LE NATIONALISME BANAL (Tribune parue dans l'Humanité)

Publié le 24 Juin 2018

Je publie cette tribune qui est précieuse pour comprendre où peut mener nationalisme et populisme.

Ce que nous voyions sous nos yeux en Europe et aux Etats-Unis montre que la "bête immonde n'est pas loin ". Merci à Gérard Mordillat et à Frédérric Gudea pour cette excellent mise en garde.

Bernard LAMIRAND

 
 
Le nationalisme banal
Mardi, 19 Juin, 2018

Par Gérard Mordillat Écrivain et cinéaste Frédéric Gudéa Ouvrier spécialisé

Mais, dans la société française, le nationalisme a dépassé le seuil de la banalité. C’est le deuxième niveau, où il est devenu inadmissible de ne pas chanter la Marseillaise lors des compétitions sportives ; où le patriotisme, l’amour de la patrie sont devenus obligatoires sous peine d’accusation de trahison et de soutien au terrorisme. Après le Bataclan et la tuerie à Charlie Hebdo, François Hollande a appelé les Français à mettre des drapeaux aux fenêtres, à se photographier devant eux et à poster leur image sur les réseaux sociaux. Marine Le Pen a obtenu un score historique à l’élection présidentielle sur le thème de la priorité aux Français et Jean-Luc Mélenchon a fait distribuer des drapeaux français à ses partisans. Ce n’est pas « le poumon ! » comme dans Molière, c’est « le drapeau ! le drapeau ! le drapeau, vous dis-je » !

Le troisième niveau du nationalisme, c’est la bestialité raciste et xénophobe du fascisme de Mussolini ou du nazisme d’Hitler.

Nous y arrivons.

Le nationalisme est une idéologie de combat. Il impose de choisir son camp : patriote ou mondialiste, ami ou ennemi, frère ou traître. On est chez nous ! La France, on l’aime ou on la quitte ! ou, version Wauquiez, « pour que la France soit vraiment la France ». Sous le vernis sentimental de l’amour de la patrie, on sent le mépris, la haine et la violence prêts à passer à l’action. Du drapeau français à « on est chez nous ! », il n’y a qu’un pas. Et plus il y a de drapeaux français et plus se rapproche le jour où « on » décidera que « les autres » sont des menaces pour la sécurité nationale et pour l’honneur de la patrie.

Dans une nation, les membres n’ont pas la possibilité de tous se connaître individuellement et pourtant ils se reconnaissent comme membres de la même communauté politique. La nation est imaginée comme souveraine, car les nations rêvent d’être libres. L’emblème de cette liberté est l’État souverain. La nation est imaginée comme une communauté car, quelles que soient les inégalités et l’exploitation qui y règnent, la nation est toujours pensée d’abord comme une camaraderie horizontale. La menace nationaliste se nourrit de la multiplication des problèmes de la société française. La réponse est fausse mais terriblement simple : la cause de tous les problèmes, ce sont « les autres », les étrangers d’ici et d’ailleurs, et « nous » sommes des victimes. En France, la nation, c’est la terre et les morts. Qui ne sort pas de cette terre et n’a pas des générations de morts pour la France est un étranger.

La question nationale, une fois posée, régente les questions sociales, économiques, écologiques, sociétales et politiques. Elle ne se discute pas, elle s’impose avec la force de l’évidence. Le monde des nations semble le monde naturel et le seul monde possible. Le nationalisme en France, comme ailleurs, menace la démocratie car il conduit, tôt ou tard, à la dictature. La menace nationaliste augmente jour après jour. Elle compte bien remporter des succès éclatants aux élections européennes de juin 2019.

Ouvrons les yeux sur les manifestations concrètes du nationalisme, du plus banal au plus spectaculaire. Appelons un chat un chat et le nationalisme une menace. Le terme de populisme est un miroir aux alouettes, un piège à cons, un nuage d’encre médiatique devant le néofascisme qui gangrène l’Europe et la France. Science politique sans conscience du nationalisme n’est que ruine de la démocratie.

S’il faut un drapeau, c’est le drapeau rouge ou le drapeau noir parce que, comme le disaient les anarchistes espagnols « le sang humain est rouge et l’esprit est noir », et s’il fait bon chanter, ce n’est pas la Marseillaise qu’il faut entonner mais l’Internationale.

Gérard Mordillat

Écrivain et cinéaste Frédéric Gudéa Ouvrier spécialisé

L’entrée du supermarché est décorée d’un immense drapeau français. Face à la porte du magasin, au-dessus des caisses, un autre drapeau français est tendu. Un rayonnage propose des écharpes, des capes, des chapeaux, des sacs à dos, du maquillage tricolore et des drapeaux français. La Coupe du monde de football s’annonce favorable au commerce du bleu-blanc-rouge sous toutes ses formes. Le drapeau incarne le premier niveau du nationalisme : le nationalisme banal tel qu’il se manifeste en façade des bâtiments publics, tel qu’il s’entend dans l’hymne national, se célèbre lors des fêtes nationales, sans oublier les monuments aux morts, les papiers d’identité nationale et la monnaie nationale…

Rédigé par aragon 43

Publié dans #SOCIETE

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