approprier elles-mêmes leur surtravail. De ce fait le temps disponible cesse d'avoir une existence contradictoire. Le temps de travail nécessaire se mesure dès lors aux besoins de l'individu social, et le développement de la force productive sociale croit avec une rapidité si grande que, même si la production est calculée en fonction de la richesse de tous, le temps disponible croît pour tous.

La Richesse véritable signifie, en effet, le développement de la force productive de tous les individus. Dès lors, ce n'est plus le temps de travail, mais le temps disponible qui mesure la richesse.

Si le temps de travail est la mesure de la richesse, c'est que la richesse est fondée sur la pauvreté, et que le temps libre résulte de la base contradictoire du surtravail; en d'autres termes cela suppose que tout le temps de l'ouvrier soit posé comme du temps de travail et que lui-même soit ravalé au rang de simple travailleur et subordonné au travail. C'est pourquoi la machinerie la plus développée contraint aujourd'hui l'ouvrier à travailler plus longtemps que ne le faisaient le sauvage ou lui-même, lorsqu'il disposait d'outils plus rudimentaires et primitifs.

Grundrisse

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Rédigé par aragon 43

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Publié le 11 Août 2010

 

DENATURALISATION ET NOUVEAU TULARD *

 

 

Par ces temps d'intolérance

J'ai voulu par une caricature de la fiche ci-dessous, et pour railler ceux qui stigmatisent certaines catégories de la population et prononcent chaque jour de nouvelles lois et décrets répressifs - à l'exemple de la triste fiche Tulard concernant les juifs pendant l'occupation -  rappeler un passé sombre de notre histoire.

FICHE (refaite à partir des déclarations autoritaires et intolérantes actuelles de certains politiques.)

Nom………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Prénoms…………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Age……………….           lieu de naissance……………………………………………………………………………………………….        Préciser si l'origine, même lointaine, est étrangère……………………………………………………………………………

-niveau de la langue française  (méconnaissance, balbutiements, capacité à déclamer des vers de Racine sans accents et sans bégaiements) ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

-Lieu de résidence:………………………………………………………………………………………………………………………........

- (préciser le département ou la cité: par exemple le 93 et la Courneuve) …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Nationalité française: a-t-elle acquise par le sang ou par le sol :préciser l'origine européenne, asiatique ou africaine pour le sol:  ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

-Travail: (syndicalisation oui ou non, préciser  si l'adhésion est à la CGT:

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Vérifier si l'intéressé (e) est chômeur (se) de longue durée et néglige la recherche d'un emploi:

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

(Dans tous les cas obtenir un certificat de moralité de la part de l'employeur et des autorités religieuses compétentes)

-Date du premier vagissement (était-il violent ou imperceptible)………………………………………………………..

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Comment s'est passée l'adolescence (  ex :enfant qui crache par terre et qui ne mouche pas son nez et qui répond. …………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Les premiers rapports sexuels ( ont-ils eu lieu avant ou après le mariage) OUI OU NON (rayer la mention inutile)

Religion, laquelle: …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Si non, l'intéressé (e) est-il athée, agnostique, épicurien (e) etc. ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Les parents et arrières parents ont-ils commis des actes défendus ( résistance, grèves, manifestations, condamnations diverses, réprimandes y compris à l'école: .………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Opinions politiques ( biffer cette question si l'intéressé est adhérent à un parti de droite ou d'extrême droite). …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Si c'est l'intéressé (e) est "coco" , ne pas remplir, et se reporter au décret Sérol datant de 1939…

 

Signé le nouveau TULARD*

 

* wikypédia : André Tulard (1899[1]-1967), est connu pour avoir créé sous le régime de Vichy un ensemble de fichiers des Juifs de la région parisienne : le « fichier Tulard »[2]. Il était sous-directeur du service des étrangers et des affaires juives à la préfecture de police de Paris[1] de 1940 à 1943[3].

 

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Rédigé par aragon 43

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Publié le 9 Août 2010

dickens_oliver_twist.gifLA MORT D'UN JEUNE

Un gamin de quinze ans a laissé sa vie poursuivi par des policiers lors d'un contrôle.

Peut importe si ce jeune venait d'un quartier dit difficile. Une poudrière dit un lecteur "du Parisien" pour banaliser ce qui est un drame humain.

Il y a une quarantaine d'années, deux jeunes "fils à papa", des quartiers riches de Paris, devenus plus tard des hauts personnages de l'état et de la bourgeoisie, volaient une voiture et faisaient un accident sans conséquences pénales graves pour eux: c'était du coté de la Coté d'Azur.

Ils font partie aujourd'hui de ces pètes-sec qui réclament toujours plus de châtiments pour ceux qui enfreignent lois et règlements.

Un contrôle qu'ils ont forcé dit le procureur de Mantes: c'est vrai  et il ne s'agit pas de mettre en doute cette version des faits, ni non plus de banaliser la conduite de la voiture familiale par ces jeunes.

Les redresseurs de torts invoqueront qu'ils n'ont pas respecté la loi et en profiteront pour exiger encore plus de sanctions et de lois.

Pour  moi la vie d'une jeune de quinze ans vaut tout l'or du monde, c'est ce que nous disions quand j'étais jeune et membre de " La Jeunesse ouvrière catholique". Surtout quand ces jeunes sont en difficulté, vivent dans cette jungle qu'est devenue une banlieue sans avenir. Un média bien pensant s'est permis d'invoquer le fait que ce jeune avait déjà un passé difficile, en somme un jugement posthume de récidiviste.

Je remarque aussi que le policier a essayé de le persuader de ne pas se jeter à l'eau.

Mais un jeune qui ne sait pas nager, qui se jette à l'eau pour ne pas se faire attraper, cela montre à quel point la jugulaire que la droite met en place avec ses lois "de la vieille Angleterre de Dickens", de prescriptions autoritaires, peut conduire à ces peurs soudaines et à ces frayeurs d'un autre âge et c'est monsrueux de voir un jeune mourir à quinze ans.

Tout cela montre que la jugulaire, la crainte, les lois, les règlements, la discipline, le couvre-feu, la contrainte, l'internement ne sont que des cataplasmes sur une jambe de bois dans cette société qui se délite et qui rejette ceux qui ne peuvent plus la suivre dans ses méandres sulfureux.

Ce jeune de la cité, c'est un jeune construit par notre société actuelle.

Une société de l'argent qui ne respecte pas l'homme, qui atteint sa dignité, qui lui refuse le travail c'est une société où l'amoralité conduit à la dégradation de la vie sociale et donc au rejet des plus fragilisés.

C'est ce que nous vivons actuellement et nous en sommes qu'au début si tous les hommes de fraternité ne se lève pas et si la loi du plus fort(le capital) l'emporte.

Ce jeune, c'est l'échec de cette société, ce n'est pas un stigmate mais une vraie fêlure, elle enferme les plus démunis dans des ghettos et ne leur donne pas ce que d'autres jeunes des classes privilégiées ont.

Il n'y avait qu'à voir dimanche soir à la télévision ce reportage sur ces "fils à papa" circulant dans de luxueuses voitures, dépensant sans compter aux Champs-Elysées, ou encore faisant la fiesta à Saint-Tropez à coups de millions d'euros.

Les jeunes de nos banlieues et cités populaires, ces enfants d'immigrés pour la plupart de plusieurs générations, ne sont pas des moins que rien, c'est notre jeunesse, c'est notre futur métissé et c'est notre monde de demain et tant mieux et tant pis pour les racistes de tous poils. Cette jeunesse il faut la sortir du trou dans lequel elle est recluse dans ces cités sans vie et sans travail et avec des parents en difficulté qui triment dans des conditions d'emplois de plus en plus difficiles quand ils en ont un.

Encore ce soir un autre "speaker" d'une télé vantait ces lieux où la richesse se dévoile tout nue avec des millions dépensés par des émirs en goguette. Pas un policier n'était visible dans ces endroits, pas de danger que la voiture bolide d'un jeune émir ne soit arrêtée par un barrage et poursuivie.

L'argent coule à flot dans ces lieux de l'opulence.

L'argent est un mince filet dans ces lieux où les enfants n'ont plus le statut d'enfant.

Bien sûr les pourfendeurs anti-jeunes trouveront toujours à y redire, mais aucun d'entre eux ne dira que ce qui manque: c'est de l'humanité, de la fraternité, de la citoyenneté, du travail et surtout de l'école.

