COMMUNISME : LES RETROUVAILLES ?
Publié le 22 Janvier 2011
Communisme: Les retrouvailles ?
Voici quelques extraits de "L'idéologie allemande "de K. Marx - F. Engels, qui sont à mettre en débat en ces moments où le communisme reprend de l'aplomb et où des hommes et des femmes se libèrent de leurs entraves comme en Tunisie. Marx et Engels, bien sûr, n' ont pas tout décrit des évolutions des sociétés et des rapports entre les hommes, mais ils donnent des clés face aux chaines qu'il faut briser en ce moment: celles d'un capitalisme arrivé en bout de course, destructeur, mais qui tient par manque d'une perspective communiste du 21eme siècle et de communistes qui ont besoin de se ressourcer au lieu de se frapper la poitrine.
Ces extraits montrent que le cours de l'histoire, à travers les péripéties, va dans le sens du communisme pourvu que l'on s'en occupe nous-mêmes.
Bernard LAMIRAND
Opposition de la conception matérialiste et idéaliste
C. Communisme production d'échanges lui-même
Le communisme se distingue de tous les mouvements qui l'ont précédé jusqu'ici en ce qu'il bouleverse la base de tous les rapports de production et d'échanges antérieurs et que, pour la première fois, il traite consciemment toutes les conditions naturelles préalables comme des créations des hommes qui nous ont précédé jusqu'ici, qu'il dépouille celles-ci de leur caractère naturel et les soumet à la puissance des individus unis…
La différence entre l'individu personnel et l'individu contingent n'est pas une distinction du concept, mais un fait historique. Cette distinction a un sens différent à des époques différentes : par exemple, l'ordre [en tant que classe sociale] pour l'individu au XVIII° siècle, et la famille aussi plus ou moins. C'est une distinction que nous n'avons pas, nous, à faire pour chaque époque, mais que chaque époque fait elle-même parmi les différents éléments qu'elle trouve à son arrivée, et cela non pas d'après un concept, mais sous la pression des conflits matériels de la vie. Ce qui apparaît comme contingent à l'époque postérieure, par opposition à l'époque antérieure, même parmi les éléments hérités de cette époque antérieure, est un mode d'échanges qui correspondait à un développement déterminé des forces productives. Le rapport entre forces productives et forme d'échanges est le rapport entre le mode d'échanges et l'action ou l'activité des individus….
Tant que la contradiction n'est pas apparue, les conditions dans lesquelles les individus entrent en relations entre eux sont des conditions inhérentes à leur individualité; elles ne leur sont nullement extérieures et seules, elles permettent à ces individus déterminés et existant dans des conditions déterminées, de produire leur vie matérielle et tout ce qui en découle; ce sont donc des conditions de leur affirmation active de soi et elles sont produites par cette affirmation de soi. En conséquence, tant que la contradiction n'est pas encore intervenue, les conditions déterminées, dans lesquelles les individus produisent, correspondent donc à leur limitation effective, à leur existence bornée, dont le caractère limité ne se révèle qu'avec l'apparition de la contradiction et existe, de ce fait, pour la génération postérieure. Alors, cette condition apparaît comme une entrave accidentelle, alors on attribue aussi à l'époque antérieure la conscience qu'elle était une entrave…
Ce développement se produisant naturellement, c'est-à-dire n'étant pas subordonné à un plan d'ensemble établi par des individus associés librement, il part de localités différentes, de tribus, de nations, de branches de travail différentes, etc., dont chacune se développe d'abord indépendamment des autres et n'entre que peu à peu en liaison avec les autres. De plus, il ne procède que très lentement; les différents stades et intérêts ne sont jamais complètement dépassés, mais seulement subordonnés à l'intérêt qui triomphe et ils se traînent encore pendant des siècles à ses côtés. Il en résulte que, à l'intérieur de la même nation, les individus ont des développements tout à fait différents, même abstraction faite de leurs conditions de fortune, et il s'ensuit également qu'un intérêt antérieur, dont le mode d'échange particulier de relations est déjà supplanté par un autre correspondant à un intérêt postérieur, reste longtemps encore en possession d'une force traditionnelle dans la communauté apparente et qui est devenue autonome en face des individus (État, droit); seule une révolution est, en dernière instance, capable de briser ce système. C'est ce qui explique également pourquoi, lorsqu'il s'agit de points singuliers, qui permettent une synthèse plus générale, la conscience peut sembler parfois en avance sur les rapports empiriques contemporains, si bien que dans les luttes d'une période postérieure, on peut s'appuyer sur des théoriciens antérieurs comme sur une autorité.…
La transformation par la division du travail des puissances personnelles (rapports) en puissances objectives ne peut pas être abolie du fait que l'on s'extirpe du crâne cette représentation générale, mais uniquement si les individus soumettent à nouveau ces puissances objectives et abolissent la division du travail. Ceci n'est pas possible sans la communauté. C'est seulement dans la commun [avec d'autres que chaque] individu a les moyens de développer ses facultés dans tous les sens; c'est seulement dans la communauté que la liberté personnelle est donc possible. Dans les succédanés de communautés qu'on a eus jusqu'alors, dans l'État, etc., la liberté personnelle n'existait que pour les individus qui s'étaient développés dans les conditions de la classe dominante et seulement dans la mesure où ils étaient des individus de cette classe. La communauté apparente, que les individus avaient jusqu'alors constituée, prit toujours une existence indépendante vis-à-vis d'eux et, en même temps, du fait qu'elle représentait l'union d'une classe face à une autre, elle représentait non seulement une communauté tout à fait illusoire pour la classe dominée, mais aussi une nouvelle chaîne. Dans la communauté réelle, les individus acquièrent leur liberté simultanément à leur association, grâce à cette association et en elle…
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Si l'on considère, du point de vue philosophique, le développement des individus dans les conditions d'existence commune des ordres et des classes qui se succèdent historiquement et dans les représentations générales qui leur sont imposées de ce fait, on peut, il est vrai, s'imaginer facilement que le genre ou l'homme se sont développés dans ces individus ou qu'ils ont développé l'homme; vision imaginaire qui donne de rudes camouflets à l'histoire. On peut alors comprendre ces différents ordres et différentes classes comme des spécifications de l'expression générale, comme des subdivisions du genre, comme des phases de développement de l'homme.
