COMBATTRE LE FRONT
NATIONAL
Samedi 10 Février, j’ai assisté à une rencontre très intéressante concernant la pénétration des idées d’extrême
droite sur les lieux de travail.
C’était au siège du PCF.
La commission qui travaille le lien avec les entreprises avait mis cette question à son ordre du jour par une
introduction très poussée de Nicolas Marchand et une communication de Michel Simon, sociologue, communiste, avec qui j’ai milité quand j’étais membre du bureau fédéral dans le Nord et que j’ai
retrouvé à cette occasion, toujours aussi pédagogue pour faire comprendre les réalités de notre temps.
Cette intervention sur mon blog ne vise pas à faire un compte rendu, ce serait très prétentieux de ma part, vu les
apports, la richesse des intervenants et ensuite des participants qui ont chacun et chacune apporté leur pierre à la construction d’une réponse de classe à cette montée des l’extrême
droite.
Je livre donc à la volée mes propres sentiments en pleine évolution à partir de ce que j’ai cru entendre et
comprendre.
Deux contributions auxquelles je rajoute celles de l’excellent colloque de l’institut d’histoire de la CGT ;
j’en retire qu’enfin le mouvement social passe à l’offensive pour barrer la route à ces idées de haines et de division qui ne sont que celles du capitalisme, qui y recourt dans ses moments
de grandes crises comme le sont ceux actuellement en cours.
Nicolas Marchand a fait un excellent travail pour débusquer « la bête immonde » ( le front national) et
tout ce qu’il charrie d’idées racistes, xénophobes, de démagogie, de faux radicalisme par rapport à la politique et au système qui le nourrit. ( Je publierai son intervention, avec son accord,
dès que je l’aurais).
Nicolas a raison quand il nous dit qu’il faut prendre au sérieux le vote Front National quand il atteint maintenant
une structuration durable.
Ce n’est plus un vote protestataire, nous dit-il ; ce vote prépare une réelle recomposition de la droite et les
premiers liens se vérifie avec le Sarkozisme qui banalise les idées les plus réactionnaires et je dirai pour ma part qu’hormis le fait que Sarkozy est en concurrence de voix avec le FN, il y a
derrière un échafaudage pour constituer une droite extrême et les provocations de Guéant en constituent les signes avant-coureurs. Et si on observe l’Europe politique, cette démarche se réalise
,et nous l’avons vu notamment en Italie, et je rajouterai pour ma part dans les pays de l’Est et le Nord de l’Europe où cela se précise.
Ce sont des réactions autoritaires et despotiques qui se développent et nous les voyons se déployer en Grèce ou le
peuple est placée sous les fourches caudines d’un pouvoir qui va du parti socialiste grec, aux forces de la droite et d’extrême droite pour infliger la punition au peuple par une austérité jamais
vu en Europe et qui préfigure ce que pourrait faire Sarkozy s’il est réélu.
Nicolas Marchand, dans son intervention, nous indique qu’il faut absolument se ressaisir et élever le niveau de
notre bataille et particulièrement sur les lieux de travail. D’ailleurs dans le débat qui a suivi, tous les intervenants ont été unanimes sur cette question : en débattre avec les salariés
et reprendre arguments par arguments les thèses du Front national nécessite d’armer nos camarades et d’avoir un parti communiste actif, existant sur les lieux de travail.
D’ailleurs, à ce sujet, nous n’avons pas manqué de dire que l’effacement du PCF dans les entreprises est un handicap
considérable pour mener cette bataille et qu’il faut vite accélérer un processus en cours pour lui redonner consistance et pour retrouver nos marques à l’entreprise.
Pour y parvenir, il faut pouvoir argumenter et j’ai beaucoup apprécié quelques réflexions de Nicolas sur le contenu
idéologique de ce « front national » qui veut se faire passer comme défenseur des travailleurs alors qu’elle est tout compte fait qu’une soupape du capitalisme le plus forcené
(c’est mon appréciation).
Ce Front national n’attaque jamais le capitalisme sur le fond, ne met pas en cause la règle d’or et le déficit zéro
préconisé, par contre il est l’outil du capital à l’entreprise par une opposition acharné au syndicalisme et en particulier celui de la CGT ; et l’on peut dire qu’il déresponsabilise
le patronat concernant le chômage quand il montre du doigt que ce n’est qu’une affaire d’immigration.
Cette organisation n’est une officine du libéralisme, ce libéralisme née des années Thatcher et Reagan, et le FN ne
met jamais en cause les fauteurs de la crise et les conséquences sociales engendrées et ses propositions concernant les salaires, la retraite ne sont que des « copier coller » mis
en évidence pour tromper les travailleurs au même titre que celles de Sarkozy sur « le travailler plus pour gagner plus » etc.