 C'est dans ces endroits là que l'argent doit couler à flot pour l'éducation républicaine et qu'un grand travail d'émancipation est à faire parmi ces populations pris en tenaille entre l'intégrisme religieux et l'intégrisme d'un pouvoir de l'argent.

 

Bernard LAMIRAND

 

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Rédigé par aragon 43

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Publié le 6 Août 2010

 

LA MORALE EN POLITIQUE FACE AU PETAINISME AMBIANT

C'est reparti…

Sarkozy est en difficulté sur tous les plans. Que ce soit dans le domaine politique, économique ou social, sociétal - il est incapable de faire face à la crise auquelle il a d'ailleurs apporté son concours en favorisant les intérêts du capital- Sarkozy alors se rabat à l'approche des futurs rendez-vous électoraux sur sa marotte : les questions de sécurité comme un moyen d'étouffer les révoltes qui montent.

Et à nouveau, la morale, la loi, la répression et la punition sont invoquées comme méthode pour mettre de l'ordre capitaliste parmi la piétaille.

La stigmatisation des Roms, des Arabes, des banlieues, des pauvres, des chômeurs fraudeurs etc, sert pour récupérer une pseudo crédibilité après les frasques bancaires de ses amis et les filouteries de ses comparses à travers les affaires en cours et qui montrent qu'une autre immoralité domine le pays: celle de l'argent roi.

Et donc la police et la justice de classe sont convoquées pour mettre bon ordre capitaliste et trouver les boucs émissaires pour tenter de cacher un bilan désastreux. Les faits divers sont toujours le moyen de faire de la démagogie et de cacher la réalité.

Et nous voyons les habituels redresseurs de torts pondre des textes contre tous ce qui bougent et remuent dans cette société en déliquescence. Les Besson et Hortefeux ne sont que les défenseurs de ce système amoral.

Et nous voyons les galonnés, les fouetteurs de l'ordre établi  inviter à punir le peuple allant jusqu'à vouloir sévir contre des parents qui ne surveillent pas leurs progénitures en les envoyant en prison.

Les libertés sont menacées à travers ces méthodes que dénonçaient au 19eme siècle Charles Dickens et cette fausse moralité que l'on veut nous faire avaler comme la solution à la crise actuelle rejoint tout compte fait ces périodes noires de crise que notre pays a connu et je n'hésite pas à dire que nous nous trouvons en ce moment dans une de ces périodes où la stigmatisation de certaines catégories, d'ethnies, de religions, nous ramènent à des législations qui ont entrainées à des mises à l'écart telles les juifs, les tziganes, les communistes: rappelons les lois pétainistes et le fameux "travail famille patrie".

Pourtant cette crise morale, sociale, économique, politique porte d'autres stigmates: celles de l'exploitation capitaliste et des injustices de plus en plus évidentes aux yeux de la population.

Et c'est cela que le pouvoir et le capital veulent circonscrire en attisant d'autres feux: l'insécurité dû à leur ordre établi.

Je ne résiste à vous présenter à ce sujet quelques bonnes pages du dernier livre d'un philosophe communiste Yvon Quignou intitulé "l'ambition morale en politique paru  dans les éditions l'Harmattan sur "Changer l'homme".

Yvon Quignou nous parle d'émancipation des hommes et non de leur aliénation comme nous force ce gouvernement avec ses lois et ses règlements restreignant les libertés.

Je cite un paragraphe: "On ne peut donc être sûr qu'un individu n'est pas, d'une manière ou d'une autre, aliéné, et ce qui est vrai d'un individu l'est encore plus d'une collectivité. C'est pourquoi l'impératif d'émancipation, car c'est le nom exact de la fin d'aliénation, ne peut donner lieu à une traduction concrète achevée et ne peut rester que relativement vague, en dehors des conditions, à caractère négatif, sans lesquelles il ne serait pas réalisable et qui, elles, sont désormais connues -comme la fin de l'exploitation ou la démocratie. Sauf à verser dans l'utopie d'une nouvelle parousie, avec les risques de déception qu'elle peut entraîner quand elle ne se réalise pas, il faut le concevoir comme définissant l'horizon régulateur d'une politique qui y trouve ainsi un nouveau sens, ce sens que le cynisme libéral ne peut ni ne veut concevoir: l'épanouissement de l'humanité de l'homme  dans et par une histoire devenue consciente et voulue, donc la production de cette humanité complète de l'homme à travers la production des conditions objectives qui en permettent la réalisation… C'est bien pourquoi, à nouveau, une politique d'émancipation ne saurait légiférer a priori sur le bonheur humain: elle doit laisser le soin de le déterminer, donc celui aussi de déterminer le contenue de cette politique, aux hommes eux-mêmes, pour autant que c'est leur expérience du bonheur dans l'abstrait, à distance ou par substitution: elle ne peut être donnée que dans l'épreuve qu'on en fait,, à ,la première personnes, et c'est donc à eux qui sont concernés, les êtres humains considérés dans ce qu'on pourrait appeler leur souveraineté eudémonique d'en décider… Marx, sans en développer tous les attendus, en a parfaitement défini l'esprit dans sa jeunesse lorsqu'il a mis son entreprise politique à l'enseigne de "l'impératif catégorique de renverser tous les rapports sociaux qui font de l'homme un être humilié, asservi, abandonné, méprisable", c'est-à-dire, peut-on préciser, aliéné.

Le libéralisme, nous dit Yvon Quignou, lui, laisse cette destruction anthropologique opérer silencieusement et c'est son inhumanité à lui qu'il faut condamner: il est un destructivisme et c'est le meilleur reproche qu'on puisse lui faire, finalement, en réponse à l'accusation de "constructivisme" qu'il adresse à tout ce qui de près et de loin, s'inspire du marxisme.

J'ai repris cette partie d'un travail réalisé par Quignou parce que nous sentons bien que face à cette droite amoral et qui fait sa morale, celle d'un monde à elle, pérennisé et qui défend des valeurs de l'injustice qu'elle sait cacher à travers l'aliénation et la déculturalisation des gens, il faut que les communistes soient à nouveau créateurs de quelque chose qui soit l'émancipation pour que les travailleurs, les peuples, les gens soient en capacité de prendre leur sort en main, de mettre une autre éthique, une autre morale, en place et que l'état soit non la main criminelle d'un système mais la main qui aide et qui ne pond plus tous les matins des réglements obligeants les hommes à courber l'échine comme c'est le cas actuellement.

Là est la vrai raison d'un communisme d'aujourd'hui.

 

Bernard LAMIRAND

 

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Rédigé par aragon 43

Publié dans #Actualités

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Publié le 4 Août 2010

SEVE EXPLIQUE SON DEPART DU PCF ET PROPOSE

Je viens de recevoir d'un communiste (et je l'en remercie) qui n'est plus au PCF pour des raisons de désaccords sur les diverses orientations prises ses dernières années le texte explicatif de Lucien Sève concernant son départ du PCF.

Je suis un lecteur assidu des œuvres de Lucien sur le communisme et donc de ses ouvrages remettant en avant Marx. Ce que font d'ailleurs d'autres philosophes comme Badiou et Quiniou dans de récents ouvrages où ils développent l'idée ou l'hypothèse communiste.

C'est un véritable réquisitoire auquel se livre Lucien Sève concernant ce PCF auquel il a appartenu si longtemps et dont il ne croit plus à une évolution autre qu'un électoralisme sans issue.

Je partage ce réquisitoire d'un parti qui n'a pas su se sortir d'une forme dépassée d'un communisme vu de sommet. Je ne partage pas l'idée qu'il faut tout jeter dans le compte des pertes et profits.

Le passé PCF a aussi ses heures de succès, d'un communisme espoir, d'un parti contribuant à obtenir des droits sociaux incomparables comme cette sécurité sociale qu'il a su porté à la libération avec des dirigeants comme Croizat et puis il y a ce parti qui a joué un rôle considérable concernant la résistance et des militants qui ont été fusillés pour la liberté et pour la France extirpée d'un fascisme aujourd'hui renaissant à travers la bête immonde.

Bien sûr, il a loupé, ce changement du monde, n'a pas compris l'évolution de ce capitalisme mondialisé, n'a pas saisi que l'URSS n'était pas le modèle communiste de Marx.

