70 EME ANNIVERSAIRE DU CONVOI DES 45000 A COMPIEGNE

Publié le 8 Juillet 2012

70e anniversaire du convoi des " 45000" vers Auschwitz. Hommage de Pierre Labate, de Mémoire Vive, COMPIEGNE. 7 Juillet 2012

par Thierry Aury, dimanche 8 juillet 2012, 11:07 ·

Bonjour à toutes et à tous.

 

De manière exceptionnelle, nous célébrons le 70e anniversaire du départ du convoi du 6 juillet 1942, parti de la gare de Compiègne (à Margny) vers Auschwitz-Birkenau au sortir du Fronstalag 122, qui se situait tout près de nous.

 

Je suis le petit-fils d’un déporté de ce convoi. Je ne l’ai pas connu : malade au départ de Compiègne, il a succombé neuf jours après son arrivée à Auschwitz.

Je suis également membre du bureau de l’association Mémoire vive des convois des 45000 et de 31000 d’Auschwitz-Birkenau.

 

Au nom de celle-ci, je remercie Madame Anne Bonamy, directrice du Mémorial de l’internement et de la déportation du camp de Royallieu, qui a souhaité avec nous cette journée d’hommage et qui soutenu l’apposition définitive - au sein du parcours historique - d’un panneau rappelant le destin des "45000", premier transport de déportation de répression à quitter le camp de Royallieu ; Madame Bonamy qui a également permis la présentation d’une exposition temporaire sur nos deux convois.

 

Je remercie la Ville de Compiègne pour son soutien à cette initiative, en la personne de Monsieur Joël Dupuy de Méry, conseiller municipal délégué à la citoyenneté, aux relations avec l’armée et les associations patriotiques, représentant Monsieur Philippe Marini, maire de Compiègne et sénateur de l’Oise, ainsi que de Madame Jacqueline Liénard, conseillère municipale, déléguée au Mémorial.

 

Afin de signifier cette gratitude, notre association souhaite offrir au Mémorial ainsi qu’à la Ville de Compiègne une médaille-anniversaire qu’elle a fait frapper par la Monnaie de Paris, en souscription, à destination de ses adhérents.

 

Je remercie Monsieur Jean-Claude Tranchant des associations patriotiques de Compiègne, qui nous apporte une aide précieuse en étant maître de cérémonie,

 

Je remercie tous les porte-drapeaux venus y conférer la solennité requise.

 

Le temps qui nous est imparti rend difficile de nommer les nombreuses personnalités présentes avec leurs titres respectifs.

 

Je salue Mesdames et Messieurs les députés et élus locaux de l’Oise, ainsi que les représentants des associations patriotiques du département.

 

Je salue Mesdames et Messieurs les élus qui ont accompli un plus long chemin : Caen, Nanterre…

 

Je salue les représentants nationaux de l’ANACR, de l’ARAC et de la FNDIRP.

 

Je salue Messieurs François Auguste, Président du conseil national du Parti communiste français, venu représenter Pierre Laurent, son secrétaire national, Thierry Aury, secrétaire du Comité régional de Picardie du PCF, et Bruno Hénin, secrétaire général de l’UD CGT de l’Oise : ils sont venus au rendez-vous de leur propre histoire.

 

Je salue les familles des déportés ”45000” et “31000”.

 

Enfin, je salue Fernand Devaux, détenu 45472 à Auschwitz-Birkenau, qui représente ses compagnons de déportation, André Montagne et René Besse.

 

Merci à tous et à toutes d’être présents.

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Les rescapé(e)s et les familles des déporté(e)s d’Auschwitz qui ont fondé notre association n’ont pas voulu seulement exprimer la perte des disparus ou célébrer leur héroïsme. Ils et elles ont toujours souhaité rappeler en quoi cette expérience extrême pouvait avoir un lien avec le présent et l’avenir.

 

C'est un fait historique, le convoi quittant ce camp à l’aube du 6 juillet 1942 était composé à 90 % d’ouvriers.

Notre association rappelle toujours la présence parmi eux de cinquante otages désignés comme juifs - dont le départ mis fin à l’existence officielle du camp juif

de Royallieu -, et d’une vingtaine de patriotes ayant agit en suivant l’appel du général de Gaulle.

Cependant, il n’est pas abusif ni injuste de considérer l’homogénéité du grand groupe d’hommes rassemblé pour ce transport.

Cette dominante ouvrière est la conséquence directe du premier critère retenu pour

les sélectionner comme otages : avoir été actif au sein du Parti communiste clandestin depuis l’invasion allemande achevée en zone nord le 25 juin 1940, critère englobant l’activité syndicale au sein de la CGT.

Et c’est précisément pour enfermer ces militants que l’armée d’occupation créa

ce camp après le 22 juin 1941, date de l’invasion de l’URSS.

 

Pour l’Allemagne nazie, la défaite de notre pays était l’occasion inespérée de régler définitivement son compte aux idéaux républicains et démocratiques de la Révolution française.

 

Pour ceux qui, en France, rêvaient également depuis les années 1930 de renverser

la République, la situation créée par la défaite représentait « une divine surprise ». Regroupés autour de Pétain, sous la protection des vainqueurs, ils engageaient une soit-disant révolution nationale. Le 10 juillet 1940, la République cessait d’exister :

« travail, famille, patrie » remplaçait la devise « liberté, égalité, fraternité ».