Nicolas a ensuite avancé les propositions du Front de gauche et du PCF et je crois que c’est là que nous pouvons
démonter le piège front national et de son égérie.
Mais, comme plusieurs camarades l’ont dit, notre grande difficulté c’est de partir de la réalité et du contexte dans
lequel se trouve les travailleurs quand les repères ne sont plus les mêmes qu’hier, où nous avions un discours bien rodé sur l’extrême droite à partir de ses méfaits pendant la guerre et que les
générations d’aujourd’hui n’ont pas connues.
IL faut donc travailler le vécu des travailleurs et ce vécu est porteur de doutes sur le politique et le manque
d’alternatives à gauche.
Michel Simon, a apporté sa pierre à cette réflexion et je lui en suis gré.
Je ne reprendrai pas point par point son intervention : il va produire avec un autre sociologue une étude qui
paraîtra dans la revue La Pensée, d’ici quelques jours et je vous invite à l’étudier dès qu’elle paraitra, elle est d’une rigueur sur l’analyse de cette montée de l’extrême droite, sur la façon
dont elle s’incruste dans le social, sur le fait que le vote ouvrier n’a pas toujours été acquis à la gauche dans l’histoire et que le passage PCF à FN est une mystification etc…
Cette analyse est détaillée à partir d’enquêtes sur le terrain.
Simplement, je voudrais dans ce blog, souligner quelques points qui ont retenu mon attention mais c’est
simplement ma perception.
Michel nous dit d’emblée concernant l’enquête qu’il a menée depuis 1966 : « c’est la pratique de
l’écoute » et il précise : « elle n’était pas dominante ni dans les secteurs de la sociologie ni dans le parti auparavant » et pour affirmer sa démarche de chercheur il
indique : « les gens d’en bas, il faut les voir avec les yeux de la population ».
C’est, je pense, une critique sérieuse que nous fait Michel, d’un travail que nous n’avons pas fait en tant que
communiste, un travail de classe nous disait-il. Je le prends en compte et j’en ferai non pas mon mea-culpa mais comme un point à travailler au contact des gens et ne pas hésiter à ferrailler la
dessus, y compris si cela doit contrarier et je pensais là à des camarades qui me disaient dernièrement que le problème FN, on évite d’en parler pour ne pas froisser des syndiqués qui
reproduisent des relents racistes et xénophobes, des jugements entendus et semés pour démolir, plutôt que de s’attaquer à celui qui créait l’angoisse et la peur du lendemain : le
patron.
Il nous faut descendre de notre piédestal pour voir ce qu’il y a comme détresse, pour y trouver non pas quelques
onguents, mais une démarche qui soit proche de ce réel, de ce vécu, et là je faisais le rapprochement avec cet autre sociologue, qui, lors du colloque de la CGT, avait fait une enquête très
poussée à Hénin-Beaumont ou la fille Le Pen sévit depuis quelques années et il nous montrait cette misère humaine où l’humain subit et se raccroche à n’importe quelle branche.
Et je faisais un rapprochement aussi avec une réunion de retraités où les camarades disaient les ravages de la crise
chez des militants, dans les familles, où l’angoisse conduisait des gens de gauche et communistes à se rapprocher des thèses du Front National à travers le « tous pourris, les fraudeurs, les
profiteurs, les immigrés qui prennent le travail, l’incivilité réservée qu’à cette catégorie etc…
Michel a remonté dans le temps et il nous a dit que le monde ouvrier n’est pas venu comme çà à la gauche et qu’il a
fallu que celui-ci soit gagné par la conviction et les luttes qu’il a mené pour son émancipation à l’exemple des mineurs dans le Nord Pas de Calais.
Il nous a dit qu’il fallait se sortir des idées reçues : le mouvement ouvrier n’est pas obligatoirement
d’essence de gauche et particulièrement communiste. Il fut gagné dans une lutte de classe. Il nous a cité l’exemple du Nord, dans le textile, dans ces villes où la droite paternaliste tenait tout
et l’ouvrier était éduqué à l’école catholique, celle des patrons du textile, et s’en défaire ne fut pas aisé. Il en reste des séquelles dans des villes où la bataille d’idées du paternalisme a
encore pignon sur rue et peut aussi favorisé des votes FN quand tout va mal.
En nous disant cela, il précisait donc que le passage du vote communiste au vote FN ne correspond pas à la
réalité avec cette partie du monde du travail qui a été réceptif tout au long de son histoire à la bourgeoisie et aux cultes qui les encadraient.
Il peut y avoir un vote de droite ouvrier qui bouge et aujourd’hui évolue vers un vote FN.