Mais qui l'avait vu de manière significative parmi nos philosophes; ont-ils su être convaincants et le refuge derrière l'autoritarisme de la direction du parti n'explique pas tout et surtout de leur propre retard à analyser cette situation.

Sève a sans conteste était un précurseur et certainement celui qui nous permet un retour à Marx dans les conditions d'aujourd'hui où son analyse du système capitaliste trouve toute sa signification dans la possibilité de le dépasser.

J'apprécie ce qu'il dit sur les travaux de Boccara- que le parti n'a pas fait ce qu'il fallait pour aider à la connaissance de ce qui aller se produire, cette crise systémique- et aussi les propositions de Paul banalisée alors qu'elles auraient dû être portée par tout le parti.

Lucien Sève ne croit plus à ce parti, il le quitte comme d'autres l'ont quitté avant lui par dizaines de milliers, ils sont restés communistes sans cartes dit-il. Il nous propose une maison commune qui remplacerait ce parti arrivé à sa phase terminale regroupant sur des exigences marxiennes tous les communistes autant de l'intérieur que de l'extérieur.

Je serais tenté de le suivre mais je n'entrevois pas pour l'instant parmi ces communistes de l'intérieur comme de l'extérieur ce qui pourrait les réunir. Les divergences sont profondes et se sont vues lors des régionales même au sein du PCF. Pourtant il faudra bien y parvenir à cette "Maison commune des communistes" qui ne soit pas ce front électoral dit Front de gauche qui n'est qu'une alliance de conquête du pouvoir dans le cadre d'une social-démocratie dominatrice.

Son réquisitoire est juste, notamment depuis les années Hue et Buffet, où ce parti n'a plus le sens du fonds et de comment redonner au communisme de la vigueur au moment ou le capital est dans la crise la plus profonde depuis son existence. Ce parti manque d'analyse et les petits combats de chefs montrent bien que la forme de sommet à la base a vécu.

Le congrès d'étape n'a pas été à la hauteur de ces enjeux là et la direction réélue n'a pas la vision de ce nouveau communisme qui nous vient plus de l'extérieur que de la maison actuelle:  c'est un comble.

Je l'ai dit dans d'autres contributions, le PCF doit évoluer et c'est pour cela que j'y reste, ayant horreur d'un vide communiste par la fin du PCF sans autres perspectives organisées et je ne veux pas me retrouver dans le salmigondis italien ou encore dans la nébuleuse allemande: je ne peux souscrire actuellement aux propositions de Sève qui pourtant représentent de vraies perspectives.

Mais il faut les bâtir et le PCF actuel doit s'en charger avec une nouvelle direction qui aiderait à ce communisme dans le réel et dans le partage des idées et non leur imposition d'en haut comme ce fut le cas dans ma région lors des régionales Picardie avec une direction nationale qui a imposé ses vues directrices et autoritaires.

j'entends mener ce combat jusqu'au prochain congrès et j'aviserai ensuite.

Je livre donc le texte de Lucien Sève qui doit nous faire réfléchir au PCF et surtout ne pas prendre la route cul de sac de la forteresse assiégée.

 

Bernard LAMIRAND

Que faire maintenant ?  Lucien Sève

Dix thèses non conformes d’un communiste sans carte

 

J’ai adhéré au Parti communiste français en 1950, j’ai été trente-trois ans membre de son Comité central (1961-1994) – à elle seule cette durée condamne un mode d’organisation politique –, j’ai levé le drapeau de la refondation communiste en 1984, j’ai décidé en avril 2010, au bout d’un quart de siècle de batailles tous terrains non sans effets mais sans succès marquant, de quitter ce parti qui aura été le mien durant soixante ans, ayant perdu tout espoir en sa capacité interne de transformation, et me faisant grief à moi-même de contribuer à accréditer le contraire en y restant. A moins qu’on me tienne pour sénile, pareil curriculum doit vouloir dire quelque chose de fort.

 

J'ai essayé de l’expliciter dans plusieurs textes, l’un que j’ai signé avec nombre de partants comme moi, un autre corédigé avec Roger Martelli, et une lettre personnelle adressée à des correspondants interrogatifs. Mais bien que soit de haute importance le retour exigeant sur les raisons qui ont poussé des centaines de milliers de communistes et en poussent aujourd’hui encore à quitter ce parti – retour que n’a jamais vraiment entrepris sa direction, manquement injustifiable –, le plus important est dans l’interrogation prospective corollaire : partir pour où, partir pour quoi, si du moins, comme c’est mon cas et celui de tant d’autres, on quitte le PCF non parce qu’on ne se sent plus communiste mais au contraire parce qu’on constate qu’à y rester on ne peut pas l’être pleinement et inventivement comme l’exige de façon criante l’état présent des choses et du monde.

Nombre de mes correspondants me demandent à bon droit : tu proposes quoi ? A cette demande, on est bien entendu enclin à répondre que nul individu n’est tant soit peu en mesure d’élaborer isolément toute une politique pertinente, sauf niaise prétention qui d’avance disqualifierait son propos. Mais la plus légitime des modesties se convertirait en la plus coupable des irresponsabilités si elle conduisait à se dérober devant cette requête irrécusable : puisque tu te juges capable de statuer que le PCF n’est plus sauvable comme tel, consens à nous dire, pour ce que ça peut valoir, comment quant à toi tu te représentes ce que devrait être et faire une force communiste organisée efficace dans le présent et potentiellement riche d’avenir. J’accepte le défi. Plein d’interrogations sur ce que je vais avancer, mais en toute conviction du moins quant à son sens général, j’entreprends ici de dire pour où je pars et où je compte me retrouver demain avec ceux et celles qui pour de bon sont communistes.

* * *

1. Pour se donner quelque chance de faire vivre un « communisme du XXIe siècle », il y a un préalable impératif : tâcher de comprendre pourquoi celui du XXe siècle est entré à peu près partout en agonie. Or dès ce premier point le cas du PCF s’avère dramatique : il a cessé de s’interroger sur son histoire. A la question élémentaire : comment expliquer que le parti soit tombé à 1,93% lors de la présidentielle de 2007 ?, la direction n’a jamais apporté l’explication approfondie qu’exige pareille déroute. Si je ne sais pas clairement ce qui me tue, quel espoir ai-je de survivre ? La première des dix thèses annoncées est donc celle-ci : dans l’ordre du travail de pensée, rien n’urge plus que de se demander avec une exigence chirurgicale pourquoi en somme cette descente aux enfers que rien n’arrête depuis trente ans – ce que confirme encore le résultat d’ensemble des récentes élections régionales sérieusement analysé – bien que les successives directions aient passé leur temps à annoncer la prochaine remontée.

Une telle recherche n’a pas à être sommaire – sont par exemple à considérer des faits partiels de sens contraire : adhésions de jeunes, audience électorale en hausse dans telle ville ou région, utiles travaux d’intellectuel-le-s – mais elle se doit de bannir toute complaisance quant à l’essentiel, regardant froidement comme ils sont les rapports du parti à la réalité sociale en même temps que son étiage électoral, son état d’organisation, sa crédibilité politique, son audience culturelle, son image globale. Je considère pour ma part que tous ces clignotants sont au rouge, ce qui traduit une fondamentale crise historique à laquelle je vois trois composantes : carence stratégique, paralysie organisationnelle, allergie au pluralisme – et comme souvent, trois sont quatre : en fin de compte, sous ces trois drames mortifères, un facteur commun – sous-activité intellectuelle.

 

2. Je dis en premier, parce que c’est à tous égards déterminant : carence stratégique, en entendant par stratégie non pas le seul chemin mais aussi le but, donc l’ensemble de la visée.

En 1976, à son 22e Congrès, le PCF décidait d’« abandonner la dictature du prolétariat » comme voie d’accès au « socialisme pour la France ». Décision double sous son allure simple : d’une part était ainsi confirmé, sans débat, que l’objectif du parti était « le socialisme », censé conduire au communisme – transition à laquelle la longue histoire de l’URSS ou de tout autre pays socialiste n’a pas même apporté un début de vérification historique, ce qui devrait troubler tout marxiste –, et d’autre part, novation majeure quoique tardive, était rejetée la voie de la conquête révolutionnaire-violente du pouvoir : le passage au socialisme, insistait-on, ne peut se faire sans grandes luttes, mais chaque avancée devra être démocratiquement acquise par un vote majoritaire. Les luttes sociales qu’on avait en vue devaient construire offensivement les bases de ce qu’on mettait sous le mot socialisme – en tout premier : des nationalisations industrielles et bancaires étendues –, mais pareille perspective n’a jamais atteint à l’hégémonie culturelle nécessaire (la crise mortelle des pays socialistes aurait dû obliger à une profonde interrogation critique sur l’idée même de « socialisme pour la France », interrogation qui elle non plus n’a pas été poussée).

