Pierre Laurent
Rapport au Conseil national du 25 avril 2012
Cher-e-s camarades,
Notre réunion se tient à un moment charnière pour notre pays, entre les deux tours d'une élection présidentielle dont l'issue sera capitale pour l'avenir de la France et de l'Europe.
Nous avons beaucoup de travail, beaucoup à discuter et peu de temps pour le faire, avant que chacun reparte en campagne.
Je ne me livrerai donc pas à une analyse détaillée des résultats de dimanche. Je veux en souligner des enseignements majeurs et tracer nos objectifs pour la période à venir, qui nous mène
désormais jusqu'à la fin juin, au terme de la séquence électorale engagée. Le Conseil national du 11 mai devra préciser tous ces objectifs, à partir d'une analyse complète des deux tours de
l'élection présidentielle.
Je veux d'abord, avant d'entrer dans le vif du sujet, adresser par votre intermédiaire, mes plus chaleureuses félicitations à tous les communistes. La dynamique militante a été l'un des
points forts de la campagne et du succès final du Front de gauche. L'engagement des communistes dans cette dynamique a été remarquable. Je veux redire, à l'aune des résultats, que nous
pouvons être fiers du choix des communistes d'avoir su engager la démarche du Front de gauche il y a trois ans ; d'avoir rendu possible la campagne commune présidentielle en désignant Jean
Luc Mélenchon en juin dernier.
Dès la désignation du candidat, et quel qu'ait été leur vote dans la consultation, les communistes se sont engagés unitairement dans la campagne. Cet engagement est allé crescendo
quantitativement et qualitativement. C'est à l'évidence une des raisons du succès enregistré. Je voulais donc les saluer d'emblée, car toutes et tous, nous le savons, se dépensent sans
compter.
J'en viens, à grands traits, aux caractéristiques des résultats. Dans un scrutin finalement à haute participation, avec une abstention de 20,53 %, le désaveu de Nicolas Sarkozy est le trait
majeur du vote du 22 avril. Nicolas Sarkozy perd 4% sur le premier tour de 2007, et 7,38 % sur le total additionné Sarkozy, Villiers et Nihous, aujourd'hui ralliés, soit près de trois
millions de voix perdues. C'est ce rejet que Nicolas Sarkozy tente aujourd'hui de combler, en essayant une fois encore de déplacer le terrain du débat d'idées, loin de ses responsabilités
dans la crise, sur les thèmes de l'ultra droite, voire de l'extrême droite.
Anticipant ce rejet, Sarkozy s'était donné deux objectifs pour se garantir de la réserve pour le second tour : arriver en tête du premier tour ; mettre en scène un quatuor de favoris,
comprenant trois candidats de droite et d'extrême droite pour sauvegarder le réservoir nécessaire à sa victoire. Il a en grande partie échoué. Non seulement il n'est pas en tête, mais en
très net recul, mais les totaux à droite le sont aussi. François Bayrou chute de moitié, mettant le total Sarkozy-Bayrou à 36,20 %, quand le total droite passait nettement en 2007 la barre
des 50%.
Il lui reste aujourd'hui le réservoir FN qu'il essaye de rallier par tous les moyens. La campagne du deuxième tour est en train de prendre un tour dangereux et nauséabond, ouvrant des
passerelles, pour tout de suite et l'avenir entre l'extrême droite et des secteurs importants de la droite. Pour justifier ces passerelles, la banalisation des idées du Front national est à
nouveau relancée à grande échelle. La situation est inquiétante.
Une partie du recul de l'UMP est en effet récupérée par le Front national, puisqu'il gagne 7,86%. Cette récupération du vote de droite est confirmée par une étude IFOP, qui indique que
Marine Le Pen a retrouvé 70% des électeurs de son père en 2007, et gagné 11% des électeurs de Sarkozy, 10% des électeurs de Bayrou, 7% des électeurs de Royal, et 6% des électeurs d'extrême
gauche. Alimenté par un report massif des déçus du sarkozysme, le vote Le Pen n'en est pas moins de plus en plus idéologiquement charpenté.