Ses travaux nous diront, éléments chiffrés à l’appui, ces évolutions et en même temps ne pas ignorer la place de
l’abstention par dépit ( c’est moi qui le dit) dans le vote ouvrier, aujourd’hui, mais qui par le manque de repères pour ceux qui n’en ont plus, peut aussi basculer dans ce vide inhumain que
propose tout compte ce FN.
Michel ensuite nous montre l’évolution de ce vote Front National, il est, dit-il, en corrélation avec l’évolution de
la crise. Et il nous donne une clé que je ne soupçonnais pas : celui de la montée du libéralisme.
Il nous parle d’un véritable renversement quand le libéralisme est passé à l’offensive dans le monde et en France et
au moment de la crise avec ses conséquences de plus en plus marquées dans les votes et pas seulement en France.
j’en déduis de ce libéralisme qui nous conduit aujourd’hui à ces politiques de destruction du social, des conquêtes
de 36 et de la libération, mais aussi dans toute l’Europe où se démolit en ce moment tous les acquis sociaux de la période des « trente glorieuses » ( il n’y a plus de grain à moudre
pour la sociale démocratie en crise, elle aussi).
1993 est pour Michel Simon une année où le Front national va s’établir avec des votes de 12 à 13 % dans cette
période et ce vote est adossé aux grandes crises industrielles, on perçoit, dit-il, une poussée idéologique incroyable dans cette période, et c’est une forte abstention, le rejet du
politique, et le vote FN qui devient un vote populaire de rejet pour des couches qui ne sont pas seulement celles des ouvriers.
C’est aussi, et c’est mon opinion, le moment où le PCF s’écroule et il est sonné par la crise et pas seulement par
le mur de Berlin.
C’est la montée « du vivre plus mal qu’avant » qui s’exprime dans les couches de la société, pas seulement
chez les ouvriers dit-il. Des cadres l’affirment aussi et l’idée de l’immigré responsable n’est pas l’élément principal dans cette période.
L’idée du déclassement entraine des réactions de peur et d’anxiété et nourrissent incontestablement les thèses
FN . La crise de 2008 entraine des effets de crainte sur le devenir et une angoisse qu’il faut détourner et les boucs émissaires sont tout trouvé pour alimenter les discours de
division.
Et je pense que là on peut y voir la main du capital, une organisation comme le Front National est le bon
supplétif pour dévier le monde ouvrier, le désunir, l’empêcher d’agir, et l’on peut alors voir des convergences qui apparaissent entre la droite conservatrice et pétainiste qui dirige ce pays et
l’extrême droite fasciste qui avance masqué avec des discours trompeurs.
L’idée d’un référendum pour obliger les chômeurs à prendre n’importe quel emploi et au prix fixé par le capital
démontre que ces convergences s’établissent en ce moment dans les droites et le discours autour des profiteurs de la Sécurité sociale, des allocations familiales, de fraudeurs, de fainéants
et qui abusent des arrêts de travail et du chômage de l’extrême droite fait fusion avec celui des ex-gaullistes devenus néo-pétainistes.
Les indications de Michel Simon m’incitent à penser qu’il faut démasquer le Front National et son faux nez social,
de même cette droite qui n’a plus rien à voir avec un gaullisme de la libération.
Il faut débusquer cde FN là où il se présente comme Merlin l’enchanteur, ou bien comme la fée carabosse : le
libéralisme a besoin pour imposer « le travail et tais-toi » d’avoir une sorte d’onguents qu’il peut étaler dans les lieux où sont ses victimes pour les pommader et leur dire que celui
qui les rends malade c’est le thermomètre et non la mal qu’il fait ,à chacune de ses victimes.
Il faut donc, disait Michel Simon, inventer des issues, les faire vivre au plus près des gens et de leurs
souffrances.
Il s’agit de nous repositionner sur ce réel, et surtout de retrouver nos assises dans les entreprises et il faut se
sortir de l’idée que rien n’est possible -si ce n’est pas vu en terme de pouvoir d’en haut - mais bien par la démocratie dans les lieux de travail, des débats et d’inventer des issues qui aident
les gens à dépasser les clivages et les divisions pour viser le vrai coupable : le capital.
Comme le disait Eric Corbeaux, il y a une dynamique Front de Gauche qui est entrain de naitre, il est essentiel de
se placer sur ce terrain de radicalité et de reconquête communiste sur le terrain des entreprises.
La lutte de classe est à l’ordre du jour et les communistes y seront à leur aise que s’is la pratiquent dans la vie
de tous les jours et au plus près de la classe ouvrière.
Bernard LAMIRAND
Nota : ce texte est ma propre perception d’une journée d’une très grande richesse difficilement reproduisible
dans cette intervention.