LES COMITES D'ENTREPRISES

Publié le 13 Décembre 2011

1899-greve creusotLES COMITES D'ENTREPRISES

Depuis quelques jours les attaques pleuvent contre les comité d'entreprises.

Un peu d'histoire est nécessaire pour se rappeler de la façon dont ils ont vu le jour.

Il faut savoir, qu'avant, c'était le charitable qui  s'incarnait  dans des formes caritatives puis vinrent des nouvelles formes d'aides avec le développement industriel du 19éme siècle et début du 20éme siècle. Nous y avons vu naitre le "familistère" de Godin:  il suppose que l'action économique soit corriger et les effets néfastes du capitalisme soit  amendés par  le Travail, la solidarité, l'équité, la liberté, le devoir comme le propose ce patron réformiste.
Mais cette façon de faire est rejetée par le capitalisme le plus dur, celui des forges, et nous allons voir se développer, en particulier, le paternalisme d'Eugène Schneider au Creusot.

Celui-ci, pour empêcher la naissance du syndicalisme dans son entreprise, au Creusot, va développer ce que l'on appellera le paternalisme familial.

Il mettra en place des œuvres sociales gérées par lui-même et ses cadres. Ainsi, dés la naissance et jusqu'à la mort, le patron apportait son concours à la vie de l'ouvrier et pour ainsi dire à la reproduction de la force de travail. L'on naissait dans le berceau payé par  les Schneider, l'école leur appartenait, le centre d'apprentissage et les petits cadeaux aux méritants confortaient l'esprit de maison et enfin l'on mourait et l'on finissait dans le cercueil payé par les maîtres du Creusot.

Au Creusot, tout le monde devait pointer à la messe le dimanche sinon il était marqué, plusieurs églises existaient et portaient le nom de "Saints" qui étaient aussi les prénoms des fils Schneider.

Tout cela visait à couper l'herbe sous le pied des syndicalistes qui voulaient du social  et du revendicatif de manière collective avec un syndicat dans l'entreprise.

Ils furent l'objet de la vindicte patronale la plus violente avec nervis et jaunes et l'armée quand il le fallait pour mater les révoltés.

1936, fut un des premiers moments d'incursion d'une autre vie sociale et syndicale à l'entreprise.

Les délégués du personnel allaient changer les us et coutumes existants.

Les revendications bien sûr, mais aussi l'accès à la culture, aux sports, la prévention et surtout la fin des dames patronnesses venant visiter les femmes ,les incitant à rester à la maison et à être de bonnes maitresses du foyer comme l'enseignaient les femmes des maitres des forges et autres patrons.

Venait aussi l'idée d'intervenir dans la marche de l'entreprise, mais l'exercice syndical,s'il était reconnu à l'extérieur de l'entreprise ne l'était pas en tant que tel à l'intérieur et il fallut attendre 1945 et 1968 pour qu'il en fut ainsi.

Je résume cela  à grand traits pour en venir à ce que la libération de la France apporta.

Mais auparavant il y eut  le pétainisme, ce pétainisme ambiant qui nous revient dans une forme de déconstruction actuellement. C'est  fut un système de collaboration entre Pétain et les patrons français qui s'installa pendant l'occupation de la France avec la charte du travail, avec  ces grands patrons français qui collaboraient allégrement avec les nazis pour faire marcher la production pour les forces occupantes, en particulier dans l'aéronautique, l'automobile avec Renault, Berliet pour les camions, la chimie pour les gaz et autres produits de guerre, tout ce monde là fut en quête d'intégration des travailleurs et ils créèrent les comités sociaux d’établissement :  ces  comités dits-sociaux,ne pouvaient débattre que des questions sociales (de l'approvisionnement des pommes de terre par exemple par ces temps de disette) mais, en aucune façon, des questions économiques. Des employeurs qui n'étaient que les continuateurs, sous d'autres formes, d'un paternalisme lié à leur devise de la collaboration: "Travail, Famille, Patrie".

Mais la résistance s'exerçait dans les entreprises en opposition avec la constitution des comités populaires clandestins dans les usines. Comme le disait Bourderon historien: " Tous sont d'accord sur les objectifs, initialement modestes vu la déstructuration du mouvement ouvrier : retrouver des militants, les convaincre de s'investir dans l'objectif majeur qu'est la défense des revendications ouvrières, et par là s'affirmer « contre Vichy et, derrière Vichy, contre l'occupant », comme le dira plus tard Henri Jourdain, qui précise : « Nous insistons sur la nécessité de développer la production non militaire, afin de satisfaire les besoins pressants de la population française, et de ne pas alimenter la machine de guerre allemande. Cette démarche ouvrira la voie au sabotage de la production de guerre."