Cette subordination des individus à des classes déterminées ne peut être abolie tant qu'il ne s'est pas formé une classe qui n'a plus à faire prévaloir un intérêt de classe particulier contre la classe dominante.
Les individus sont toujours partis d'eux-mêmes, naturellement pas de l'individu "pur" au sens des idéologues, mais d'eux-mêmes dans le cadre de leurs conditions et de leurs rapports historiques donnés. Mais il apparaît au cours du développement historique, et précisément par l'indépendance qu'acquièrent les rapports sociaux, fruit inévitable de la division du travail, qu'il y a une différence entre la vie de chaque individu, dans la mesure où elle est personnelle, et sa vie dans la mesure où elle est subordonnée à une branche quelconque du travail et aux conditions inhérentes à cette branche…
La différence entre l'individu personnel opposé à l'individu en sa qualité de membre d'une classe, la contingence des conditions d'existence pour l'individu n'apparaissent qu'avec la classe qui est elle-même un produit de la bourgeoisie. C'est seulement la concurrence et la lutte des individus entre eux qui engendrent et développent cette contingence en tant que telle. Par conséquent, dans la représentation, les individus sont plus libres sous la domination de la bourgeoisie qu'avant, parce que leurs conditions d'existence leur sont contingentes; en réalité, ils sont naturellement moins libres parce qu'ils sont beaucoup plus subordonnés à une puissance objective. ..
Sans doute les serfs fugitifs considéraient leur état de servitude précédent comme une chose contingente à leur personnalité : en cela, ils agissaient simplement comme le fait toute classe qui se libère d'une chaîne et, alors, ils ne se libéraient pas en tant que classe, mais isolément. De plus, ils ne sortaient pas du domaine de l'organisation par ordres, mais formèrent seulement un nouvel ordre et conservèrent leur mode de travail antérieur dans leur situation nouvelle et ils élaborèrent ce mode de travail en le libérant des liens du passé qui ne correspondaient déjà plus au point de développement qu'il avait atteint [.
Chez les prolétaires, au contraire, leurs conditions de vie propre, le travail et, de ce fait, toutes les conditions d'existence de la société actuelle, sont devenues pour eux quelque chose de contingent, sur quoi les prolétaires isolés ne possèdent aucun contrôle et sur quoi aucune organisation sociale ne peut leur en donner. La contradiction entre la personnalité du prolétaire en particulier, et les conditions de vie qui lui sont imposées, c'est-à-dire le travail, lui apparaît à lui-même, d'autant plus qu'il a déjà été sacrifié dès sa prime jeunesse et qu'il n'aura jamais la chance d'arriver dans le cadre de sa classe aux conditions qui le feraient passer dans une autre classe. Donc, tandis que les serfs fugitifs ne voulaient que développer librement leurs conditions d'existence déjà établies et les faire valoir, mais ne parvenaient en dernière instance qu'au travail libre, les prolétaires, eux, doivent, s'ils veulent s'affirmer en valeur en tant que personne, abolir leur propre condition d'existence antérieure, laquelle est, en même temps, celle de toute la société jusqu'à nos jours, je veux dire, abolir le travail. * Ils se trouvent, de ce fait, en opposition directe avec la forme que les individus de la société ont jusqu'à présent choisie pour expression d'ensemble, c'est-à-dire en opposition avec l'État et il leur faut renverser cet État pour réaliser leur personnalité.
*Marx a précisé ensuite: le travail salarié