C’est le néolibéralisme qui a conquis les esprits, y compris au Parti socialiste, de sorte que dans un rapport des forces extrêmement dégradé il n’est plus resté au PCF en fait de stratégie réelle que l’animation de luttes défensives (contre le démantèlement de la Sécu, le traité de Maastricht, le CPE…), luttes indispensables mais d’évidence insuffisantes, et les batailles électorales (au Conseil national du 16 avril encore, le rapport sur les « pistes de travail » recense tout à fait dans cet esprit « deux défis » : 1. « Faire grandir les résistances » ; 2. « 2012 »). Dès les années quatre-vingt toute la vie du parti, du quotidien des cellules à la solennité des congrès, se met à tourner autour du calendrier électoral. La stratégie manifeste du PCF est depuis plus d’un quart de siècle à massive dominante électorale, et cela alors que les terribles expériences des milieux populaires et de la jeunesse leur ont de plus en plus rendu évident que, les choses étant ce qu’elles sont, rien de sérieux ne change ni ne pourra changer ainsi.

Avec sa politique effective le PCF, perçu comme formation électoraliste parmi d’autres mais sans chance d’arriver au pouvoir, ne peut donc plus faire la preuve populaire qu’il ouvre un avenir crédible. Il peut encore, si on s’y prend bien, se montrer utile à l’échelle locale, voire régionale ; la très nécessaire campagne nationale qui s’engage contre la mise à mal des retraites pourra peut-être éviter une nouvelle baisse de son faible score aux prochaines élections législatives ; mais qui croit encore qu’avec lui va « changer le monde » ? Là s’enracine l’implacable décadence historique du parti : elle tient à mon sens à une fondamentale carence de pensée innovante en matière de stratégie. Dans sa double teneur : le but (« le socialisme ») et le chemin (l’enlisement électoral).

 

3. Je dis ensuite paralysie organisationnelle, qui n’est au fond que le corollaire de ce qui précède, mais corollaire en lui-même mortel, car il rend impossible le vitalement nécessaire renouveau stratégique. Il est aujourd’hui de mode au PCF de récuser toute mise en cause de la « forme-parti » comme si elle signifiait niaisement refus d’organisation ; on se dispense ainsi de réfléchir autant qu’elle l’exige à cette question cruciale. L’actuel mode d’organisation et de vie du parti est l’héritier très affadi mais bien reconnaissable du modèle conçu par Lénine et révisé par la IIIe Internationale. Modèle des plus robuste qui assurait la cohérence entre visée stratégique et pratique organisationnelle en des pays encore peu avancés dans la voie capitaliste.

Le but étant la conquête révolutionnaire-violente du pouvoir pour engager par en haut la construction du socialisme, le parti devait être l’instrument de la guerre de classe, un état-major indiscuté y dirigeant des militants disciplinés. L’essence de ce type d’organisation est sa structure verticale (il y a un sommet qui dirige et une base qui exécute), qui passe pour exigée aussi bien par les sévères réalités de la lutte que par la rareté des hautes capacités politiques, quoi qu’en dise le démagogue basiste.

Lénine avait compris que seule fonctionne bien une discipline fondée sur la conviction librement acquise, de sorte que dans le parti qui fit la révolution d’Octobre 17 s’entretissaient vraie démocratie de congrès et autorité admise de la direction. Avec les terribles contraintes de la guerre civile puis le cynisme fruste de Staline, n’est resté en fait que le diktat du sommet. Dans des pays de tout autre développement comme le nôtre, où s’imposaient d’autres rapports, on a introduit maints éléments de démocratie dans le système, on s’est même flatté au 28e Congrès en 1994 d’en finir avec le centralisme, mais la structure fondamentale n’a en rien changé : il y a toujours un sommet qui dirige et une base qui exécute (avec de plus en plus de problèmes…). Et elle ne peut pas changer pour de vrai, car ce mode d’organisation répond seul à la sorte de stratégie mise en oeuvre, dont rien n’annonce le dépassement : si, acceptant de s’inscrire pour l’essentiel dans les normes de la politique institutionnelle, c’est-à-dire de la domination bourgeoise, on centre de fait toute l’activité du parti sur les élections nationales, on a alors réellement besoin d’une organisation verticale avec un sommet qui dirige (c’est-à-dire décide du plan de bataille, arrête le programme, choisit les candidats marquants, négocie avec les partenaires, oriente la propagande, etc.), et les « formes démocratiques » qu’on prétend y mettre (par exemple la triste comédie du « débat démocratique » sur un choix déjà mis en oeuvre de longue date par la direction) deviennent des insultes à l’intelligence militante. Ainsi les communistes sont-ils prisonniers d’un système organisé au rebours même du communisme, et contreproductif par construction en tant qu’instrument supposé d’émancipation.

Stratégie et organisation sont pour l’essentiel une seule et même chose considérée sous deux angles : dès lors qu’il y a carence stratégique, il y a paralysie organisationnelle, et réciproquement.

Le parti meurt ainsi deux fois.

 

4. Je dis encore allergie au pluralisme, qui hélas marque aussi bien la politique unitaire du parti que l’attitude de la direction envers qui la conteste. L’ouverture vraie au pluralisme a bien sûr une condition : la confiance en soi que nourrit le succès de l’action étayé sur la vitalité de pensée, de sorte qu’accepter d’apprendre des autres ne fait pas redouter de se perdre soimême. Pour ce qui est de la vitalité de pensée, on y viendra au point suivant.

Quant au succès de l’action, les dernières décennies ont vu l’audience nationale du parti baisser à un tel point – se rappelle-t-on que Jacques Duclos avait obtenu plus de 21% des voix au premier tour de l’élection présidentielle en 1969 ? – que toute la nécessaire politique d’union est marquée par la peur paralysante d’y disparaître. Avoir perdu dans les années 70-80 la compétition avec François Mitterrand et le Parti socialiste a ancré chez les dirigeants communistes la hantise du partenaire qu’on aide à grandir et qui vous marginalise, comme s’il y avait le moindre espoir de remontée dans la crispation sectaire – le 1,93% de 2007, catastrophe politique prévue que rien pourtant n’a pu prévenir, en est la preuve définitive.

Nécessité absolue faisant loi, l’actuel Front de gauche va bien sûr en meilleur sens, mais l’histoire vraie des élections régionales, dont les communistes contestataires ont eu une fois de plus la très directe expérience, montre que rien n’a disparu des mauvais réflexes. Quant à l’attitude envers qui ne pense pas comme la direction, alors même qu’on allait répétant « la diversité est une richesse », vingt-cinq ans d’expérience refondatrice m’autorisent à dire, évitons tout mot violent, qu’elle n’a guère cessé d’être consternante. Lorsqu’on a des doutes fondés sur les choix et pratiques de la direction et des contre-propositions dérangeantes à faire valoir, on est rarement écouté, jamais entendu, mais de maintes manières – chose que je n’avais pas perçue avant d’en être venu là – combattu comme un ennemi de l’intérieur. Si ce qui précède semble excessif, qu’on ait le courage d’organiser l’audition de quelques-un-e-s parmi des dizaines de milliers qui s’en sont allé-e-s, y compris tout récemment.

Un tel système se rend lui-même sourd et aveugle ; quelle chance a-t-il alors de perdurer ? On ne manquera pas de faire valoir que, devant notre départ annoncé, on a des mots aimables pour nous dire de rester. J’en prends d’autant mieux acte que ce départ ne se fait pas contre des camarades mais contre le système dont je considère qu’eux-mêmes sont en un sens victimes. Mais tout de même, mesure-t-on quelle crédulité on attend de ceux à qui on dit : ne partez pas, nous sommes sur le point de changer vraiment ? C’est ce qu’on me disait déjà lorsque j’ai quitté le Comité central au 28e Congrès, il y a seize ans : tout allait changer vraiment dans la vie du parti, on « abandonnait le centralisme démocratique »…

Pour être aujourd’hui crédible en la matière, à tout le moins faudrait-il avoir largement engagé la critique de ce qui est et la prospective de ce qui doit être ; or on ne voit ni vraie amorce d’autocritique ni vraie ébauche de théorisation, au sens exigeant du mot. Au contraire : le congrès d’étape de mi-juin devant « renouveler la direction », il est bien clair que la question cardinale recouverte par l’idée même de direction ne sera pas posée. Rien de décisif par conséquent ne pourra changer.

