RETRAITES ET SECURITE SOCIALE suite
Publié le 13 Janvier 2010
les attaques et atteintes au système de sécurité sociale :
De la Libération à nos jours, les agressions contre la Sécurité Sociale n’ont cessé de se développer. C’est un enjeu de la lutte de classes. Ses principes n’ont jamais été acceptés par le patronat. Les attaques prennent la forme d’un dénigrement mensonger, souvent caricatural, venant du pouvoir politique et du patronat, largement relayées par les médias autour de quelques thèmes, à savoir :
n la Sécurité Sociale est une charge, elle porte atteinte à la compétitivité et par conséquent à l’emploi ;
n l’image abusive du « trou de la Sécurité Sociale ». Elle nourrit une propagande systématique se référant au bon sens : on ne peut pas dépenser davantage que ce que l’on gagne. Il existe donc du gaspillage, des abus (surconsommation médicale), une mauvaise gestion (trop de personnel).
Le patronat va mener une campagne systématique contre la Sécurité Sociale. Le pouvoir politique agit évidemment dans le même sens. (…). Ces campagnes visent à créer un environnement idéologique pour faire admettre les atteintes successives portées à la protection sociale en France. Ces attaques vont accroître leur violence avec l’entrée et le développement de la crise. Nous n’en ferons pas une énumération exhaustive. Elles prendront des formes différentes :
- franchise sur les remboursements (elle sera inaugurée sous le gaullisme), taxation des actes.
- Exclusion du remboursement d’un certain nombre de médicaments
- Atteintes aux régimes de retraite en jouant sur les prestations et la durée, sur des conditions de ressources pour un certain nombre de prestations familiales.
- Ces atteintes aux régimes sociaux se répercutent dans le budget des ménages. On observe, selon les statistiques officielles, que les dépenses de santé dans le budget des ménages, c’est-à-dire la part restant à la charge, après l’indemnisation de la Sécurité Sociale et des mutuelles complémentaires, de 2 % en 1959 s’élève à 4,8 % en 2008. Il est tout à fait évident qu’une importante partie de la population pauvre (chômeurs, sans-abri, smicards, petits retraités, etc.) renonce, aujourd’hui, à se soigner.
- (…) Exonérations de cotisations consenties sous divers motifs au patronat. Elles contribuent au déficit du compte Sécurité Sociale.
- L’étatisation des régimes de Sécurité Sociale. Dans le régime général on a modifié la représentation dès salariés en la minorant. Ce qui s’est traduit par une minoration de leurs possibilités d’intervention.
- L’appauvrissement de la Sécurité Sociale résulte très directement du fait de l’augmentation du nombre des chômeurs, du travail à temps partiel, de la faiblesse de l’augmentation des salaires qui affaiblissent la masse salariale qui sert de base aux cotisations.
- Du côté des dépenses, on ne saurait oublier que les industries pharmaceutique et de l’imagerie médicale sont fortement concentrées et pratiquent des prix de monopole. La tarification à l’acte des médecins et des auxiliaires de santé pose aussi question, même si on ne doit pas perdre de vue que la population vivant en France est attachée au libre choix de ses praticiens.
- L’appauvrissement relatif de la Sécurité Sociale retentit également sur le service public hospitalier, indépendamment dès mesures adoptées le concernant directement : fermeture d’établissements, réductions de personnel, etc. Ce qui est de nature à entraîner un affaiblissement de sa fonction et à créer des charges nouvelles pour la Sécurité Sociale.
Quand on considère objectivement la situation de la protection sociale en France, on voit bien que son financement est une question primordiale. Elle se pose, d’ailleurs, aujourd’hui, dans plusieurs pays capitalistes développés. Le taux des prélèvements obligatoires, en France, est passé de 35,5 % du PIB, en 1975 à 42,2 % en 1990 et atteignait 43,7 % en 2004 ; toujours en 2004, ce taux était 40,5 % dans l’union européenne (quinze pays), mais la France se situait au sixième rang, après la Suède au premier rang avec un taux de 50,7 %.
La Sécurité Sociale a permis d’évident progrès sociaux dans la lutte contre la maladie et pour l’allongement de la durée de vie de la population.
Pour l’élargissement de notre système de protection sociale
Des mesures nouvelles doivent s’inscrire dans la recherche d’une croissance nouvelle, durable, répondant aux besoins sociaux de la population. Ce qui signifie qu’elles concernent l’ensemble de la politique économique et sociale. Cela implique la politique industrielle, le contrôle démocratique sur le système de crédit, une véritable politique industrielle dégagée de l’emprise des monopoles. Ceci concerne aussi des politiques spécifiques. Ainsi, en matière d’emplois, l’instauration d’un système de sécurité d’emploi et de formation, ce que la CGT appelle la Sécurité Sociale professionnelle, est indispensable en rapport d’ailleurs avec les exigences de la révolution informationnelle. Cela implique également les systèmes de formation, au sens large.
