SEUILS SOCIAUX : LA LUTTE CONTINUE
Publié le 23 Janvier 2015
SEUILS SOCIAUX : LA BATAILLE POUR EMPÊCHER LES MAUVAIS COUPS N’EST PAS FINIE
Le patronat et le gouvernement voulaient imposer la fin de ce que les deux « complices » appellent le mille feuille syndical, terme passé à la postérité avec la réforme des structures régionales de l’état. Ils ont été mis en échec et n’ont pu obtenir des organisations syndicales le blanc-seing qu’ils espéraient à une opération visant à détruire les attributions des organismes représentatifs des travailleurs au sein des entreprises du secteur privé.
Mais cet échec, celui du patronat, du gouvernement, du président de la République, pourrait n’être que partie remise puisque Valls et Rebsamen ministre du chômage, viennent de répliquer immédiatement en prenant les affaires en main en vue d’établir un projet gouvernemental.
Un projet gouvernemental, pourquoi pas, s’il s’agirait de donner des droits supérieurs aux salariés dans les entreprises où règnent l’arbitraire patronal et particulièrement dans les petites et moyennes entreprises où le syndicalisme quel qu'il soit est l’ennemi principal.
Mais ne soyons pas crédule, le gouvernement est aux manettes sur ce dossier et vise à diminuer les droits des salariés dans les entreprises par « simplification » de la représentation, des attributions pour regrouper dans une même structure les comités d’entreprises, les délégués du personnel, les délégués syndicaux, les comités d’hygiène et de sécurité et conditions de travail (CHSCT).
Ces organismes représentant les salariés ont une histoire dans le secteur privé, ils sont issus des luttes des travailleurs comme les délégués du personnel en 1936 sous le front populaire chargés de présenter les revendications des salariés, les comités d’entreprise obtenus par une ordonnance en 1945 mais surtout par loi Croizat en 1946 par des droits consultatifs sur la marche de l’entreprise, l’expertise sur les comptes financiers, sur l’emploi et les conditions de travail et les questions sociales, sportives culturelles et les CHS sur la sécurité.
Il est utile de rappeler que pendant la guerre ce patronat avait collaboré avec les nazis et le gouvernement de Pétain pour établir une charte du travail avec un organisme unique représentant les salariés, les "comités sociaux " sous la maitrise des directions d’entreprise. C’était sa revanche contre la CGT par rapport à ce qu’il avait dû concéder dans les accords Matignon à cette époque.
Des "comités sociaux" dénommés « comités patates » puisque leurs prérogatives se limitaient à trouver de quoi manger dans cette période de pénurie et d’envoyer de colis aux travailleurs en service obligatoire en Allemagne (STO) que le patronat recrutait pour la puissance occupante.
L’idée de mettre en place une délégation unique qui regrouperait toutes les attributions mentionnées ci-dessus ne nous ramènerait certes pas à ces "comités sociaux" mais ferait de cet organisme un réceptacle général diluant les différentes responsabilités au sein de l’entreprise concernant les droits des salariés.
Ce serait pour ainsi dire une sorte de mollusque invertébré où il serait plus difficile pour les travailleurs d’y avoir accès par les pesanteurs qui viendraient de facto rendre les différentes tâches inaccessibles pour ceux-ci, avec en plus les lourdeurs d’un tel système centralisé et bureaucratisé.
De même les moyens seraient réduits et compressés avec moins de délégués et moins d’heures de délégation.
C’est en fait le but de l’opération : réduire la présence syndicale à l’entreprise et surtout de supprimer le lien entre les travailleurs et leurs organisations syndicales avec ces organismes qui ont fait la preuve de leur efficacité pour représenter les salariés.
Des dizaines de milliers d’élus disparaitraient ainsi des entreprises et particulièrement dans les PME où déjà le travail de sape pour casser le syndicalisme fait en sorte que les travailleurs n’ont plus que les « choux-choux » où mieux encore le cafteur du patron comme interlocuteur.
D’ailleurs ces patrons des PME, lors des discussions, n’ont pas hésité à dire que dans leur entreprise il n’y avait pas besoin de syndicat et d’élus du personnel car ils avaient le contact avec leur salariés tous les jours directement.
On sait lesquels ….
Il y a aussi dans les desseins patronaux l’objectif de limiter les discussions salariales ( et autres) en les réduisant à leur plus simple expression (tous les 3 ans) et en supprimant la négociation avec les délégués syndicaux pour confier d’éventuels accords, qu’il formuleraient eux-mêmes, à cette structure de délégation unique dans laquelle le droit de revendiquer, d’agir et de lutter n’existerait plus ou confinée qu’à la morgue patronale du rejet.
Donc échec et l’on peut s’en féliciter mais rien n’est joué.
En réalité, le patronat et le pouvoir ont toujours pour objectif de simplifier la présence syndicale pour la rendre inopérante sur le plan revendicatif et avoir les mains libres pour réduire le coût du travail et donc de "simplifier" toutes les procédures et actes de représentations syndicales pour licencier à volonté et n’avoir aucun compte à rendre des licenciements, des fermetures et des délocalisations d’entreprises pour le profit maximum.
Rien n’est donc joué et si le gouvernement prend le dossier, c’est pour poursuivre par la voie d’ordonnance ou législative ce travail de casse de la représentation des salariés à l’entreprise.
Une telle stratégie doit être combattue fermement par toutes les organisations syndicales car c’est le syndicalisme tout entier qui est visé et le peu de démocratie à l’entreprise se verrait alors réduit comme une peau de chagrin.
Débattons en avec les intéressés, les travailleurs.
Bernard LAMIRAND