 

5. J’ai dit enfin qu’à mes yeux le facteur commun à ces trois drames mortels est la sousactivité intellectuelle du parti. Il s’agit là de bien autre chose qu’une prétentieuse querelle d’intello à la direction ; c’est la capitale question du travail de connaissance et de pensée qu’exige des communistes la réflexion sur les drames inépuisés du siècle dernier, les menaces sans pareilles qui s’annoncent en celui-ci, et en même temps les possibles de tous ordres qui s’esquissent pour un dépassement du capitalisme. Or, sans vouloir noircir, peut-on ne pas constater le profond reflux de ce travail de pensée sous ses multiples formes au fil des ans ?

Un exemple seulement, mais central : la question stratégique décisive des rapports entre socialisme et communisme. Il a fallu les plus grands efforts depuis plus de vingt ans pour que les communistes se réhabituent à l’idée de communisme totalement occultée sous celle de socialisme, qu’elle cesse d’être renvoyée à « l’idéal », autrement dit à ce qui n’arrivera jamais, pour reprendre son statut de visée historique concrète, que soient évoquées les raisons profondes pour lesquelles Marx était non pas socialiste mais communiste, que commence à apparaître ce qui dans l’idée de socialisme donne à comprendre que sous ses deux formes – social-autocrate et social-démocrate – il ait été disqualifié par l’histoire du siècle dernier, et comment s’impose d’élaborer aujourd’hui une visée proprement communiste de dépassement du capitalisme – acquis à mon sens capitaux, néanmoins contestés encore par certains et appelant d’autant plus entre communistes débats, recherches, appropriation critique.

Et voici que le Mouvement des jeunes communistes adopte un texte d’orientation (l’Humanité du 19 avril) qui fixe pour objectif la construction d’un « socialisme du XXIe siècle » comme « phase transitoire » vers « une société d’émancipation individuelle et collective » (ce que ne serait donc pas le « socialisme » ?) qu’on évite de nommer communisme… Gravement coupables sont ceux qui ont mis dans la tête des jeunes communistes d’aujourd’hui cette idée historiquement indéfendable (jamais nulle part « le socialisme » n’a été ni d’ailleurs ne pouvait être une transition au communisme, pour des raisons flagrantes que je n’ai pas la place de réexposer ici) et stratégiquement nocive (l’urgence est d’avancer vers l’appropriation des avoirs, savoirs et pouvoirs par les travailleurs et citoyens eux-mêmes, surtout pas vers quelque confiscation étatique baptisée socialiste).

Ainsi non seulement le travail de pensée sur une question de cette importance n’a pas avancé mais il régresse. Ne doit-on pas hélas généraliser ? Je n’ignore certes pas que le parti n’a plus le vaste ensemble de moyens – centres de recherche, revues, éditions… – dont il disposait dans les années 70. Mais peut-on imputer au manque de moyens la disparition des sessions thématiques de bon niveau que tenait le CC, l’abandon en tant de domaines du travail théorique et historique, l’absence désastreuse dans la plupart des grands débats d’idées ? Le décalage devient spectaculaire entre le foisonnement actuel du travail sur et avec Marx et la minceur théorique des débats du Conseil national, à en juger par les comptes rendus qu’en publie Communistes – cette lecture pour moi très déprimante n’est pas pour peu dans ma décision de départ. Au niveau de sous-activité intellectuelle où m’apparaît globalement le PCF, je ne vois pas comment il pourrait mieux résoudre ses criants problèmes stratégiques, organisationnels et unitaires.

 

6. Me voici au pied du mur : alors selon moi que faire maintenant ? La réponse n’est-elle pas largement dessinée en creux dans ce qui précède ? Le Parti communiste meurt d’être bien trop peu communiste. Et si on essayait enfin de faire au quotidien de la politique communiste au fort sens marxien du mot ? Ce qui veut dire concrètement quoi ? Prendre au sérieux la thèse stratégique fondamentale de Marx : « L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. » Thèse trop avant-gardiste peut-être en l’état où était au XIXe siècle, même dans les pays les plus avancés, le développement des forces productives et de la culture populaire, ce qui a conduit à la révolution par en haut et au parti vertical du feu « socialisme scientifique », dont la défaite historique est consommée ; mais thèse bien davantage de plainpied avec l’état présent des choses et des personnes, sans vouloir l’enjoliver.

Car en même temps que fait rage le pire capitalisme, son dépassement a déjà de longue date commencé dans des foules d’initiatives de pertinence et efficacité variables où le plus souvent hélas le PCF n’est pour rien (des militants s’y investissent individuellement, mais que fait le parti pour les épauler ?), de l’essor de l’économie sociale à la critique des médias, de la bioéthique au commerce équitable, des solidarités courtes à la revalorisation de l’« idée » communiste, et cent autres choses. En un tout autre sens que Lénine nous aussi pouvons dire en effet : la crise est mûre. Dans tous les domaines se multiplient les choses qui ne peuvent plus durer, et partout des forces modestes tentent de s’y attaquer : mêlons-nous-en ! Et ajoutons-y notre propre liste des choses qui ne peuvent plus durer, du management toyotiste d’entreprise au grossissement de ce qu’une juriste réputée appelle « l’Etat de police ». Mais pas à la vieille façon d’un parti qui pense par-dessus tout aux élections prochaines, croit traiter les problèmes par des campagnes de sommet dont l’une chasse l’autre et s’imagine être sur le terrain en distribuant des tracts à la Défense.

A la façon neuve de militants politiques du changement social qui s’accrochent avec acharnement à tel ou tel chantier de transformation bien choisi – concrètement utile pour des personnes et fondamentalement subversif pour le capital –, ne le lâchent plus, y investissent le meilleur de leur culture marxienne tout en apprenant des autres, y font leurs classes, marquent des points, essuient des revers, commencent à enraciner une image neuve du communisme en acte – ici est à bien entendre la leçon des élus de terrain qui réussissent.

Il s’agit en somme d’opérer un fondamental déplacement du centre de gravité de l’action communiste, en substituant carrément au primat de la politique institutionnelle celui de ce que j’appellerai la politique sociale – l’engagement au comptant de l’appropriation sociale par les salariés et citoyens associés, et ce n’est rien d’autre que cela, le communisme : hommes et femmes ressaisissant ensemble les puissances sociales, matérielles et spirituelles, qu’ils créent en vérité eux-mêmes mais que la société de classe métamorphose en forces aveugles qui les subjuguent et les écrasent – en termes savants, ça s’appelle l’aliénation.

Faire de la politique communiste au quotidien, donc. Le contraire même de la voie de la facilité : retour direct à la lutte de classes tous terrains, face à un adversaire dont la puissance multiforme est écrasante – mais qui en même temps offre des fragilités saisissantes. Le contraire même de la solution de confort : remise en cause radicale de toute la façon dominante, au PCF comme ailleurs, de faire de la politique – mais à un moment où la grande majorité des communistes, y compris, je suis prêt à le parier, parmi ceux qui restent au parti, sentent intensément qu’il va dans le mur.

Ce sera malaisé – qui peut croire aujourd’hui en une issue aisée ? –, mais exaltant : a-t-on assez discouru sur le « communisme du XXIe siècle à inventer » ? Eh bien nous y sommes : montrons si nous sommes à nouveau capables de cette vraie invention stratégique et culturelle qui fit jadis le Front populaire, formule qu’on reprend hors de contexte aujourd’hui plutôt que de concevoir celle qui répondra à nos données et visées présentes.

 

7. A peine a-t-on cependant esquissé cette nouvelle perspective qu’affluent les interrogations légitimes – une réflexion stratégique se met en marche. Pour faire court, n’en mentionnons que trois. Comment s’imaginer qu’on va s’approprier socialement quoi que ce soit qui compte quand le capital a tout en mains ? N’est-ce pas utopie de croire qu’on fera bouger tant soit peu le système global par le simple combat local ? Et déplacer le centre de gravité à la base, n’est-ce pas en fait déserter le combat au sommet, y compris l’élection présidentielle, et l’adversaire peut-il rien souhaiter de mieux ?