La rénovation du système de protection sociale entre dans ce champ. On peut donner quelques exemples : en matière de politique familiale, il conviendrait de développer des formules de garde des enfants afin de relever les taux d’activité des femmes, de développer les bourses pour des enfants de familles modestes, de créer une allocation autonomie formation pour la jeunesse. Au contraire de ce qui se passe actuellement, il conviendrait de favoriser l’abaissement de l’âge des mères à la naissance du premier enfant, ce qui est de nature à agir sur le calendrier des naissances et de permettre aux couples d’avoir le nombre d’enfants désirés. Une amélioration de la politique du logement irait dans le même sens. On devrait développer des formules de garde des jeunes enfants. La mesure permettrait certainement de relever le taux d’activité des femmes. Cette disposition est accordée à la recherche d’un plein-emploi dans une croissance nouvelle.
En ce qui concerne les retraites, il faut partir de l’idée que l’augmentation de l’espérance de vie, loin d’être une « catastrophe » comme certains n’hésitent pas à le suggérer, est, au contraire, un progrès de civilisation. Relevant également que le remplacement des salariés âgés par des plus jeunes, grâce à un système de retraite plus efficace, constitue un facteur de productivité du travail. En même temps, il faut mettre fin à l’éviction précoce des travailleurs vieillissants mais pas pour occuper des emplois précaires dont le nombre est en augmentation constante depuis des années et qui constituent une « solution » fortement utilisée actuellement aux Pays-Bas.
La question du financement des retraites par répartition est le problème majeur et incontournable, car les besoins vont encore augmenter. (…) Le système des cotisations sociales actuelles des entreprises pénalise notoirement les industries main-d’œuvre. Il faudrait inverser cette logique avec l’objectif de dégager des rentrées de cotisations nouvelles en lien avec le développement des emplois et des salaires, de la formation et de la qualification. (…) 1 % de la masse salariale en plus représente 5 milliards de cotisations en plus pour la protection sociale et 100 000 chômeurs en moins. Une cotisation nouvelle pourrait être perçue sur les revenus financiers des entreprises. Elle exercerait un effet favorable sur l’emploi et un effet dissuasif sur la croissance financière, question au cœur de la crise. L’attribution des fonds publics et du crédit devrait être orientée dans un sens favorable à l’emploi. Ce qui met en cause le fonctionnement des institutions monétaires nationales et internationales, leurs critères et leurs objectifs.
Le système de santé en France est fondé sur un principe d’égalité d’accès aux soins pour tous. Il entendait répondre à ce principe à travers la cotisation assise sur les salaires, c’est-à-dire : « chacun cotise selon ses moyens mais accède aux soins, selon ses besoins ». Il s’agit d’une différence fondamentale avec le système assurantiel où la cotisation est fondée sur les risques. En fait, contrairement à la volonté des plans de sécurité initiale le régime a combiné un système de base obligatoire et une assurance-maladie complémentaire, facultative et minoritaire à travers les mutuelles et les institutions de prévoyance. L’égalité de l’accès aux soins allait progressivement être remise en cause par les réformes réactionnaires entraînant des difficultés de plus en plus grandes pour la population en particulier pour la population pauvre.
Les multiples rapports dont nous avons signalé l’existence présentent les dépenses de santé comme un boulet, un handicap pour l’économie. Cette argumentation est fallacieuse. Etre en forme au travail, être en bonne santé profite à l’entreprise à travers le développement de la productivité ; la progression de la dépense de santé est un phénomène de civilisation. Dès la fin du XIXe siècle l’économiste allemand Ernst Engel (1821 – 1896) mettait en évidence que la structure de la consommation se déformait avec le niveau de développement économique, les ménages désirant satisfaire de plus en plus des besoins dits secondaires ou tertiaires. Ce qui fait que, dans la structure de la consommation des ménages, la part de l’alimentation régresse, tandis que celles du logement, des loisirs, de la culture et de la santé augmentent. Il conviendrait de corriger les faiblesses de notre système de santé qui tend à s’aggraver et développer la prévention notamment contre les accidents du travail les maladies professionnelles.
Notre système est insuffisamment gratuit. La gratuité n’est pas assurance des dépenses supplémentaires. C’est ce que montrent les systèmes scandinaves. Le principe des paiements à l’acte serait amené à réexaminer. Il faudrait favoriser les réseaux de soins coordonnés et affronter la question du médicament, comme nous l’avons déjà évoqué.
Le nombre des praticiens (médecins, infirmiers auxiliaires médicaux, etc.) devrait être augmenté (question du numerus clausus, densité médicale inégale suivant les régions etc..
A l’opposé de la politique gouvernementale, un plan d’urgence emploi-formation est indispensable en matière hospitalière.
LA SECURITE SOCIALE EST NEE D’UN GRAND COMBAT. SA DEFENSE, SON DEVELOPPEMENT NECCESSITENT DES LUTTES POLITIQUES ET SYNDICALES UNIES ET CONSEQUENTES.
Jean Magniadas
[1] Denis Kessler n’est pas n’importe qui. Professeur d’économie politique. Maoïste dans sa jeunesse. Il a été l’un des fondateurs du MEDEF avec le baron Seillière,.Président de la Fédération des Sociétés d ‘assurances, il préside , aujourd’hui un groupe de réassurances (SCOR)..