 

Par refus de tout progrès social, une partie des notables français tombait dans

une stupéfiante indulgence à l’égard de l’Allemagne hitlérienne, pensant qu’après tout la victoire de celle-ci était le prix à payer pour la sauvegarde d’intérêts considérés comme menacés, ce qui fit naître la formule « plutôt Hitler que le Front populaire ».

 

La composante majoritaire de ceux et celles que nous honorons et qui deviendront

les “45000” et les “31000” avait une conscience politique assez élevée, leur donnant une capacité d’analyse des événements et la conscience des dangers. Malgré

la complexité de la situation née de la défaite, ils restaient liés à la logique antifasciste dont ils avaient été les champions, depuis 1934 et, plus encore depuis les accords

de Munich livrant la Tchécoslovaquie à l’Allemagne Nazie.

Ils poursuivirent leurs combats des années 1930 au début des années 1940, et le payèrent d’un prix élevé.

 

Les ouvriers y tinrent une grande place et, parmi eux, nombre de responsables syndicaux. L’écrivain catholique François Mauriac pourra écrire en novembre 1941

que « Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée ».

 

Et le général de Gaulle, dans son discours du 30 avril 1942, déclara : « aujourd’hui, malgré la faim, l’oppression, l’infâme propagande, ce sont les travailleurs français, ceux de la terre, ceux des usines, ceux des transports, qui donnent, au milieu des ennemis et des traîtres qui les servent, l’exemple de la résistance […] qui, par tant de sacrifices […] maintiennent, malgré tout, l’honneur […] du peuple français. Voilà pourquoi demain, 1er mai, tous les Français, toutes les Françaises répondront à l’appel des travailleurs de France », faisant écho à « un premier mai de lutte » auquel appelaient les instances clandestines du PCF et de la CGT.

 

Tirant les leçons du passé, la Résistance unie se fixa un objectif dépassant la libération nationale, pour l’instauration d’une société porteuse de davantage de justice sociale. C’est dans dans cet esprit, que le Conseil national de la Résistance élabora

un programme dont nous sommes encore - pour partie - bénéficiaires.

 

Parce qu’elles furent obtenues au prix de tant de sacrifices, ces conquêtes nous font

un devoir de résistance contre leur démantèlement.

 

Les Résistants ont également voulu que leur expérience éveille la vigilance des nouvelles générations contre les thèses d’exclusion. À l’heure où la crise financière

et économique agite des passions nationalistes ou religieuses justifiant le rejet de

la différence, il faut se souvenir qu’avant les massacres et les génocides il y a toujours des discours, des exhortations, des insinuations et des vindictes. Dans ce qu’elles portent d’inhumain, les différentes expressions du racisme ne peuvent être considérés comme des opinions parmi d’autres ; l’appel à la haine et au mépris n’appartiennent pas au droit fondamental de la liberté d’expression.

 

Lorsque “45000” et “31000” engagèrent leur existence dès avant la guerre, à quelle oppression entendaient-ils alors mettre fin ? À l’exploitation de l’homme par l’homme au sein des rapports de travail ; réalité qu’ils connaissaient bien pour y être eux-mêmes journellement confrontés.

 

Cette exploitation de l’être humain, ils la retrouvèrent poussée à son maximum

à Auschwitz et dans les autres camps, puisqu’une des façons d’y mourir était

de s’épuiser à la tâche, sans nourriture ni repos suffisants, d’être battu à mort au motif d’un rendement trop faible, de se blesser sur les chantiers sans recevoir de soins réels, d’être assassiné en chambre à gaz ou d’une piqûre au cœur… après avoir été sélectionné comme « inapte au travail ».

 

Aujourd’hui, nous sommes confronté à une spéculation financière qui n’a plus « les pieds sur terre », comme tout le monde s’accorde à le reconnaître. Pourtant, quand

les bulles spéculatives éclatent, quand le retour à la réalité s’impose, ceux qui doivent payer la note sont toujours ceux qui n’ont jamais eu ni le désir, ni possédé les moyens de miser dans ce genre de casino boursier.

 

Afin de rétablir les comptes, de réduire la dette, une seule « variable d’ajustement » est unanimement proposée par des experts aux ordres : il faut baisser le « coût du travail ». C’est-à-dire, finalement, payer le moins possible le travailleur, l’exploiter davantage… C’est une modernité qui nous ramène au milieu du 19e siècle.

 

Depuis des années, on explique doctement à ceux qui subissent cette pénibilité accrue du travail et la précarisation de leur existence qu’« Il n’y a pas d’alternative ».

Autrement dit : « Toute résistance est inutile, Résignez-vous ! ».

 

Mais, « Résignez-vous…? », n’est-ce pas là le discours qui a toujours légitimé l’oppression, toutes les oppressions ?

« Résignez-vous » , n’est-ce pas là le discours-même d’un maréchal de France

ayant souhaité la défaite de son pays pour y imposer sa version du totalitarisme, antisémitisme compris.

 

Il faudra sans doute encore compter avec le sens de la dignité de l’être humain,

y compris quand celui-ci se présente sous l’aspect du travailleur… même précarisé, même privé d’emploi, même sans domicile fixe.

 

Se mobiliser pour défendre la dignité humaine, voilà - parmi d’autres - une valeur

qui fait l’actualité des déportés du 6 juillet 1942 et de leur engagement.

C’est leur être fidèle que de le rappeler, c’est l’hommage que nous leur devons.

 

Merci pour votre attention.

 

Pierre LABATE


Lecture de poèmes de la déportée Charlotte Delbo devant le monument situé en gare de Compiègne-Margny d'où sont partis les convois de déportés.

Rédigé par aragon 43

Publié dans #politique

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