On ne va pas au fond de grandes questions stratégiques en quelques lignes et à soi tout seul. Mais là non plus je ne me déroberai pas. Comment engager des appropriations sociales dans un monde dominé par la propriété privée ? Objection-type du nostalgique de la révolution par en haut : rien ne changera tant qu’on n’aura pas d’abord conquis le pouvoir… C’est justement son long enfermement dans cette vue stratégique que le PCF paie d’un prix exorbitant. La réponse a été donnée par tous ces mouvements qui n’ont pas attendu la révolution pour révolutionner les choses (certes, pas tout à fait à la manière marxiste, mais à qui la faute ?), du féminisme à l’écologie. Le cas des Verts ne doit-il pas nous faire beaucoup réfléchir ?

Quelle chance semblait-il y avoir il y a seulement vingt ans de convaincre à l’échelle mondiale qu’à vivre comme nous vivons la planète Terre court à sa perte, et nous avec ? Ils se sont accrochés avec une constance exemplaire au terrain – le terrain, ce n’est pas qu’en bas, quoique « en bas » soit indispensable, c’est en même temps « en haut », dans les grands choix de politique économique ou les grands débats d’idées –, et ils ont réussi l’improbable, non sans lourde équivoque, certes, ce qui leur a bien facilité les choses, mais en donnant quand même à tous une forte leçon d’ambition stratégique. Je dis qu’il nous faut former et pratiquer une ambition de cette sorte autour du dépassement communiste du capitalisme, et qu’à moins de cela nous ne serions absolument pas à la hauteur des périls et des possibles du nouveau siècle. Je dis qu’au lieu de « campagnes nationales » décidées au sommet (en vérité sommet d’une taupinière), oubliées en peu de mois et dont jamais n’est même fait le bilan critique, il faut que toute la vie de la formation communiste soit en permanence structurée par les batailles appropriatives de long souffle menées sur des foules de terrains divers par des collectifs locaux durables et formant peu à peu maillage général.

Mais comment faire bouger l’énorme global par un combat modestement local ?

Présentation fallacieuse des choses. Passer du primat de la politique institutionnelle à celui de la « politique sociale » n’est en rien faire vœu de s’enfermer dans le basisme. Bien entendu il faut parvenir à un tout autre rapport des forces global ouvrant la voie aux indispensables transformations par en haut – mesures juridiques, conquêtes législatives, politiques gouvernementales… Mais comment donc atteindre à pareil rapport des forces ? La consternante situation d’aujourd’hui ne montre-t-elle pas à suffisance que nous en rend incapables la stratégie présente ? Un exemple : grâce aux travaux de Paul Boccara, le parti dispose depuis bien des années d’un projet de transformation sociale dont l’inspiration communiste est de haute portée : la sécurité d’emploi et formation pour tous. Comment comprendre qu’un projet si fort n’ait toujours pas une audience plus forte ?

Une idée comme celle-là fait typiquement partie de celles dont Marx dit qu’elle deviennent des forces matérielles quand elles s’emparent des masses. Mais quelle campagne de sommet, forcément bien confidentielle en l’état actuel de l’audience du parti, pourrait faire qu’elle s’empare des masses ? Supposons au contraire que des organisations communistes de terrain se soient depuis des années consacrées entièrement avec esprit de suite à mettre pareil projet en partage avec les salariés de telle entreprise et tel service, avec à la clef nombre d’initiatives concrètes, voire de premiers succès partiels : je mets en fait que la proposition, portée par eux, serait aujourd’hui une force difficilement contournable sur le plan national. Or il y a par vingtaines des objectifs de transformation sociale profonde qu’il importe au premier chef de traiter ainsi avec esprit de suite et ambition croissante, de la conquête du droit d’intervention des salariés dans la gestion au révolutionnement du scandaleux contenu des informations télévisées, en passant par tous les domaines de la vie sociale, relationnelle, intellectuelle.

Je pense que ce qui précède esquisse aussi réponse à la troisième question. Risque de négliger les grands batailles électorales ? N’est-ce pas bien plutôt à trop vouloir ne pas les manquer qu’on les a manquées depuis tant d’années ? Commençons à rendre éclatante, sur le terrain et au jour le jour, l’utilité nationale spécifique d’une organisation communiste digne de ce nom, je garantis que même l’élection présidentielle – tant que nous n’aurons pas pu faire changer la Constitution – cessera d’être pour elle un épouvantail.

 

8. D’évidence, pareille mutation de stratégie n’est concevable qu’accolée à un changement fondamental du mode d’organisation. C’est le deuxième volet capital de la révolution du communisme qu’il est archi-urgent d’engager. Et pour commencer sur ce sujet, tordons-le cou à une objection éculée : mettre en cause dans son principe la forme de l’actuel parti communiste dans le sens où on le fait ici est le contraire même d’un projet liquidateur ; peut-on même faire observer que ce qui est en train de liquider sous nos yeux l’organisation communiste est justement cette forme-là ? Ce qui est à l’ordre du jour, c’est précisément une vigoureuse relance de l’invention organisatrice.

Déplacer résolument le centre de gravité de l’activité communiste sur les terrains de la transformation sociale exige en tout premier une forme correspondante d’organisation de terrain. Dans le système hérité de la IIIe Internationale, l’organisation de base – appellation caractéristique d’un parti vertical – est la cellule. Sa force est d’être locale (tel quartier, telle entreprise) : elle assure, si du moins elle est vivante, un enracinement populaire à l’action communiste ; sa faiblesse rédhibitoire est d’être généraliste : ayant à porter toute la politique du parti, elle ne peut sauf cas d’espèce atteindre à la haute expérience et compétence sur rien.

Ce qui n’est aucunement fortuit : elle a été conçue non pas du tout pour élaborer mais pour appliquer la ligne conçue et décidée en haut. La cellule est ce qui rive le PCF à une politique de sommet, jadis tournée vers la révolution par en haut, aujourd’hui vers l’obsession des élections nationales, image même de ce qui ne fonctionne plus et dont la plupart ne veulent plus. Avec une structure de base vouée par construction à l’application indifférenciée de politiques conçues et décidées loin au-dessus d’elle, comment espérer avoir de façon suivie des batailles concrètement efficaces, déployer partout une initiative militante de haut niveau, rendre à nouveau la politique excitante pour les jeunes, former en nombre des personnalités communistes rayonnantes ?

La nouvelle stratégie ici esquissée exige tout autre chose : la formation tous azimuts de collectifs thématiques d’initiative, enracinés dans un territoire géographique ou sociologique à l’échelle d’une section, constitués par choix militant volontaire, se consacrant dans la durée à une bataille transformatrice à la fois importante et précise, et entièrement maîtres de leur activité – orientation, contenus, études, objectifs, modalités. Le ruineux clivage entre base et sommet est ici dépassé : les collectifs thématiques d’initiative sont à la fois base et sommet, ils exécutent ce qu’ils élaborent et décident eux8 mêmes, tirent leçon de leurs succès et échecs et deviennent plus performants en apprenant. A la verticalité du parti à l’ancienne se substitue l’horizontalité d’une formation politique de transformation sociale de nouveau type.

De quoi pareils collectifs ont-ils en effet l’évident besoin ? Non pas de directions prétendant leur dire abstraitement d’en haut quoi et comment faire, mais d’aides efficaces et qualifiées. Ces aides, ils les cherchent en premier dans la communication horizontale avec les collectifs communistes homologues qui à travers le pays (demain peut-être par-delà les frontières…) mènent bataille transformatrice sur le même objectif : échange d’informations et d’expériences, croisement des interrogations, mise en commun de ressources intellectuelles, élaboration d’initiatives communes à l’échelle régionale et nationale… De vrais réseaux thématiques émergent, interviennent avec l’autorité acquise dans les affrontements d’idées et débats institutionnels, donnent corps à l’ambition de dépassement communiste du capitalisme.