C'est de plus en plus souvent un vote d'adhésion aux solutions proposées par le FN articulant la préférence nationale au rejet des immigrés. Les angoisses sociales, la critique de l'Europe
sont très présentes, mais il ne s'agit pas seulement de protestation. La protestation se mue en adhésion à ces prétendues solutions. Le vote FN semble particulièrement fort et progresse
dans les zones péri-urbaines et chez les « rurbains ». Des gens modestes, ouvriers, employés, jeunes non diplômés, venus chercher un logement moins cher, une vie moins dure, et
qui se retrouvent isolés, loin des services publics, avec un sentiment d'abandon accru. Pas question donc de tirer un trait sur ces victimes de la crise, mais ayons conscience que c'est
bien de reconquête idéologique qu'il s'agit en faisant reculer l'adhésion aux « solutions » simplistes, dangereuses, destructrices du FN face à la crise, et en convainquant
d'issues à la crise radicalement différentes, construites sur la solidarité, l'égalité des droits et le progrès collectif.
Le travail que nous avons entamé dans cette campagne est salutaire. Il doit se poursuivre dans la durée autour d'une argumentation toujours renforcée, de la crédibilisation de solutions alternatives de progrès et de la force de l'action collective et solidaire retrouvée.
Face à cette droite désavouée et à cette extrême droite revancharde, les cinq candidats de gauche, Hollande, Mélenchon, Joly, Poutou et Arthaud, totalisent 43,43 %, contre 36,44 % en 2007
pour sept candidats.
Mais la situation a radicalement changé. Avec 27,87 %, Ségolène Royal réalisait plus des trois quarts du résultat de la gauche à elle seule. Aujourd'hui François Hollande fait un très beau
score socialiste avec 28,13 % et plus de 10 millions de voix. Dans la mobilisation de ce vote, le rejet de Sarkozy devance largement l'adhésion à son programme. Mais le fait majeur, le fait
le plus nouveau et le plus prometteur est le score de notre candidat Jean-Luc Mélenchon, qui avec 11,11% et quasiment 4 millions de voix, assure la part décisive du progrès de la gauche et
sa dynamique la plus significative.
Notre score, à deux chiffres, inédit depuis 30 ans, obtenu à l'issue d'une campagne exaltante, est un événement de l'élection.
Le Front de gauche progresse de manière continue à chaque élection, depuis sa création lors des élections européennes. Nous rassemblions 1,1 million de voix à ce scrutin de 2009. Nous en
avons rassemblés près de 4 millions, soit quasiment trois fois plus, dans une élection a priori redoutable.
Ce résultat ne peut être comparé au seul résultat des candidats communistes aux précédentes élections présidentielles, car il est le résultat d'une dynamique plus large avec le Front de
gauche. Il n'en reste pas moins que le poids de ces 4 millions de voix, rassemblées grâce à notre travail , à nos choix stratégiques, et à celui de nos partenaires du Front de gauche, nous
redonne une place inédite en reconstituant un nouveau paysage à gauche.
Il faut donc avoir en tête, pour prendre la mesure de notre résultat, que nous avions réuni 691 000 voix en 2007, 955 000 en 2002 et 2,6 millions en 1995, quand nous avions réalisé un très
beau score de 8,73 %.
Nous venons donc, grâce à nos choix stratégiques, de changer d'échelle.
C'est bien pour cela que notre résultat est depuis dimanche soir l'objet d'une bataille d'interprétations. Utilisant la déception, voire les larmes, de jeunes militants qui aspiraient à
plus et à mieux, et qui ont reçu, choqués, l'annonce du score du FN, voilà que les commentateurs parlent d'un demi échec. Nous récusons totalement cela. Le score est une grande victoire,
une première et grande victoire pour nous qui visons désormais plus haut.
C'est un résultat extrêmement prometteur. Plusieurs caractéristiques de ce résultat, qui méritent d'être détaillées dans chaque département, sont significatives. C'est un vote national
homogène. Aucun des départements n'est en-dessous de 5%, les plus bas, les deux départements d'Alsace, sont à 7,3%. Seuls 26 départements sont en-dessous du score national de 11%, 10
départements sont au-dessus de 14%, le plus haut score est réalisé en Seine-Saint-Denis, avec 17%.
Le vote est élevé dans nos zones de force et nous fait décoller dans beaucoup d'autres, généralisant nos ambitions sur tout le territoire. C'est un vote fort dans les grandes villes, égal
ou supérieur à la moyenne nationale, à Paris, Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, Grenoble, Bordeaux qui redeviennent des terrains de conquête.