On peut dire que se furent les premières formes nouvelles pour dépasser le paternalisme d'avant guerre, l'intégration, et son dernier avatar:  la collaboration.

Les comités d'entreprises survinrent donc à libération et font partie intégrante du programme du Conseil national de la Résistance.

Ils verront le jour en 1945 par une ordonnance du Général de Gaulle qui limite leur attribution aux questions sociales et culturelles mais surtout pas à l'intervention des salariés dans la marche de l'entreprise. De Gaulle a vu le danger, il ne veut aucunement que les travailleurs aient leur mot à dire dans le fonctionnement de l'entreprise.

Pourtant les choses ne se passeront pas ainsi, les travailleurs et la CGT, qui ont participé à la libération de la France, qui ont vu le patronat collaborer avec l'ennemi, veulent des nouveaux droits et ils vont imposer que toutes les activités sociales, sportives et culturelles soient financées par l'entreprise et non par l'employeur comme on dit à tort, en prenant un pourcentage sur la masse salariale.

Toutes ces évolutions se font par une loi de Croizat,  alors ministre du travail et de la Sécurité sociale. Celui-ci, rappelons-le, met en oeuvre les dispositions qui n’avaient pas été retenues par le gouvernement précédent : ramener à 50, et non 100, le nombre de salariés à partir duquel une entreprise aurait un comité d’entreprise, obligation de consulter le CE en matière de gestion et de marche de l’entreprise, communication des documents remis aux actionnaires, assistance d’un expert-comptable, 20 heures de délégation, etc. L’Assemblée vota la loi à l’unanimité le 16 mai 1946. Les réactions patronales furent très vives.

Voilà à quoi s'attaque maintenant le capital avec ce  néo-vichysme de retour en ces années de crise.

La campagne qui vient de démarrer vise cela:  démolir cette conquête de la libération comme celle en cours  de la Sécurité sociale.

Reprenons encore Kessler, l'ex-vice président du Medef, assureur privé, qui déclarait en 2007 à l'intention de Sarkozy: Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie….

La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !

Et dans ce programme du Conseil national de la Résistance il y a effectivement les comités d'entreprises.

L'attaque est menée dans ce cadre en faisant douter les travailleurs sur la gestion des comités d'entreprises par le syndicalisme qui serait celle de privilégiés.

Ce discours nous l'avons entendu en d'autres occasions pour démolir des droits à la retraite dans la fonction publique où encore pour les régimes spéciaux.

On met en avant tout et n'importe quoi et l'on additionne de chiffres en milliards d'euros détournés des CE dans les syndicats.

Bande de faussaires!

Un seul exemple de la malhonnêteté de ces scribouillards, c'est l'intégration dans ces chiffres du coût des heures de délégation des élus qui sont de droit  et dont certainement le patronat voudrait s'en défaire.

Cela représente en salaires plusieurs milliards d'euros.

Ces sommes, consacrées à l'exercice syndical, ont été obtenus en 1936 par les délégués du personnel puis en 1945 avec les membres du comité d'entreprise et enfin avec le droit syndical en 1968 permettant l'exercice syndical sur le lieu de travail et pendant le temps de travail.

Voilà l'attaque qui se cache derrière des prétendus détournements.

Casser la représentation syndicale qui doit être rémunérée comme temps de travail.

Ces aboyeurs, qui viennent tout droit de la niche patronale, de cette nichée héritière de ce paternalisme, de ce vichysme, n'ont bien sûr jamais calculé les sommes énormes dépensées par les patrons pour casser les luttes, pour déposer leurs larcins dans les niches fiscales de Suisse, payer des nervis contre le syndicalisme etc.

Leur but est bien de jeter le trouble, d'opposer les travailleurs entre eux, bref de diviser pour régner.

Le but est évident: dans ces moments d'une crise du système, du jamais vu, pour faire accepter l'austérité et le recul social, les comités d'entreprises dont le rôle est important dans la lutte contre les fermetures, les licenciements, les délocalisations, doivent être mis hors d'état de nuire face aux politiques de rigueur décidées par l'Europe des profiteurs.

Les travailleurs ont toutes les raisons de défendre leurs lieux de représentation et les comités d'entreprises sont indispensables à la lutte contre les mesures édictées par l'Europe du Capital.

Nul doute que ceux-ci ne marcheront pas dans les attaques réactionnaires actuelles distillées par ceux qui veulent faire taire le syndicalisme.

 

Bernard LAMIRAND

Rédigé par aragon 43

Publié dans #syndicalisme

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article