Se développant, ces échanges réclament eux-mêmes une organisation supérieure, laquelle ne renvoie aucunement à une verticalité (la prise d’initiative responsable par tous rendra patent ce qu’a d’archaïque l’idée de direction) mais à une centralité, lieu d’incessante activité centralisante-décentralisante. On aura ainsi des conseils thématiques centraux, forme révolutionnée des anciennes sections de travail du PCF, et un conseil national élu en congrès permettant de former la nécessaire vue critique d’ensemble – à l’exclusion catégorique de tout exécutif, dont le retour porterait contradiction frontale à tout l’esprit de cette formation inédite. Dans mon imaginaire personnel, cette nouvelle organisation politique de transformation sociale, esquissée il y a des années, s’appelle Initiative communiste…

 

9. Ici aussi, bien entendu, surgissent d’emblée avec véhémence maintes questions en forme d’objections, auxquelles il va de soi que les seules réponses probantes seront celles de l’expérimentation collective. Mais ce n’est pas perdre son temps que commencer à les explorer en pensée. Je me borne ici à trois questions criantes : comment croire, sauf total utopisme, que puisse tant soit peu fonctionner et a fortiori réussir dans la société telle qu’elle est une formation politique sans direction ? Très concrètement par exemple, comment y régler les divergences de vue qui naissent sans cesse de la complexité des problèmes et de la diversité des avis ? Plus encore, comment ne pas voir la structurelle incapacité de pareil système hypothétique à affronter les exigences de la politique nationale comme telle, alors qu’on affirme ne vouloir négliger en rien des tâches comme celles de l’élection présidentielle, du travail parlementaire ou des relations avec les partenaires en France et dans le monde ?

Si vraiment des communistes peuvent juger impensable une formation politique opératoire sans direction, cela donne une idée crue de ce qu’on a appelé plus haut sous-activité intellectuelle. Oui ou non, est-on d’accord avec la thèse de Marx : « L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes » ? Le fait est que dans toute sa pratique le mouvement historique qui s’est intitulé communiste n’en a pas cru Marx : il a pris à tâche de réaliser lui-même l’émancipation des travailleurs. C’est très exactement cela qui a fait une fracassante faillite à la fin du siècle dernier ; et c’est cela même qui fait le fond de l’essentielle différence entre socialisme et communisme. Ne comprend-on pas qu’il est décisif d’en tirer l’entière leçon ?

Qu’un parti qui se veut celui de l’émancipation générale soit lui-même construit sur le refus de l’émancipation militante – la vie militante aurait besoin d’être dirigée d’en haut – fait partie de ces aberrations avec lesquelles on ne peut plus pactiser une fois qu’on en a vraiment pris conscience. Ne faut-il pas voir enfin en face à quel point de profondeur la culture de direction communiste est hantée à son corps défendant par de vieux stéréotypes de classe, et cela alors même qu’en principe le parti se prononce pour la prise en main de la gestion économico-sociale par les travailleurs ? Son mode même d’organisation montre à tous qu’il n’y croit pas vraiment. N’y croyant pas vraiment, il ne travaille pas la question. Or ce travail fait apparaître que la panique à l’idée d’une formation politique sans direction repose sur une foncière confusion : ce dont a réellement besoin un combat transformateur efficace, ce n’est pas la verticalité de pouvoir mais la centralité de délibération – une centralité toute horizontale qui ne dirige pas mais coordonne, permettant la mise en cohérence sans engendrer la dépendance. Là seulement, à mon sens, peut commencer une réflexion organisationnelle de vraie teneur communiste. Et un congrès qui « renouvelle la direction », c’est-à-dire la perpétue, ne peut de ce fait même être un congrès de vrai renouvellement.

Soyons plus concret : sans sommet qui dirige, et à l’occasion tranche, comment surmonter par exemple les sans cesse renaissantes divergences de vue tant pratiques que théoriques ?

D’une double façon. D’abord par une activité centralisante-décentralisante vivante, au cœur de laquelle s’effectue un travail de pensée intense en prise directe sur l’expérience transformatrice : ce qui tient bien trop souvent lieu de débat communiste jusqu’ici (qu’on relise les comptes rendus de discussion du Conseil national) est pour l’essentiel l’affrontement statique de points de vue individuels, alors qu’il y faudrait la dynamique d’une recherche commune sanctionnée par la pratique. Les centres d’Initiative communiste tels que je les imagine – centres thématiques, conseil national – fonctionneront non au pouvoir mais à la conviction et, pour conclure provisoirement, quand il le faut, au départage majoritaire. Reste alors le problème du point de vue minoritaire persistant. La nouveauté majeure d’une formation sans direction est en ce domaine qu’elle lui reconnaît le droit à expérimentation dans son sens : vous êtes majoritaires, mais je persiste à penser que vous êtes dans l’erreur, permettez que j’en fasse la preuve pratique, ou que je me convainque moi-même d’avoir tort.

C’est très directement de cela que n’ont jamais pu bénéficier les refondateurs communistes, et qui a nourri leur conviction que faire du communisme nouveau n’était décidément possible qu’hors du parti.

Mais va-t-on prétendre qu’une organisation de cette sorte permettrait de traiter valablement les grands problèmes nationaux de la politique institutionnelle ? La réponse est claire : non. Il y faut manifestement une forme d’organisation partageant certains traits majeurs avec l’actuelle forme de tous les partis politiques, PCF inclus, et pour une raison de fond : la bataille qui se mène dans le système même du pouvoir politique institué importe inévitablement en elle-même des traits de ce pouvoir – exemple élémentaire : pour marquer des points au premier tour de l’élection présidentielle il faut, que cela plaise ou non, produire un candidat, homme ou femme, qui soit une personnalité médiatique…

On touche ici au drame qui s’est noué dans l’histoire du PCF à partir de 1976 : dès lors que, renonçant avec raison à l’ancienne voie révolutionnaire, parfaitement chimérique dans un pays et un temps comme les nôtres, il s’est de fait rabattu pour l’essentiel sur les batailles électorales, toutes les velléités de sortir du vieux moule organisationnel, forme verticale où un sommet dirige et une base exécute, étaient condamnées par là-même au voeu pieux (je n’ai jamais oublié ce cri du cœur de Georges Marchais, Secrétaire général du parti, alors que je proposais cette simple transformation démocratique : que le Comité central discute et décide lui-même de l’organigramme de son travail que lui assignait par-dessus sa tête la direction : « Je veux tout ce qu’on veut, excepté qu’on empêche le Bureau politique de travailler »…)

Dans le schéma ici esquissé, le conseil national met en place un vaste secteur de travail rassemblant ceux et celles qui militent dans les divers domaines de la politique institutionnelle, à commencer par les élu-e-s de tout niveau, secteur qui organise lui-même son activité et ses initiatives en toute responsabilité, sous deux réserves majeures : l’orientation politique qu’elle traduit à sa façon dans ses initiatives et ses votations est celle même que définissent en continu les centres thématiques et le conseil national, non sans dialogue poussé avec les élu-e-s mêmes ; c’est au conseil national que revient la ratification des candidatures, leur choix dans les cas les plus importants. Ainsi y a-t-il là un certain rapport de pouvoir : dérogation inévitable au principe général, imposée par les règles dominantes du combat politique (qu’il faut aussi travailler à faire bouger du dedans) ; mais dérogation circonscrite dont tout le sens est de faire vivre en permanence le primat stratégique de la « politique sociale » sur l’institutionnelle et la constante maîtrise des collectifs militants de terrain sur l’activité générale de leur formation.

Cette double révolution – stratégique et organisationnelle – de la force communiste, de profond effet sur la richesse de son travail de pensée et l’authenticité de son ouverture au pluralisme, pourrait être cet élément déclenchant que chacun attend avec angoisse et espoir, dans une situation politique tournant au cauchemar où pourtant on sent qu’il en faudrait peu, à condition que ce peu soit dans le mille, pour « mettre le feu à toute la plaine ». L’enjeu n’est pas seulement – ce qui pourtant serait déjà beaucoup – de rendre à nouveau largement crédible une composante authentiquement communiste de la politique française. De façon plus vaste, il s’agit de réussir ce à quoi ont notoirement échoué jusqu’ici, en même temps que le PCF, toutes les forces politiques contestataires des rapports dominants, Verts aussi bien que trotskistes – et Refondation communiste non moins qu’ATTAC : l’invention de la forme d’organisation et de vie capable de rendre le désir de politique aux forces populaires et à la jeunesse en conjurant enfin le sempiternel retour à la cuisine de sommet (qui menacera beaucoup moins s’il n’y a plus de sommet…) – échec organisationnel qui de façon extrêmement significative a dans ces quatre cas beaucoup à voir avec la verticalité de pouvoir impliquée par la prégnance du souci électoral. Imaginons un peu au contraire cette chose très inédite : une force communiste de culture et de facture intensément nouvelles ouvrant la voie à une façon de militer libératrice où se préfigure un nouvel ordre social d’appropriation collective et de dépassement des pouvoirs aliénants… A l’approche du centenaire d’Octobre 1917, une vraie bifurcation historique en gestation.