C'est un vote ancré dans le monde du travail et dans le monde syndical qui s'est cette fois massivement mobilisé à gauche. 39% des proches de la CGT déclarent voter Mélenchon et 44%
Hollande. A la CFDT, c'est respectivement 12% et 56%. A Solidaires, 39% pour Mélenchon et 35% pour Hollande. A la FSU, 31% et 61%. A l'UNSA, 14% et 49%.
Au-delà de ces caractéristiques, je veux également retenir la dynamique de campagne qui a rendu possible un tel résultat. Nous avons remis en mouvement, remis en marche, réconcilié avec la
politique des forces sociales et populaires, des jeunes, en nombre considérable.
Les meetings spectaculaires, de la Bastille à Marseille, en passant par Lille, Limoges, Nantes ou Toulouse, ont été la partie la plus visible. Je veux insister sur le reste et pointer
quelques avancées significatives.
Un important travail de prises de contacts, de mises en réseaux notamment avec le Front des luttes a été reconstruit avec des milliers de syndicalistes, avec des militants associatifs.
C'est décisif pour l'avenir.
La tenue de 1 840 assemblées citoyennes, chiffre probablement inférieur à la réalité, a été recensée sur la durée de la campagne. Elles ont commencé à se mettre en place en octobre 2011,
sont montées en puissance en novembre-décembre, s'étendant progressivement à tout le pays. Le 4 pages édité par notre parti, très apprécié bien au-delà de nos rangs, a popularisé la
démarche. La proximité a été un gage de réussite, et les communistes sont pour beaucoup dans ce travail de maillage et d'animation.
Espaces de débats et d'explication sur la crise, de popularisation, d'éducation populaire, d'enrichissement de notre programme, elles ont été le lieu de prises d'initiatives, d'actions
publiques, souvent innovantes dans la forme. Lieux d'élargissement, elles nous obligent à modifier nos pratiques de réunions publiques, qui doivent se tourner vers l'aide à la participation
collective, l'aide à la décision et à la prise d'initiatives.
A côté de ces assemblées citoyennes, des dizaines de réseaux thématiques ont travaillé débouchant sur des initiatives remarquées, comme le « Bataclan », du Front de la culture, le
forum sport ou le forum protection sociale. Des appels ont réuni des centaines de chercheurs, d'intellectuels.
Au total, le Front de gauche a réellement commencé à devenir la force populaire que nous cherchons à mettre en mouvement depuis que nous avons initié cette démarche. Les communistes qui
jouent un rôle important depuis le premier jour dans cette démarche y sont aujourd'hui massivement acquis et investis. Le développement du Front de gauche va être au cœur de nos efforts à
venir. Des milliers de personnes apprécient d'ailleurs notre rôle, qui, comme l'ont souligné nombre d'observateurs, témoigne d'une « seconde jeunesse » du PCF.
Nous avons réalisé 6 000 adhésions nouvelles depuis la Fête de l'Humanité, 3 000 depuis le 1er janvier contre 1 200 l'an dernier, sur les trois premiers mois de l'année. 28% de ces
adhérents ont moins de 30 ans, 47% moins de 40 ans, 54% sont en activité salariée.
Ce rythme peut se confirmer et s'amplifier dans les élections législatives et la période de nos fêtes fédérales à venir. L'année 2012 peut potentiellement atteindre le niveau des 8 000
adhésions réalisées en 2005.
Nous attaquons donc plein d'énergie les défis à venir.
Avant de les aborder, une dernière remarque sur la portée de ce que nous avons déjà réalisé. Nous l'avons dit : en pleine crise capitaliste et européenne, l'enjeu de l'élection
présidentielle française n'est pas un simple changement de président de la République. Ce qui se joue, c'est le devenir des résistances populaires à l'offensive capitaliste pour faire payer
au peuple cette crise historique du système capitaliste mondialisé ; c'est la possibilité d'ouvrir un autre chemin que l'enfoncement dans l'austérité et la destruction des garanties
collectives et des services publics. Nous n'affrontons pas simplement Sarkozy, mais Sarkozy-Merkel, et à travers eux les forces de la réaction et des milieux financiers coalisées.
Nous sommes engagés dans un bras de fer dont l'alternative est simple : soit ils parviennent à imposer dans toute l'Europe une régression sociale et démocratique généralisée, soit nous
ouvrons des brêches pour renverver la tendance et libérer les forces pour un nouveau type de développement, social, écologique et solidaire. La France est au premier rang de ce front.
Dans ces conditions d'affrontement extrême qui broie en ce moment les conquêtes sociales et démocratiques de peuples entiers en Europe, réussir à faire 11% sur le haut niveau de notre
alternative ; créer les conditions de battren Sarkozy l'une des têtes de pont de l'offensive capitaliste actuelle ; laisser ouverte, en cas de victoire de François Hollande, la porte à un
débat d'orientation sur le sens de l'alternative, voilà des exploits politiques qui méritent d'être mesurés.
Ils nous valent d'ailleurs l'attention et le soutien de très nombreux Européens, je peux en témoigner comme président du PGE.
En retour, nous nous devons à la solidarité avec les Grecs, je me suis rendu à Athènes, le 3 avril, avec les Espagnols, j'étais à Madrid le 21 avril, avec les Italiens et les Portugais,
j'irai à Rome le 12 mai et très probablement le 22 mai à Lisbonne.
Je veux pour conclure ce point dire que notre combat pour renoncer au traité Sarkozy-Merkel doit prendre une place de premier plan, a fortiori si Sarkozy est battu. Nous pouvons adosser ce
combat national au combat européen que nous sommes en train d'impulser.
Le PGE a réuni les 30 et 31 mars, pour la première fois à Bruxelles, 200 personnalités de la gauche politique européenne, syndicalistes et animateurs de réseaux sociaux européens. Nous
sommes partie prenante d'un processus inédit qui vise à construire un grand sommet alternatif européen, d'ici fin 2012, début 2013. Par ailleurs, le PGE lancera officiellement en septembre
en utilisant la nouvelle procédure d'initiative citoyenne européenne, la collecte d'un million de signatures en Europe, en bas d'une proposition visant à réorienter fondamentalement le rôle
du crédit et de la BCE en créant une banque publique européenne qui dégagerait les finances publiques du chantage des marchés.
Nous aurons à en reparler très vite, et j'invite au passage à faire connaître l'Université d'été du PGE qui se tiendra du 18 au 22 juillet, à Volos en Grèce. Beaucoup de nos jeunes
adhérents et de nos cadres peuvent être intéressés.
J'en viens aux semaines à venir. Et d'abord évidemment à la bataille du second tour. Notre appel est clair, c'est celui de tout le Front de gauche. Le 6 mai, Sarkozy doit être battu, battu
à plates coutures. Plus la victoire sera large, plus les conditions de nos batailles futures seront meilleures. C'est donc sans hésitation aucune, comme je l'ai dit dimanche soir, que nous
appelons à battre Sarkozy en votant François Hollande. Notre appel n'est pas un appel de circonstances, un appel faute de mieux. C'est, dans les conditions concrètes issues des résultats du
premier tour un appel mû par une conviction profonde : la réélection « d'un » Nicolas Sarkozy dont le programme est pire que le bilan, flanqué d'une extrême droite à 18% serait un
cauchemar pour le pays, ses travailleurs, ses forces démocratiques et sociales.
Notre appel est un appel clair à la mobilisation. Tracts, assemblées publiques, porte à porte, initiatives de rues, mails.... Tout doit être utilisé pour relayer cet appel. Le Front de
gauche se lance dans cette mobilisation en faisant valoir sa parole, ses propositions. Nous n'en rabattons sur rien. Nous voulons battre la droite et l'extrême droite, parce que le pays en
a absolument besoin.
Partout, dans les formes que chaque département décidera, la parole autonome du Front de gauche doit être entendue et respectée. Nos arguments ont été utiles à un haut niveau de
mobilisation de la gauche au premier tour. Ils sont aujourd'hui indispensables à la mobilisation pour la victoire contre Sarkozy.
C'est le sens de l'appel que nous lançons avec toutes les forces du Front de gauche pour le 1er mai. Cinq syndicats appellent unitairement à un 1er mai de mobilisation sociale sur les choix
en rupture avec l'austérité.
Après Marine Le Pen, et dans la plus pure tradition pétainiste, Nicolas Sarkozy vient de lancer une véritable provocation en appelant ses partisans à détourner et à récupérer cette journée
pour en faire la fête du « vrai travail ».