 

10. Sans vouloir en dire plus qu’il n’est raisonnable dans un texte de cette nature, reste encore cependant à revenir de manière au moins indicative sur les questions majeures du pluralisme et de l’unité, dans leur double dimension : comment avancer vers de possibles retrouvailles de tous les communistes dans une même formation, et vers la plus étroite coopération possible de cette formation avec les courants multiples de la gauche anticapitaliste ?

Sur le premier point, il faut regarder les choses en face : quelque sympathique et même neuf que se veuille l’appel à ne pas s’en aller, les partants du PCF ne reviendront pas, ayant tous conscience d’avoir longuement fait une expérience définitive. Il n’y a là ni froideur – se résoudre à quitter son parti après des dizaines d’années souvent est une dure épreuve personnelle – ni arrogance – il ne s’agit pas de se prendre individuellement pour meilleur qu’un autre. Est en cause un constat politique irrécusable : le PCF dit vouloir évoluer en profondeur, mais sans renoncer à ce qu’on tient ici pour caractéristique de sa conception stratégique et organisationnelle ; celles et ceux qui voient là justement ce qui lui interdit toute transformation réelle ne peuvent dès lors que prendre acte d’une divergence de vues irréductible et en tirer la conséquence. Une seule chose semble de nature à remettre éventuellement en cause une séparation de corps dont aucun communiste ne peut se satisfaire : la leçon de l’expérience à venir.

Supposons qu’en fonction de l’expérience les divergences aujourd’hui irréductibles cessent de l’être : la question d’une « maison commune » de tous les communistes deviendrait d’actualité. Mais elle le deviendrait dans un contexte qu’il importe de bien voir : un très grand nombre de communistes sont aujourd’hui des sans-parti, et ils ne renonceront à ce statut que pour adhérer à une organisation nouvelle présentant des garanties convaincantes à leurs yeux de ne pas rééditer les errements par lesquels ils ont été contraints de quitter le PCF. Ce qui signifie que la seule modalité envisageable de constitution d’une nouvelle « maison commune » de tous les communistes est celle d’Assises constituantes préparées selon le principe d’une complète horizontalité. On peut concevoir par exemple que soit mûrement élaboré de façon pluraliste un projet de charte servant de fil directeur aux échanges préparatoires et débats d’assises d’où sortira une nouvelle formation communiste.

Un tel processus serait grandement favorisé par la participation commune de communistes avec et sans carte à des initiatives transformatrices de terrain, les uns et les autres envisageant semblablement par hypothèse leurs objectifs et leurs modalités. Dans cette souhaitable perspective importe le climat général des rapports entre PCF et communistes sans parti, ce qui implique tout autant la franchise précise dans l’approche des divergences que la fraternité maintenue dans des coopérations militantes.

L’action commune de terrain est aussi à mon sens la clef de toute perspective unitaire au plus vaste sens du terme. Tout a déjà été dit sur le drame qu’est pour la gauche anticapitaliste son morcellement jusqu’ici incoercible, qui lui interdit de peser notablement sur le rapport des forces politiques. Sous sa forme électorale, cette évidence est pour beaucoup dans la positive formation du Front de Gauche. Mais c’est aussi son étroite limite : comment conférer une vraie crédibilité sociale et par là une vraie dynamique politique à un simple front électoral, quand s’étend dans les milieux populaires et la jeunesse non point tant une dépolitisation qu’un désintérêt majeur pour les formes institutionnelles de la politique tenues pour incapables de répondre aux urgentes exigences de changement ? Il devient donc nécessaire d’explorer les conditions et voies de passage du cartel électoral à une plus substantielle coopération politique, éventuellement à une association organique. Faut-il tenter d’aller jusqu’à ce dernier terme ? Nous voici de nouveau confrontés à l’essentielle exigence de concordance entre contenu stratégique et forme d’organisation. En cette question sur laquelle me semble importer la prudence expérimentale, je me limiterai ici à dire ce qui m’apparaît valoir comme principe de choix : la maison commune est indiquée entre résidents désireux d’en faire même usage, contre-indiquée dans le cas contraire. On peut concevoir une organisation politique commune à une pluralité de forces partageant la visée d’une évolution révolutionnaire dépassant le capitalisme, ce qui implique le partage d’une triple conviction :

1) que si la maîtrise historique du développement des forces productives humaines est d’importance fondamentale (thèse marxienne qui peut permettre une vraie entente avec des écologistes), de ce point de vue même est décisif le dépassement progressivement radical des rapports de production à caractère de classe (thèse marxienne en litige majeur avec toute une « pensée verte ») ;

2) que ce dépassement implique, même à laisser ouverte la question très controversée des régulations marchandes, l’indispensable dépassement de la régulation dominante par le taux de profit ;

3) et qu’il implique aussi, à laisser ouverte cette autre question vivement controversée qu’est le dépérissement de l’Etat de classe, à tout le moins le plus large passage possible dans le contexte existant de la démocratie délégataire à la démocratie participative.

Sur cette base supposée clairement acquise, apparaîtrait envisageable et dès lors potentiellement bénéfique la constitution d’une force politique fédérative où une organisation communiste serait associée à d’autres de tradition et de culture différentes.

A défaut d’entente sur une base de cet ordre, vouloir aller jusqu’à la maison commune me semblerait une erreur susceptible de conduire à de graves mécomptes : une telle formation ne pourrait en effet manquer de se cliver, voire d’éclater dans telle ou telle situation mettant à nu ses désaccords de fond, et ainsi de décevoir à la mesure des grands espoirs unitaires suscités, déception dont nul ne peut dire d’avance quelles conséquences dramatiques elle pourrait avoir. D’où à mon sens la haute importance de la connaissance mutuelle entre partenaires potentiels qui s’acquiert moins en un certain nombre de discussions de sommet autour d’une table qu’en une foule suivie d’initiatives communes sur les terrains les plus divers : montre-moi comment tu luttes, je saurai qui tu es, et jusqu’où donc il est raisonnable d’aller dans la coopération.

* * *

Les lettres et messages que m’a valus l’annonce de mon départ du PCF m’ont demandé pourquoi je pars, pourquoi maintenant, pour où et pour quoi faire ? Je pense avoir répondu sans faux-fuyant. Pourquoi je pars ? Parce que la mise en route indispensable et urgente d’un communisme pour notre temps requiert à mes yeux de façon impérative des mutations stratégiques et organisationnelles dont sa direction écarte le principe même, et que donc tenter de construire en ce sens ne peut hélas se faire qu’hors de lui. Pourquoi maintenant ?

J’aurais pu et sans doute dû partir en 2007, jugeant impardonnable la faute politique capitale qui fut alors commise, et qu’avec d’autres j’avais tenté en vain de prévenir ; les trois ans écoulés depuis lors, où s’est accentuée la mise à l’écart obstinée de la proposition refondatrice, ont achevé de me convaincre qu’y rester cautionnait ce que je ne puis admettre ; ne voulant rien faire qui soit de nature à nuire si peu que ce soit au résultat des élections régionales, je n’ai passé à l’acte qu’après elles. Et je l’ai fait publiquement avec d’autres, parce qu’il ne s’agit pas d’une fuite individuelle sans horizon mais, dans la mesure du possible, d’un nouveau départ solidaire pour un communisme authentiquement renouvelé.

Pour où je pars ? Pour un où qui n’existe pas encore, un où à construire d’une façon à inventer, même si je considère par exemple qu’une structure fort modeste telle que Communistes unitaires peut être bien utile pour engager ce qui doit l’être. Pour faire quoi ? Ce qu’à mes yeux le PCF aurait dû commencer à faire lui-même il y a bien des années, qu’il ne fait toujours pas, qu’il ne se prépare même pas vraiment à faire, ce qui scandalise le communiste que je suis depuis soixante ans. Sans que cela fasse renoncer à l’optimisme de la volonté.

30 avril 2010

 

 

 

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Rédigé par aragon 43

Publié dans #communisme

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