La CGT, en renouvelant son appel à battre Sarkozy pour créer un contexte plus favorable aux revendications et aux luttes nécessaires au progrès social, a appelé hier, à relever le défi, en
invitant à participer massivement aux manifestations syndicales, unitaires, le 1er mai.
Appelons partout à cette mobilisation massive. Organisons notre présence massive et visible aux côtés des syndicats, dans le respect de leur appel.
Avec la vente du muguet organisée massivement dans tout le pays par notre parti, cette journée doit être un moment exceptionnel de mobilisation.
C'est le sens aussi, du meeting du Front de gauche, que nous organisons symboliquement place Stalingrad, le 4 mai à Paris, pour faire entendre à la veille du second tour, notre voix et
notre appel à battre Sarkozy et à prolonger cette victoire dans les urnes aux législatives.
J'en viens donc aux élections législatives des 10 et 17 juin. L'élection d'un président de la République ne sera rien sans l'élection d'une majorité de gauche décidée à défaire les lois
Sarkozy et à en voter de nouvelles, construites pour répondre à l'intérêt des travailleurs. C'est à l'Assemblée que se votent les lois, pas à l'Élysée.
Et si les Français veulent que cette majorité garantisse le changement, ne renonce pas face à la finance, elle devra compter de nombreux, de très nombreux députés du Front de gauche. Après
les scores que nous venons de réaliser le 22 avril, nous devons viser une grande bataille nationale qui amplifie le score obtenu à la présidentielle, renforce le poids de nos propositions,
qui rehausse les ambitions de conquête partout et sans complexe.
Nos propositions, et donc nos députés, seront indispensables pour réussir le changement. Déjà, la haute finance s'organise, s'arcboute pour faire barrage au changement, les autorités
européennes s'affolent, les marchés financiers se préparent au chantage. Avec le vote Front de gauche, avec nos candidats, nos députés, nous aurons plus de force pour vaincre ces
résistances.
Salaires, retraites, interdiction des licenciements boursiers, sécurité d'emploi et de formation, promotion du renouveau industriel et planification écologique, refus du Traité
Sarkozy-Merkel et refonte d'un nouveau traité, relance des services publics, rétablissement d'un haut niveau de protection sociale... Qui osera les changements nécessaires si les députés du
Front de gauche ne sont pas assez nombreux ?
Dans une majorité de gauche à l'Assemblée, un ou deux députés socialistes de plus, cela ne changera pas grand chose, mais 10 ou 20 députés du Front de gauche, ça changera tout. J'ajoute
qu'une des garanties apportées par les députés du Front de gauche, et non des moindres, c'est que nous travaillerons à l'élaboration des lois nouvelles avec et sous le contrôle des
citoyens, des salariés, des agriculteurs, des premiers intéressés sur chaque dossier.
Avec les députés du Front de gauche, pas de loi en catimini, mais une élaboration démocratique partagée. Rien ne se fera dans le dos du peuple. Les députés du Front de gauche seront les
garants de la transparence. C'est un engagement auquel nous veillerons comme à la prunelle de nos yeux.
Avec ce message, nous devons nous adresser très largement à toutes les électrices et à tous les électeurs de gauche, quel qu'ait été leur vote le 22 avril, pour leur dire : « Donnez de
la force à vos attentes, donnez de la force à la gauche en la musclant avec le maximum de députés du Front de gauche ».
Ce message peut être entendu si nous le portons sans attendre, avec conviction. Nos candidates et candidats doivent dès ces jours-ci prendre la tête de la mobilisation pour battre Sarkozy
et appeler à la prolonger dans les urnes le 10 juin.
Le Front national espère évidemment jouer les trouble-fêtes et Marine Le Pen caresse l'ambition d'une entrée du FN au Parlement. Les législatives doivent marquer un coup d'arrêt à ces
néfastes ambitions. Tout doit être fait pour empêcher l'élection de député FN à l'Assemblée. Avec le Front de gauche, nous appelons toutes les forces de gauche et démocratiques à y
travailler. Nous sommes pour notre part disponibles pour en créer les conditions.
Nous consacrerons une part à nouveau importante de nos travaux du 11 mai à cette bataille législative. Je n'insiste pas, mais je conclus en soulignant encore son importance. Elle commence
avec le deuxième tour du 6 mai, sans perdre une minute.
Évidemment, dans ces batailles, 1er mai, 6 mai, 10 et 17 juin, tout doit viser le renforcement de la dynamique populaire que nous avons créée. Sans cette dynamique, pas de changement
possible. Le Front de gauche a été le levier de cette dynamique. Il faut maintenant lui donner de nouvelles perspectives, de nouvelles ambitions.
Il y a ce qui fonctionne, même s'il convient de l'améliorer : le front, cette formule qui unit et sait respecter les partis et les partenaires de cette démarche ; le comité de liaison qui
anime le travail national ; le conseil national de campagne, qui devra trouver une nouvelle appellation, mais qui constitue un lieu d'échange utile, associant de très nombreuses
personnalités à notre réflexion collective ; les assemblées citoyennes ; le Front des luttes et les réseaux thématiques dont les prolongement doivent être imaginés.
Mais il y a aussi toutes les questions nouvelles : comment amplifier, structurer cette participation populaire ? Comment faire vivre mieux encore la parole collective du Front de gauche ?
Quels objectifs se donner dans la période nouvelle qui suivra les législatives ? Comment construire demain les lois nouvelles avec la participation la plus large possible ?
Je vous fais une proposition : impulsons sans attendre et partout ces débats, sans tabou, avec esprit d'imagination, avec audace. Impulsons-les avec les communistes, avec les partenaires du
Front de gauche, avec les citoyens qui nous ont rejoints. Impulsons et expérimentons. Nous ne trouverons sans doute pas la formule idéale du premier coup, mais ne ratons pas le rendez-vous
de l'investissement citoyen dans le Front de gauche. Nous pourrons approfondir ce débat au CN le 11 mai, et après les législatives.
Et j'en viens pour cela à une dernière proposition. Après les législatives, il nous faudra tirer les leçons de toute cette séquence électorale. Nous aurons aussi à prendre en quelques jours
des décisions politiques importantes, notamment sur la question du gouvernement, de notre attitude dans la nouvelle majorité. Les principes qui nous guident sont, je crois, maintenant très
clairs. Nous aurons à prendre ces décisions en consultant les communistes, en tenant compte de ce que nous disent ceux qui s'engagent à nos côtés dans la démarche citoyenne du Front de
gauche, ce que pensent et décident nos partenaires.
Quant au fond de la discussion, permettez-moi de citer et de compléter ce que j'écrivais dans l'adresse aux communistes que j'ai publiée au lendemain de la Bastille. A ceux qui
s'interrogent, où s'arrête notre combat ? Je m'interrogeais : « Jusqu'où porter nos objectifs ? » Et je répondais : « Jusqu'à leur mise en œuvre effective ». La création
continue de rapports de forces nécessaires est et restera notre feuille de route fondamentale. Je poursuivais le raisonnement : « Jusqu'au gouvernement ? » « Notre objectif
est clair. Modifier suffisamment la situation (et j'ajoute aujourd'hui : le plus vite possible) pour rendre un vrai changement possible. Pas question d'aller gouverner si la rupture avec
les politiques d'austérité n'est pas au rendez-vous. » Autrement dit, pas question si François Hollande continue de dire « mon projet présidentiel ou rien ». Je concluais :
« Aurons-nous la force et le temps d'imposer de tels changements à gauche d'ici fin juin ? Nous aurons à apprécier ensemble ce que nous avons pu, ou pas, faire bouger et comment
continuer. Nous aurons à en décider collectivement et souverainement ».
Je crois que nous devrions rester fidèles à cette ligne de conduite. La situation bouge. Elle est instable et contradictoire. Les possibilités sont là. Les dangers aussi. Notre ligne de
conduite est claire, transparente, sans compromission. Nous avons aussi de grandes responsabilités. Personne ne sait où en sera le pays fin juin. Et les attendus de notre décision, le sens
qu'ils donneront à notre décision, compteront dans le pays. C'est en responsabilité qu'il nous faudra agir.
Je vous propose donc que notre décision définitive, prise de manière éclairée et appuyée sur la réalité de la situation politique à l'issue de la séquence électorale soit prise lors d'un
Conseil national élargi ou d'une Conférence nationale extraordinaire, qui se tiendrait dans la semaine suivant le second tour des législatives. Si nous retenons aujourd'hui ce principe,
nous pourrions décider le 11 mai prochain du format et de la date précise de cette conférence, ainsi que des modalités de la consultation des communistes qui la précèdera.